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Journal d’AVS deuxième partie

Après 10 années d’existence, Les Assistants de Vie Scolaire accèdent en septembre 2016 à une formation consacrée par un diplôme d’état, à un salaire décent, en un mot ils sont devenus des travailleurs sociaux.
Mais quel bilan a été fait lors de cette décennie sur ce dispositif à l’école ?
Elise Caillau poursuit, au travers de la chronique en plusieurs épisodes de son expérience de précaire à l’Éducation nationale, à en dresser la critique.

Changement de poste

L’ambiance de travail à Argenteuil m’est pesante. Aussi, lorsque j’apprends que l’école de mon quartier est à la recherche d’une AVS collective, la précédente ayant démissionné, je saute sur l’occasion, appuyée par le directeur de l’école, ravi lui aussi de l’opportunité – visiblement il n’était pas évident de trouver quelqu’un.  Travailler au pied de chez moi me permet d’alléger les frais de garde de ma fille, j’ai enfin les mêmes horaires qu’elle. Je quitte donc le 95 pour le 93.  Par contre, chaque direction des services départementaux de l’éducation nationale ayant une politique différente en matière de contrats proposés, j’ai désormais un contrat de 18h hebdomadaires contre 33 heures auparavant, mais hormis le fait que mon premier salaire mettra 2 mois à m’être versé, sans frais annexes (transport, garde) je m’y retrouve quand même. Et j’ai conservé le même type de contrat de droit public, à l’époque, j’ignore d’ailleurs qu’il en existe d’autres. Dans cette nouvelle école, j’ai plusieurs collègues. J’en aurai même plein de différentes, au gré des renouvellement ou fin de contrat.

Saint Graal de la précarité
 
Pendant les récrés, entre AVS, c’est  un sujet qui revient fréquemment dans les discussions : nos contrats de travail. Nous sommes toutes employées à temps partiel ; nous sommes toutes en CDD.. Plusieurs de mes collègues sont employées en Contrat Unique d’Insertion, soit un CDD de 6 à 12 mois, renouvelable jusqu’à 2 ans : 20 heures hebdomadaires, pour un salaire de moins de 700 euros mensuels. C’est un contrat de droit privé, signé avec le pôle emploi.  En fait, dans cette école, je suis la seule à avoir un contrat de droit public, directement employée par un établissement public. En quoi est ce important? Je suis moi même en CDD d’un an, renouvelable 6 fois, mon contrat n’est que de 18 heures hebdomadaires, pour un salaire de 615 euros mensuels, et pourtant, malgré cela, plus d’une fois, mes collègues m’ont posée la question : “comment tu as fait pour avoir ce contrat?” C’est que, dans cette précarité générale, mon contrat est un peu le st Graal de l’ AVS, rien que ça : si mon contrat est effectivement renouvelé au fil des ans, au bout de 6 ans, il est possible que l’on me propose un CDI. Tandis qu’au bout de leurs 2 années, aux AVS en CUI, on ne propose rien. Et il va sans dire que nos 60 heures de formation non diplomates sont tout à fait anecdotiques, surtout quand celles ci sont proposées quelques semaines avant la fin du contrat. Quand à celles qui parviendraient, après avoir déposé une nouvelle candidature, à décrocher ce fameux contrat de droit public, leur expérience précédente ne sera pas prise en compte : encore 6 ans à tenir en CDD. J’ignore sur quels critères sont effectués les recrutements par les établissements publics : la réponse reçue par celles qui ont tenté leur chance est souvent “pas de recrutement actuellement.” Pourtant, il y a des besoins. de fait, les AVS en fin de contrat sont remplacées par de nouveaux CUI. De là à penser que tout ceci est pratiqué pour des raisons budgétaires, il n’y a qu’un pas : ce sont des contrats aidés, donc moins chers que les contrats classiques. Cela justifie donc un recrutement au détriment de l’expérience acquise, et dispense d’une formation plus approfondie. Par ailleurs, nul besoin de diplômes pour être éligible aux contrats CUI: tout le monde peut être AVS. ” De toutes façons, à pôle emploi, c’est une amie qui travaille là bas qui me l’a dit, nos contrats, il les appellent contrats poubelles..”comme le dit Térésa, heureuse bénéficiaire du contrat ainsi surnommé. Peut être un outil de gestion du chômage? Il serait intéressant de se poser la question, quel est le public éligible au contrat CUI? Les personnes en chômage longue durée, les bénéficiaires de minima sociaux, ainsi que le précise le site de pôle emploi. Des femmes, en majorité, et autour de moi, plus précisément, parmi ces femmes, des mères de famille, célibataires ou non, ou alors proches de la cinquantaine ; pour la plupart, ayant toutes eues d’autres expériences professionnelles auparavant, mais ici pour diverses raisons, qui ont peu à voir avec un intérêt pour le handicap, du moins au départ.
 Les aberrations de ce type de contrat sont subies non seulement par les AVS, mais également par les enfants qu’elles accompagnent : en effet, que penser d’un contrat qui peut prendre fin en cours d’année, laissant l’enfant au mieux avec une nouvelle AVS, au pire sans personne? Pourtant, s’il faut retenir une chose de la formation reçue, c’est que l’enfant en situation de handicap a besoin de stabilité… mais il n’est pas certain que l’intérêt des enfants soit au cœur des préoccupations.
Sous prétexte de favoriser l’inclusion, la socialisation, on génère surtout des situations de violence sociale. J’en arrive à me dire tristement parfois que nous sommes des handicapés qui aident des handicapés.

