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La direction de l’instruction publique et de la pédagogie confiée au lobby militaro-industriel

La direction de la pédagogie confiée à une militaire, ce n’est pas au Brésil mais en France : la nomination par Blanquer à la tête du service de l’instruction publique et de l’action pédagogique, un poste clef de l’Education nationale, d’une ingénieure en chef de l’armement et colonelle (R.-M. Pradeilles-Duval), pour atypique qu’elle puisse paraître, n’est pas vraiment une surprise. Elle confirme la sérieuse dérive militariste de l’ensemble du système éducatif.

Dernièrement, le choix d’un gendarme comme proviseur adjoint d’un lycée à Stains (Seine-Saint-Denis) ou la formation paramilitaire de plusieurs dizaines de chefs d’établissement des Yvelines, avaient pu apparaître, à tort, comme de simples concessions, de nature symbolique, à une opinion publique (et à un certain nombre d’enseignants…) demandeuse d’ordre et de discipline. En réalité, ces mesures s’inscrivent dans une logique de rapprochement toujours plus marqué entre l’école et l’armée, mais l’armée imposant ses vues à l’école. C’est bien le sens des protocoles conclus depuis 1982 par les deux ministères, à l’origine de l’éducation à la défense qui gangrène depuis lors tout le cursus des élèves. Pour son promoteur, Charles Hernu, non seulement, les jeunes devaient arrivés à l’armée, « préparés par l’école », mais l’école devait être le lieu d’un « esprit de défense » largement partagé, visant à promouvoir les représentations militaires sur le monde et sur la société. C’est bien cette conception globalisante et totalitaire qui est exposée par le dernier protocole en date (20/05/2016) qui inclut explicitement dans l’éducation à la défense (et donc dans les programmes scolaires et les examens officiels) « l’ensemble du champ de la défense militaire et de la sécurité nationale. »

De fait, à la lumière de cette nomination, plusieurs dispositions du protocole prennent aujourd’hui toute leur signification : en soulignant « l’importance du lien entre la défense et la sécurité nationale adossé à un niveau d’excellence scientifique et technologique et à une base industrielle dont dépend pour partie le rang économique de notre pays », le protocole ouvre la voie au lobby militaro-industriel qui se voit ainsi propulsé, par une décision arbitraire dont on ne connaît d’équivalent nulle part dans le monde, à la tête de la pédagogie… La nouvelle élue n’aura guère à forcer sa nature pour donner corps à ce qui reste l’un des objectifs prioritaires du protocole armée-école : « La coopération entre le ministère de la défense et l’enseignement supérieur doit être développée pour répondre aux besoins de la défense, notamment en matière de développement et de promotion de la pensée stratégique française. » Une pensée stratégique qui a toujours eu la fâcheuse tendance à privilégier les profits sonnants et trébuchants des industriels de l’armement. L’éducation à la défense, c’est d’abord cela : la confusion entretenue entre l’intérêt collectif et l’intérêt de quelques grands groupes industriels.

Cette nomination n’est évidemment pas sans rapport avec l’instauration prochaine du service national universel, un service obligatoire, militarisé, privatif de liberté, directement mis en œuvre par le ministre de l’Education nationale et dont on verra la traduction concrète dès juin prochain avec l’incorporation des lycéens de classe de seconde. Des lycéens présumés « volontaires » pour commencer, inaugureront ainsi ce que l’on croyait impensable : l’enfermement de toute une classe d’âge, celle des 15-16 ans, dans le cadre de leur scolarité sous la double tutelle des ministres de l’Education et des armées.

Impensable, donc, mais accueilli dans la plus totale indifférence par les milieux éducatifs.

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