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L’avenir en numérique

Avec le développement de l’école numérique dans le primaire et le secondaire et des MOOCs dans le supérieur, il est nécessaire de commencer à mener une réflexion de fond sur les conséquences à moyen terme des TICE et de la société du numérique.

On peut en effet craindre que comme souvent les enjeux économiques – à savoir la conquête de nouveaux marchés et la réduction de la charge salariale – prennent le pas sur les enjeux en termes d’apprentissages et d’emploi.

S’équiper, pour quoi faire ?

Aujourd’hui la question de l’école numérique est avant tout traitée en termes d’équipement  : acquérir des TNI (Tableau numérique interactif), des tablettes….

Or, en amont même des pratiques pédagogiques des enseignants avec ces technologies et de l’équipement des établissements, doit être posé la question de leurs impacts sur les apprentissages. Or les travaux menés sur ces questions, sont loin de mettre de manière unanime en avant les apports en termes cognitifs de ces technologies. Les études les plus étayées mettent en relief l’absence d’impact positif significatif, certaines technologies et pratiques sont même contre-productives sur le plan cognitif.

Ainsi par exemple, qu’une animation visuelle paraisse sympathique aux élèves, cela ne veut pas dire que c’est l’image animée qui permettent de mieux comprendre et retenir l’information. Bien souvent, doublée simultanément de texte, de discours et de son, elle les met en état de surcharge cognitive, là où une image fixe, accompagnée d’explication orale, peut être plus efficace.

Il faut remarquer que les rapports officiels sur le sujet du numérique passent sous silence ou minimisent une partie de la littérature significative. On a même parfois l’impression que c’est la capacité des écrans à capter l’attention exogène des élèves qui devient leur principale qualité, c’est-à-dire d’en faire des outils de gestion de classe plus que d’apprentissage.

Par conséquent, on peut avoir le sentiment, que plutôt que les apprentissages, ce sont les intérêts économiques en termes de marchés d’équipements technologiques qui sont prépondérants.

Apprendre avec le numérique, mais pour quel avenir de l’emploi ?

Plusieurs travaux de prospective soulignent le fait que le développement de l’intelligence artificielle et des nouvelles technologies risque d’avoir un impact non négligeable sur les emplois des classes moyennes.

Sont directement dans la ligne de mire des projets technicistes et libéraux, par exemple les emplois d’enseignants : remplacement de tout ou partie du présentiel par des cours en ligne, automatisation des corrections…. Mais, ce n’est pas le seul secteur visé : de nombreux autres professions pourraient être impactées. On peut prendre par exemple le cas récent du développement de « robots-journalistes » capables de remplacer des journalistes humains pour la rédaction d’articles financiers ou basés sur des pronostics sportifs par exemple.

Ainsi, certains analystes voient se profiler une société socialement plus clivée : avec d’un côté des salariés peu qualifiés chargés par exemple de tâches de maintenance ou de saisie et une classe créative très formée, mais dont il n’est pas assurée en outre que tous soient rémunérés correctement. En effet, il ne suffira pas d’être créatif, mais de savoir également rendre ses idées économiquement rentables.

Face à une telle évolution des compétences, se pose alors la question des savoirs que doivent maîtrisés les élèves pour ne pas être réduits à l’obsolescence. Les adeptes des nouvelles technologies mettent en avant le fait que grâce au numérique les connaissances se trouvent externalisées et qu’il s’agit surtout d’apprendre à sélectionner et analyser l’information correctement.

Néanmoins, ce modèle simpliste ne correspond pas à ce que nous apprennent les travaux de psychologie cognitive sur l’acquisition des savoirs. En effet, pour pouvoir sélectionner et analyser l’information de manière satisfaisante, il faut disposer en mémoire de connaissances antérieures qui permette de comprendre l’information.

En définitive, plus que d’externaliser la mémoire et de supprimer les tâches les plus répétitives, l’économie du numérique risque d’exiger des travailleurs pour qu’ils gardent une qualification valable sur le marché de l’emploi, un très haut niveau de formation intellectuelle, renforçant encore les inégalités sociales entre ceux qui ne parviendront pas à atteindre ce niveau d’exigence et une petite élite hautement qualifiée et très bien rémunérée.