Fin janvier 2011, Nouvelle classe, nouveaux élèves

Je laisse derrière moi l’école d’Argenteuil, avec pour seul regret les élèves de la classe, avec qui j’ai apprécié travailler. Et ce matin, me voici devant ma nouvelle classe ; la maîtresse m’accueille avec gratitude, cela fait plus d’un mois qu’elle travaille seule en classe, elle n’en peut plus. L’AVS précédente a démissionné après avoir obtenu un emploi dans une bibliothèque, et il s’avérait compliqué de trouver une remplaçante. J’apprendrai au fur et à mesure que la plupart des AVS ne s’intéresse pas forcément à ce type de poste, le travail en CLIS a la réputation d’être plus difficile. Et surtout, pour y accéder, il faut au minimum un bac. Ces paramètres n’influent toutefois pas sur le salaire! Je suis très bien accueillie, la maîtresse me présente les élèves et il est bientôt l’heure de la récréation. D’ailleurs, si c’est possible, il faudrait que je passe ce temps avec Dylan, en classe, car ce matin il est très agité. C’est l’occasion de faire connaissance, nous sortons de la pâte à modeler. Il n’est pas hostile à ma présence, mais ne répond pas lorsque je tente de discuter avec lui. Qu’à cela ne tienne, je lui propose de faire une figurine en pâte à modeler, et voici un lapin! Dylan sourit, prend l’objet. Je m’attend à ce qu’il joue avec, lui ajoute un détail. Il prend sa règle. Et assez froidement, découpe avec le lapin, en précisant : “j’le décapite, j’le tue, il est mort ton lapin, j’le nique!”. Puis, contemplant les miettes : “tu peux en refaire un ?” 
Tout comme dans la classe précédente, plusieurs élèves portent avec eux, outre le handicap reconnu par la MDPH, de lourdes histoires familiales. Ainsi, A., qui vit dans un petit appartement de 3 pièces avec 13 autres membres de la famille, S. qui raconte les perquisitions menées à la maison pour ses grands frères, Dylan, dont le père a quitté le domicile familial, malgré la naissance d’une petite sœur, tant il ne supportait plus les difficultés rencontrées avec son fils. En cours d’année sa mère tombera gravement malade, et c’est à lui qu’incombera la tâche de s’occuper de toute la famille malgré lui, et il se révélera un père attentif mais épuisé. 
Il y a aussi Illayda, dont les parents sont arrivés il y a quelques années de Turquie. Elle parle un français un peu hésitant, mais ce qui la caractérise surtout, c’est son extrême timidité. Elle craint sans cesse de se tromper, pourtant elle est plutôt bonne élève, très sage, très travailleuse. Elle a de plus en plus “d’inclusions”, au point de ne passer qu’une poignée d’heures chaque semaine en CLIS, mais y revient avec plaisir, partageant ainsi les projets collectifs. L’année suivante, elle rejoindra un cycle classique. Le handicap des enfants envoyés en CLIS n’est pas indiqué ni aux enseignants ni bien sûr aux AVS. Notre rôle n’est pas de poser un diagnostic, comme le dit le psychologue de l’école, néanmoins nous pouvons parfois constater certaines choses, des attitudes qui feraient penser à une forme d’autisme, une trisomie, sans parler des nombreux dys- : dyslexie,dysgraphie, etc. Dans le cas d’Illayda, mystère, nous ne voyons pas, hormis cette écrasante timidité. Elle prend confiance en elle, appréciant je crois qu’à aucun moment ni la maîtresse ni moi ne lui reprochons ses difficultés d’élocution ou le temps qu’il lui faut pour prendre la parole. J’aurai des explications quelques années plus tard, de la bouche même d’Illayda, désormais scolarisée en 5ème classique. Alors que je la croise dans le quartier – cela arrive de temps en temps, nous sommes voisines et échangeons toujours quelques mots – elle inspire un grand coup et me dit “Merci! A toi et la maîtresse..maintenant ça va mieux à l’école, j’avance. Mais quand je suis allée en CLIS, c’est parce qu’en maternelle, ça s’était mal passé, j’avais tellement peur de ma maîtresse que je ne pouvais plus rien faire, ça m’a bloquée. Mes parents ne savait pas ce qu’il fallait faire. Alors je suis contente d’être venue avec vous, j’avais plus peur de venir, c’était bien.” Elle s’éloigne, les bras chargés de livres de bibliothèque, elle vient de commencer Harry Potter.

