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L’école sans parti, une aberration brésilienne

Traduction d’un texte  d’ Ana Elvira Steinbach Silva Raposo Torres – Professora do Departamento de Habilitações Pedagógicas na Universidade Federal da Paraíba e Postdoctoral Scholar em Educação na University of California Los Angeles , publié le 26/07/2016

Par les circonstances de la vie et par ma formation professionnelle, j’ai commencé à avoir un contact plus académique et théorico-pratique avec l’oeuvre de l’éducateur brésilien Paulo Freire à partir de sa réception aux Etats-Unis. Avant, dans la pratique enseignante, je me basais sur les constructivistes. Paulo Freire serait-il un constructiviste ? Non, mais son dialogue avec les œuvres du suisse Jean Piaget, ou des russes Lev Vygotsky et Mikhail Bakounine a été très riche. Ce n’est pas un constructiviste parce qu’il s’identifie comme un philosophe de l’éducation au sens large, il offre une approche que l’on pourrait dire éclectique. Et Freire n’est pas un constructiviste parce que de ses œuvres ne surgit pas une recherche sur un objet de connaissance spécifique et il ne se connecte pas avec ce mouvement dans son déroulement historique. L’oeuvre de Freire est de manière humaniste eclectique au sens de Foucault, ouverte pour les paroles et les choses.

Dans ce sens, elle est même plus une œuvre de philosophie de l’éducation que l’œuvre d’un artifice constructiviste. Pour cela, pour être un philosophe de l’éducation et proposer une approche socio-politique et épistémologique de la connaissance, il est opposé à ceux qui ne comprennent pas ce qu’il y a de politique et encore moins de démocratique dans l’éducation. Ils confondent cette approche transformatrice avec un endoctrinement.

Une des propositions fortes de Freire est une pédagogie de la question, de la problématisation. Pour mieux comprendre, nous allons comparer avec une pédagogie de la réponse, de la résolution de problème. L’éducation de la résolution de problème (problem solving) est très valorisée dans la culture américaine par exemple. C’est important de savoir résoudre des problèmes. Bien évidement. Les enseignements et les recherches qui focalisent sur la solution des problèmes sont très valorisées comme si l’ingénierie ou les sciences exactes étaient le paradigme idéal pour régir toutes les actions humaines.

Cependant, ce que la pédagogie de Freire met en perspective est que de nombreuses fois, le problème à résoudre n’est pas exactement le problème qui doit être résolu.

Pour savoir si le problème que l’on a est celui que nous avons nécessairement besoin de résoudre, Freire établie les questions de la problématisation, ce qui constitue le modèle du problem-posing (l’éducation à la formulation de problème). Ces questions pédagogiques mettent le sujet humain comme central : En faveur de qui ? Pour qui ? Contre qui ? En faveur de qui ? Pour quoi ? Contre quoi ? Pourquoi ? Tous les problèmes que l’on nous présente comme importants, quel qu’ils soient, doivent être criblés de questions par le sujet qui apprend afin qu’ils puisse savoir ou mieux qu’il puisse s’interroger pour savoir si le problème est correctement formulé, si le problème finalement est celui qui nécessite d’être résolu ou si le problème a besoin d’être reposé pour pouvoir répondre aux besoins réels des personnes, parce que de la manière dont il a été initialement formulé, la solution de ce problème provoque des injustices parce que le propre problème a été formulé avec des biais injustes.

Cette manière pédagogique de procéder contient le compromis éthique et politique de l’éducation pour Freire. Il n’y a pas d’éducation sans cet engagement.

Il y a cependant une naïveté immense – et quelque chose de diabolique – dans ce projet qui se présente comme le projet de l’Ecole sans parti (1) qui consiste à appeler endoctrinement l’approche politique des problèmes dans l’école. Parce que l’idéologie fait partie de l’acte de connaître, parce que la connaissance, comme l’idéologie, a une face vraie et une face fausse. C’est pour cela que plus l’on connaît, plus celui qui apprend est capable de reconnaître la présence de l’idéologie, et vice-versa, dans les relations sociales que l’on nous présente comme absolues et définitives.

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