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L’égalité… en théorie ou en pratiques ?

Le billet de cette semaine propose l’introduction au dossier “Pratiques d’égalité” publié dans la revue N’Autre école – Questions de classe(s) n° 2 qui se veut un prolongement “papier” du travail du site et du collectif Q2C.

Le numéro est disponible en librairie ou en commande sur le site (5 € le n° + frais de port ou l’abonnement à 25 € pour 5 n°)



L’égalité… en théorie ou en pratiques ?

Quand on veut affadir un mot dont la portée est révolutionnaire, on lui accole un adjectif ou un complément du nom.
Avec la formule « égalité des chances », nous avons affaire à un véritable retournement.

La formule laisse entendre que chacun part dans la course dans les mêmes conditions et que les meilleurs gagneront. Il s’agit donc bien de partir d’un postulat où il n’a jamais été question d’’avancer vers l’égalité. En effet le concept même laisse percevoir que la conclusion de cette égalité des chances sera inégalitaire puisque chacun se verra attribuer une place dans la pyramide sociale en fonction de son rang d’arrivée. L’ajout d’un complément a transformé une valeur en son contraire.

Le mérite comme trompe-l’œil

Les partisans de l’égalité des chances utilisent souvent le terme de mérite (bourse au mérite, salaire au mérite). Cette notion laisse entendre que celles et ceux qui réussiront, seront les personnes qui auront fourni le plus ­d’effort. Dans la réalité chacun ne disposant pas des mêmes facilités, la réussite n’a pas grand-chose à voir avec l’effort sauf dans des cas marginaux. Au lieu d’être une prime à l’effort, le mérite vient conforter et justifier un état de fait inégalitaire.

Un leurre et une justification
contre les « perdants » du système

Il n’est plus à démontrer que la réussite scolaire et professionnelle dépend bien plus des conditions initiales (origine socioculturelle, aptitudes acquises ou innées) que d’un quelconque mérite personnel, cela a déjà été fait par de nombreuses études sociologiques. Bien pire la porosité qui existe aujourd’hui entre les classes sociales dont on prête l’origine au système scolaire, vu « comme ascenseur social », loin d’avancer vers une société plus juste ne fait que renforcer le système en limitant la promotion des « incom­pétents » aux postes à responsabilité et en offrant une place dans la hiérarchie à celles et ceux qui, issus des classes sociales les plus défavorisées réussissent à tirer leur épingle du jeu de la compétition scolaire. Certains syndicalistes du début du xxe siècle ne s’y sont pas trompés et ont affirmé leur « refus de parvenir »[[Lire Le Refus de parvenir, Marianne Enckell, Indigène Éditions, 2014.]].

Égaux ou identiques ?

Aujourd’hui ceux qui raillent les « partageux », les prennent pour de doux rêveurs inconscients des réalités objectives. C’est une évidence pour le camp égalitaire que nous naissons toutes et tous différents et que dans la poursuite de nos vies nos aptitudes physiques ou intellectuelles ne sont pas équivalentes. Nous n’avons jamais affirmé l’identité absolue des êtres humains. Au contraire la différence des individus est une marque de fabrique de l’humanité. Cette humanité qui est justement notre point commun à toutes et tous et qui permet d’affirmer qu’aucu­ne vie humaine n’a ni plus ni moins de valeur qu’une autre. Sur cette affirmation nous posons notre exigence de l’égalité sociale, économique et politique. En effet tout autre fonctionnement d’une société revient à affir­mer la supériorité de la vie de certains sur celles des autres, ce qui était d’ailleurs reconnu dans les sociétés féodales ou d’ancien régime.

Et si on avançait vers l’égalité ?

Nous devons donc réaffirmer notre exigence d’égalité réelle et effective. C’est certainement la première des priorités de notre combat politique. Nous pourrons avancer vers celle-ci à travers nos luttes sociales et syndicales mais l’éducation a aussi un rôle à jouer dans cette grande épopée. Affirmer l’égalité en classe c’est bien sûr supprimer les classements, les notes et les moyennes. C’est aussi refu­ser de hiérarchiser les savoirs, savoir-faire et savoir être quel que soit leur champ : scolaire ou académique, intellectuel, artistique, physique, manuel, social… et au contraire les valoriser tous à travers une pédagogie coopérative. Une telle pédagogie permet en effet que chaque enfant puisse faire valoir ces points forts tout en l’amenant à percevoir ceux des autres. ■

Franck Antoine,
Professeur des écoles
en REP +, CNT Éducation-Santé-Social 34.

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