Une classe vivante

L’atmosphère de la classe est très différente de celle d’Argenteuil. On pourrai la qualifier de plus agitée, d’aucuns diraient plus difficile, je dirai plus vivante. Là aussi, les élèves sont répartis en groupe de niveau, mais ces groupes sont perméables les uns aux autres, et l’entraide est favorisée. Plusieurs activités collectives sont mises en place, que ce soit par le biais des rituels quotidiens ou de séances d’arts plastiques, des projets de classe également. La maîtresse a sollicité un de ses amis photographe qui viendra dans la classe une à deux fois par semaine durant 2 mois. Le projet se tisse avec les enfants : après avoir découvert le matériel, ils l’expérimentent, se photographiant mutuellement, prenant des poses, se mettant en scène. La décision est prise de réaliser un album pour chacun, sur le thème des émotions ; les photos sont prises avec différents filtres. Les enfants se conseillent mutuellement, et découvrent chaque fois avec plaisir les prises de vue des semaines précédentes, sur lesquelles on les voit pleurer, grimacer, être effrayés, rire. Si au départ quelques moqueries fusent, ils apprivoisent bientôt leur image et celle des autres, et s’encouragent : “là, t’aurais pu montrer plus que tu avais peur, en ouvrant la bouche par exemple!” Le projet fédère la classe, et dans l’école d’autres élèves regardent avec envie le photographe barbu et tatoué et ses apprentis ! 
 Pour autant, tout n’est pas simple ; la maîtresse non plus n’a reçu aucune formation et se trouve parfois très démunie dans certaines situations ; l’année passée en CLIS sera parfois très éprouvante pour elle, ainsi qu’elle le dit elle même : “Psychologiquement, c’est dur..” Et ce pour diverses raisons, avec en premier lieu le sentiment d’être impuissante. Le clivage est grand entre le rôle qu’est sensé avoir l’école – apprendre à lire, écrire, compter, “rattraper” une scolarité “normale”- et ce qui est possible avec la classe : à la fois dans et hors l’école, difficile de trouver le positionnement qui conviendrai à la CLIS. Que/qui faut il adapter à l’autre, l’enseignement ? Les enfants ? C’est une perpétuelle remise en question, et la nécessité d’opter pour d’autres formes de fonctionnement apparaît rapidement, ce qui ne va pas sans mal. En fonction de ses questionnements, la maîtresse peut tenter de mettre en place d’autres formes de pédagogie, souvent au gré de ses lectures et en fonction de ce qu’elle perçoit de la classe. Mais il faut parfois des semaines pour que certaines idées prennent sens, des semaines pour constater des évolutions. Et rien n’est acquis. Pour ma part, c’est aussi tout l’intérêt de ce travail, le fait que rien ne soit jamais établi, que chaque semaine amène son lot d’interrogation et de réflexion ; à leur manière,  les enfants poussent les adultes dans leurs retranchements, et nous interrogent sur le sens de cette école.

