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La charte de São Paulo: l’héritage de Paulo Freire

2017 : voici 20 ans que Paulo Freire est décédé. L’année qui a suivi sa mort un forum international s’est réuni à São Paulo et a rédigé une charte qui réunit la communauté de ceux qui se reconnaissent dans l’oeuvre de Paulo Freire :

(Texte fédérant le réseau international UniFreire)

Nous participant de la première rencontre internationale du Forum Paulo Freire, réunis à São Paulo (Brésil), du 28 au 30 avril 1998, inspirés par l’héritage de Paulo Freire, nous avons signé un engagement vis-à-vis des thèses et des principes suivants :

1. Nous mettre à disposition des luttes des victimes de toutes les formes d’oppression et d’exclusion, dans toutes les formations sociales de la planète, en favorisant et en faisant tout pour, à travers le dialogue et l’action solidaire, leur reconnaître une voix et un espace, dans le sens de la promotion de leur participation dans les processus decisionnels et de l’implantation de politiques qui cherchent l’inclusion de tous à une citoyenneté critique.

2. Favoriser la critique de toute forme de mystification, de déformation ou d’usages indus de l’œuvre de Paulo Freire, que ce soit par la banalisation de ses principes et idées, que ce soit par la proclamation opportuniste et « légitimatrice » de politiques et d’initiatives qui, dans la réalité, se retournent contre les intérêts des opprimés et des exclus.

3. Reconnaître et respecter l’altérite, les identités spécifiques, la diversité culturelle et la pluralité des conceptions, du moment qu’elles ne sont pas attentatoires aux droits humains, fondés sur les principes que la démocratie ne se construit pas sur l’homogénéité et le consensus et que la richesse culturelle de l’humanité n’avance que quand les différences sont respectées et préservées.

4. Fournir, aux victimes de l’oppression, de toutes les formes de discrimination et d’exclusion, la solidarité qui doit présider aux relations humaines, les politiques sociales promotrices du bien-être de tous et l’inclusion de la majorité des segments sociaux pauvres et discriminés du monde, refusant le projet de société et d’État néolibéraux, qui sacrifient à la compétitivité du marché, à la priorité économique et à la société excluante, l’égalité des droits et les conséquences universelles des bénéfices de la civilisation.

5. Défendre, avec les gouvernements, en particulier dans les pays à fort taux d’analphabétisme, des politiques prioritaires d’éducation des jeunes et des adultes, en premier lieu, avec pour base le principe selon lequel c’est un droit inaliénable de tout être humain, indépendamment de l’âge, que l’accès et la réussite d’une éducation basique de qualité et en second lieu l’idée que dans l’histoire de l’humanité aucune nation n’est parvenue à universaliser l’éducation basique des enfants et des adolescents sans, en même temps, favoriser l’éducation des jeunes et des adultes.

6. Prendre l’oeuvre de Paulo Freire comme une référence pour continuer et avancer la réflexion et le renforcement des luttes des opprimés, comme potentialisation de perspectives, comme instrument permanent de dialogue avec le monde, avec les femmes et les hommes, refusant une quelconque orthodoxie ou utilisation de ses principes et idées comme des « recettes » ou des modèles de manière à entamer la dialectique de sa permanente réinvention épistémologique, méthodologique et praxéologique, de son incessante actualisation de la « lecture du monde », transformée par les avancées technologiques et par les processus de restructuration sociale – utiliser cet héritage comme modèle cela signifierait trahir l’orientation même de Paulo Freire, qui souligne les processus et non les produits.

7. Valoriser l’école publique et gratuite à tous les niveaux comme espace et instrument d’organisation des réflexions sur les déterminisme naturels et sociaux, de manière à favoriser les interventions de tous au sein de ces déterminismes dans le sens de la construction de sociétés solidaires, démocratiques et justes.

8. Lutter pour la garantie de l’expression et l’implantation d’initiatives éducatives de la société civile organisées, dont la richesse des expériences fait signe vers l’incorporation de degrés d’informalités et de débureaucratisation des systèmes formels d’enseignement, en priorisant, dans les deux cas, les politiques de formation continue des éducateurs et des apprenants, inscrit dans le champs de la pédagogie critique.

9. Mobiliser tous les efforts dans la construction de projets pédagogiques alternatifs au projet néolibéral et toute proposition qui porte atteinte à l’éducation, à la science et à la culture comme processus de conscientisation et de transformation du monde ou qui privilégie la suprématie scientifico-technique sur les valeurs éthiques de vivre ensemble, en promouvant et en stimulant, la création d’espaces d’action/réflexion sur les nouvelles formes d’exclusion résultant de la production et de la manipulation de nouvelles connaissances scientifiques et des nouvelles technologies.

10. Cartographier les mouvements sociaux populaires, gouvernementaux et non-gouvernementaux, qui possèdent des proximités avec les principes freiristes, dans le sens de stimuler leur intégration au Forum Paulo Freire, soit par l’incorporation de leurs représentants, soit par la thématisation de leurs buts, stratégies et conquêtes, le transformant en un centre de référence, en un espace de systématisation des réflexion sur son histoire de luttes et en un instrument d’agrégation et d’articulation de ses agents et acteurs.

11. Garantir, dans le forum Paulo Freire, que soit réalisé périodiquement, l’expression de la pluralité des expériences, faisant en sorte que les synthèses ne compromettent les identités des mouvements, ni de leurs formes spécifiques de lutte en défense des victimes de toutes les formes d’oppression, de discrimination et d’exclusion.

12. Travailler les possibilités d’alliances et de partenariats qui viabilisent les engagements contenus dans cette charte, aussi bien avec l’usage des réseaux de communication d’informations et d’échange d’expériences de la communauté, des mouvements populaires et des membres du Forum Paulo Freire.

São Paulo, 30 avril 1998
Rencontre international du forum Paulo Freire

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