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L’autre communisme : socialisme sauvage, démocratie par en bas et luttes pour la liberté

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Il s’agit de rappeler aux hommes cette vérité élémentaire, qu’ils connaissent bien mais oublient régulièrement lorsqu’il s’agit des affaires publiques : ni l’expansion de l’économie capitaliste, ni le gouvernement, ni les lois de l’histoire, ni le parti ne travaillent jamais pour eux. Leur destin sera ce qu’ils voudront et pourront en faire.
Cornelius Castoriadis

Pour notre grand malheur, le communisme est sorti au 20e siècle entaché des crimes staliniens au sens large du terme, ce qui le rend indisponible sans doute encore pour longtemps, les gardiens de l’ordre établi ne manquant pas une occasion de le réduire à l’univers totalitaire. Le communisme renvoie pourtant à des expériences politiques aussi variées que fécondes.

Dans Le Socialisme sauvage (1), Charles Reeve montre qu’il existe bien un autre communisme, anti-autoritaire, qui s’organise autour du principe d’auto-gouvernement. Il le fait remonter à l’époque de la Révolution française, quand la souveraineté populaire s’affronte à l’idée de représentation nationale. Il décèle ensuite une volonté d’auto-gouvernement pendant la Commune de Paris de 1871, au cours de la Révolution allemande de 1919, pendant la Guerre d’Espagne, en mai 1968, ou même aujourd’hui dans le mouvement des assemblées générales comme Nuit debout ou l’occupation insurgeante des places publiques. Le mérite de l’auteur est de se garder de tout sectarisme en mettant l’accent sur les continuités ou les ressemblances entre le communisme des conseils ouvriers et la tradition libertaire, en particulier l’anarcho-syndicalisme, entre le révolution allemande et espagnole si l’on préfère. Une autre évidence apparaît à la lecture du livre, c’est la confiance des socialistes anti-autoritaires dans la capacité des classes populaires à s’auto-organiser et à définir une politique générale d’émancipation par elles-mêmes et pour elles-mêmes.

Yohan Dubigeon approfondit encore davantage la question de l’autonomie et du rapport entre conseillisme et démocratie par en bas (2). La fécondité du courant conseilliste provient de la réflexion développée par ses principaux représentant.es (Rosa Luxembourg, Anton Pannekoek, Otto Ruhle ou Cornelius Castoriadis [1922-1997]) pour articuler spontanéité des masses et réorganisation des relations humaines, destruction de l’ordre établi et refondation de la société sur des bases égalitaires qui remet de fait en cause la séparation entre dirigeants et exécutants. On l’oublie, mais les théoriciens du conseillisme sont parmi les premiers à faire une analyse critique du phénomène bureaucratique qui menace toute forme d’organisation politique pérenne, les États modernes mais aussi les partis et les syndicats. Il voit ainsi dans le communisme de conseil une expérience historique sur laquelle s’appuyer aujourd’hui encore pour radicaliser le principe démocratique qui n’est jamais que la capacité effective des multitudes à délibérer et décider du devenir social et politique. Ce n’est toutefois que par nos luttes autonomes, c’est-à-dire autodéterminées, qu’une telle conception de la démocratie pourra être mise en œuvre collectivement dans la perspective d’une société égalitaire et coopérative. Il serait intéressant enfin de repenser démocratie et autonomie du point de vue du combat pour les communs, sujet à peine effleuré par Charles Reeve mais qui permettrait pourtant de requalifier dans le présent le principe communiste.

Jérôme Debrune

(1) Charles Reeve, Le Socialisme sauvage : Essai sur l’auto-organisation et la démocratie directe dans les luttes de 1789 à nos jours, L’Echappée, 2018, 317 p., 20 €.
(2) Yohan Dubigeon, La Démocratie des conseils, éditions Klincksieck, collection «Critique de la politique», 2017, 410 p., 27 €.
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