Quoi de neuf ?

  Régulièrement, la maîtresse propose des “Quoi de neuf ?” aux élèves. Il s’agit d’un temps pendant lequel toute la classe se réunit autour de la grande table au fond de la classe, et chacun peut, s’il le désire, prendre la parole. Souvent, c’est pour raconter la journée de la veille ou un événement de la vie quotidienne. Au grand plaisir des enfants, la maîtresse prend des notes. “T’as tout écrit, maîtresse ?” C’est un moment très apprécié, qui se déroule plutôt calmement ; même les élèves les moins à l’aise demandent à s’exprimer, ne serait ce que pour une phrase. Au fil des récits, se dessinent les joies et préoccupations de chacun, plus ou moins joyeuses, plus ou moins dramatiques – “c’est mon anniversaire”, “la police a fouillé chez moi ce matin »- et, au fil des semaines, comme un leitmotiv repris par les uns et les autres, chacun se met à commencer sa phrase par “hier, j’étais chez moi…” Quitte à formuler de curieuses phrases telles “Hier, j’étais chez moi, et je vais aller à la piscine!” J’aime beaucoup ces moments, qui sont hors du cadre scolaire habituel, je découvre les élèves sous un jour plus naturel ; il n’y a pas ici de problèmes de bonnes ou mauvaises réponses. D’autres moments de la journée sont consacrés à la discussion, notamment le matin, quand la maîtresse ramène un journal. Les élèves ont souvent beaucoup de questions à poser sur l’actualité, et cela permet parfois de désamorcer les inquiétudes de certains.
 Mais à ces moments d’échanges succèdent parfois des moments de grande tension, que ce soit lié à des disputes ou à des “crises” de la part de certains enfants. Brian, par exemple, est souvent dans un état de grande agitation : il épluche ses stylos, chiffonne ses cahiers, se balance sur sa chaise au point d’en tomber assez souvent. Lorsque vraiment ça ne va pas, il déambule dans la classe, provocant ses camarades, jetant des objets. Les autres élèves sont remarquablement tolérants, mais il leur devient alors difficile de rester concentré, d’autant qu’à ce moment là, Brian est incapable de s’arrêter. Avant que tout le monde perde patience, il m’arrive souvent de l’accompagner en dehors de la classe. Il arrivera parfois même que ce soit lui qui me le demande, lorsqu’il ressent le besoin de s’apaiser un peu. Dehors, nous discutons, ou plutôt je l’écoute jusqu’à ce qu’il se sente en mesure de retourner en classe; il m’arrive de passer un moment à l’écart avec l’un des protagonistes, le temps pour les esprits de s’apaiser un peu. L’équilibre du groupe est fragile, mais la maîtresse et moi échangeons beaucoup sur la vie de la classe, et la confiance qu’elle m’accorde me permet de trouver ma place. Mon rôle n’est certes pas très défini au départ, mais la discussion et la considération mutuelle nous permettent de mettre en place un binôme complémentaire. 

En intégration. En inclusion…

Le principe de la CLIS est de permettre à ces élèves d’aller en “intégration” (ce terme a depuis été modifié en celui d’ “inclusion”). Dans les faits, ces intégrations sont parfois difficile à mettre en place, pour diverses raisons : leur niveau scolaire ne permet pas à certains élèves de prendre part à des intégrations dans leur classe d’âge et il est difficile de proposer, par exemple, une intégration en lecture en classe de CP, quand bien même les activités seraient adaptées, à un enfant de 9 ans. Les problèmes de comportement peuvent aussi freiner le processus et il faut également composer avec la réticence de certains enseignants à accueillir un élève supplémentaire et non conforme. Du coup, afin de permettre tout de même quelque chose, les inclusions proposées aux élèves les moins “intégrables” sont souvent en Arts plastiques ou en sport. En cours d’année, pour favoriser des intégrations plus pertinentes pour certains, la maîtresse a une idée : désormais, s’ils le souhaitent, je pourrai accompagner les élèves dans leur classe d’intégration. Cela rassure à la fois les élèves, qui appréhendent quelquefois de se sentir perdus, et les enseignants, qui redoutent de ne pas avoir le temps d’aider l’élève. Du coup, il est possible de mettre en place des intégrations en histoire ou géographie, notamment pour les plus âgés de la classe. Et, finalement, je n’accompagnerai pas systématiquement les élèves, mais l’idée a permis de rassurer tout le monde.

