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L’édito de l’Émancipation syndicale et pédagogique n°9, mai 2018

L’ordre capitaliste, hier et aujourd’hui

Il y a cinquante ans, c’était mai 68. Un vieux général s’étranglait de colère en balbutiant : “des étudiants qui refusent d’étudier, des enseignants d’enseigner, des travailleurs de travailler”. Son monde lui échappait : une à une, les entreprises, même les plus petites qui n’avaient jamais eu de syndicat, se mettaient en grève.

Sans toujours en avoir conscience, des millions de personnes osaient :
“on arrête tout et c’est pas triste”, avec l’idée même vague qu’un autre monde était possible. Sans doute, nous disposions à l’époque d’un outil qui semble avoir disparu : une forme d’hégémonie culturelle, notamment dans la jeunesse, qui faisait que les idées de justice, d’égalité, de solidarité, de refus de l’autorité et du racisme, structuraient largement le champ idéologique. Et aussi à l’époque, le tissu social ne s’était pas encore délité. Il existait encore de solides bastions ouvriers.

Les luttes anticoloniales (Algérie) et anti-impérialistes (Viêt-Nam) avaient formé une nouvelle génération de militanEs.

La remise en cause de l’ordre capitaliste a touché tous les domaines, y compris le productivisme, le champ de l’écologie, la sexualité, le patriarcat et la famille.

Un demi-siècle plus tard, faut-il considérer que nous avons perdu ?

Gérard Collomb, en bon émule de Raymond Marcellin, envoie ses pandores à Notre-Dame-des-Landes. Comment ? Des “marginaux” ont la prétention de vivre hors de la marchandisation ? Ils osent expérimenter d’autres formes d’agriculture ou de rapports sociaux ? On va leur expliquer, à coup de chars, de bulldozers et de grenades offensives qu’il n’y a pas d’alternative à la loi et l’ordre (capitaliste).

Dans les universités, l’histoire bégaie. Il y a cinquante ans, on avait eu les attaques de fachos (Occident et Ordre Nouveau d’où sont sortis beaucoup de dirigeants de la droite) et les occupations policières venues rétablir “l’ordre”.
Aujourd’hui, on a les nervis envoyés par un doyen à Montpellier et la maréchaussée à la reconquête des facs occupées.

Il y a cinquante ans, on scandait : “travailleurs français, immigrés, même patron, même combat”.
Aujourd’hui c’est la répression tous azimuts aussi contre les étrangerEs, sans-papiers ou exiléEs et la stigmatisation de la population issue de l’immigration. Mais les manifestantEs d’aujourd’hui se souviennent en scandant : “ÉtudiantEs, cheminotEs, même Macron, même combat”.

Il y a cinquante ans, la bourgeoisie avait eu très peur : elle avait signé des augmentations de salaire allant jusqu’à 35 % et des droits nouveaux dont les sections syndicales d’entreprise, timides avancées vite annihilées que des directions syndicales s’étaient empressées de signer.
Aujourd’hui, la bourgeoisie française, avec à sa tête quelqu’un qui se prend pour un monarque, attaque sur tous les fronts : contre les cheminotEs, les fonctionnaires, les travailleurEs d’Air France, la jeunesse scolarisée…

Que faut-il retenir de mai 68 ? Que le capitalisme est une horreur. Qu’il nous bouffe. Qu’il vide de sens les rapports sociaux. Et surtout que les luttes qu’on est sûr de perdre sont celles qu’on n’a pas menées. La colère qui gronde en ce printemps 2018 fleurira.

Pierre Stambul

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