7 Comments

  1. anne coret

    L’avenir en numérique
    Bonjour,
    Si l’aspect “réelle avancée ou pas en termes d’apprentissage” me semble très intéressante, je ne comprends pas la fin de votre billet , pour moi l’économie du numérique a les mêmes règles que l’économie tout court.

    Les outils numériques sont des pièges de séduction, l’enseignant qui veut s’en servir doit le faire pour des raisons explicites, et pas pour hypnotiser les élèves. Si son but est uniquement de tenir sa classe, il a juste trouvé un nouveau truc qui ne marchera pas longtemps, la mode ça passe.

    La question est donc, comment on fait pour travailler avec ces outils? Que pourrait-on en vouloir? Que doit-on en attendre? Que ne peut-on pas en attendre?
    Savoir tenir un marteau ce n’est pas savoir fabriquer une chaise, ni la dessiner, ni se demander à quoi elle sert.

    anne coret

  2. Irene

    L’avenir en numérique
    Bonjour,
    Sur l’aspect gestion de classe, vous avez raison, les études signalent un effet d’accoutumance.
    Sur la dimension économique, je ne suis pas certaine de comprendre votre remarque. Disons que mon propos était de mettre en lumière l’impact sur les emplois et le type de compétences que nécessiteront les emplois dans l’économie du numérique. Plusieurs analyses soulignent les risques d’une société socialement plus clivée et inégalitaire du fait de la structure des emplois.

    Irène

    • anne coret

      L’avenir en numérique
      Alors voilà. Un monsieur le dit mieux que moi ici http://www.culture-numerique.fr/?p=1250
      Donc je me permets de vous envoyer lire cet article.
      Vous parlez comme si dans l’avenir il n’y aurait plus de boulangers ou de plombiers, plus d’artistes, plus d’infirmières, plus aucun métier non-numérique.
      Oui les nouveaux outils impliquent des nouvelles compétences qui vont d’usager/consommateur à concepteur/stratège, vendeur d’espaces virtuels, marketteur ; le web, l’édition numérique en général n’échappe pas plus que le reste aux profiteurs. Et on ne doit pas confondre consommer et créer, coder et avoir des idées.
      Oui il ne faut faire croire que le numérique nous dispensera de penser.
      Mais ce que j’entends dans votre billet c’est un peu comme vouloir priver les gens d’apprendre a conduire pour qu’ils ne rêvent pas de devenir pilotes de course.

  3. Prataine

    L’avenir en numérique
    Renseignez-vous mieux. En tout cas mieux qu’auprès des bavards de cour, piliers de couloirs de l’idéologie “numérique”. En cherchant bien, vous trouverez.

  4. Irene

    L’avenir en numérique
    Pour être plus précis en terme d’emplois, on peut par exemple renvoyer à l’étude de prospective effectuée par deux chercheurs d’Harvard: 47% d’emplois détruits par les ordinateurs aux Etats Unis d’ici 20 ans. Il y a d’autres travaux qui vont également dans ce sens là.
    http://www.01net.com/editorial/611702/47pour-cent-des-emplois-pourront-etre-confies-a-des-ordinateurs-intelligents-d-ici-20-ans/

    Quant aux compétences dans la société du numérique, ce que l’on sait en terme d’intelligence artificielle, c’est que les ordinateurs sont supérieurs pour stocker de l’information et pour calculer. En revanche, l’intelligence humaine donne des résultats plus pertinents lorsqu’il s’agit d’interpréter de la signification. Sachant que ce qui peut être effectué par un ordinateur, il peut être économiquement plus avantageux de lui faire faire, on peut supposer qu’il faut apprendre aux élèves ce que les ordinateurs ne savent pas faire si on veut qu’ils gardent un emploi.

  5. Jérôme Martin

    L’avenir en numérique
    Il se semble indispensable d’associer à cette réflexion les questions autour du logiciel libre, véritable outil d’émancipation. Trop nombreux sont les collègues et les établissements qui choisissent des logiciels propriétaires, incohérent avec les principes que nous défendons de circulation des savoirs, de communautés, etc.

  6. Irene

    L’avenir en numérique
    Google, ils ne promeuvent pas eux aussi le logiciel libre ? Est-ce que dans ce cas le logiciel libre est véritablement un rempart contre les intérêts capitalistes ?

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