L’acronyme de CLIS signifie classe pour l’Inclusion Scolaire. Selon les explications que j’ai reçues, cela signifie qu’en principe, les élèves relevant de ce dispositif sont amenés, plusieurs heures par semaine -le plus possible!- à participer à la vie d’autres classes, en fonction de « leurs besoins ». Ils peuvent donc fréquenter différentes classes, selon les matières et le niveau. Les journées de la CLIS sont donc rythmées par les entrées et sorties de chacun, et le groupe n’est pas souvent au complet. Enfin, en principe ! Dans les faits, ces fameuses inclusions sont organisées le plus rapidement possible après la rentrée de septembre, au cours du mois d’octobre : qui va où ? Il faut tenir compte de l’élève, bien sûr, mais aussi des enseignants : qui accepte d’accueillir un élève supplémentaire? L’élève candidat à l’inclusion est-t’ il sage ou perturbateur? Aura t’il besoin d’aide? De ces questions dépendent la possibilité ou non de l’inclusion : malgré le terme “inclure”, il est bien question ici d’un élève en plus. Ainsi, Samba n’aura aucune inclusion lors de sa première année, bien que ses capacités eussent dû le lui permettre : « trop agité », « trop provocant », et certains enseignants ne veulent pas de lui. Quand ce n’est pas le comportement, c’est le niveau qui peut poser problème : que proposer à Lilia, 4 ans de CLIS derrière elle, âgée de 10 ans cette année ? Elle a toujours été inclue en CP, mais la différence d’âge se fait de plus en plus sentir, et même physiquement, elle passe de moins en moins inaperçue. Quand à Liam, qui ne supporte pas les changements, malgré quelques tentatives, il ne parvient pas à supporter ces allers-retours et refuse d’y retourner. Frank, lui, ne sortira pas de la classe. Non lecteur mais déjà trop grand, pas question d’évoquer un séjour en CP, et dans les plus grandes classes, il se sent très mal à l’aise. Comme les autres élèves, il a bien conscience d’être “différent”, il a très mal vécu son arrivée en CLIS, et ces changements ne cessent de le lui rappeler, ainsi qu’il l’a parfois exprimé. Bien sûr, à l’inverse, il me faut citer Mathieu, qui, en cette dernière année avant le collège, passe le plus clair de son temps avec des CM2, au point de revendiquer cette classe comme étant sa vraie classe, mais c’est le seul élève concerné. Quelques élèves, ceux qui acceptent l’inclusion et sont acceptés, généralement lecteurs, suivent les séances de maths, de sciences ou de géographie, mais ne participent pas forcément aux évaluations pratiquées dans leur classe d’accueil, et il arrive que l’inclusion s’essouffle en cours d’année : retour en classe.. Finalement, aux élèves les moins “intégrables”, que ce soit du fait de leur niveau ou de leur comportement, on propose du sport ou des Arts Visuels, en guise de pis-aller parfois, puisqu’il faut bien inclure quelque part. Le sens de certaines inclusions me laisse parfois perplexe : par exemple, Djibril est inclue en histoire, en CE2. Matière que nous n’évoquons pas en CLIS, ni cette année, ni les précédentes. Elle fait ce qu’elle peut en classe, mais rien n’est repris avec elle à son retour, et ni la maîtresse ni moi n’ignorons ses difficultés de compréhension, notamment en lecture ; alors, que tire t’elle de ses séances? Ne faudrait il pas en reparler avec elle? Adapter, reprendre ? Lors des réunions ESS (Equipe de Suivi de Scolarisation), on demande aux enseignants qui reçoivent des élèves de CLIS de donner leur point de vue sur la façon dont se déroulent les inclusions ; cela concerne principalement la forme “il fais des efforts, il est attentif” mais le fond est moins évoqué avec l’ensemble de l’équipe : cela lui sert il a quelque chose? Est il capable de mobiliser ses connaissances ailleurs que dans la classe d’inclusion? Quelle est la continuité, puisque chaque année, au gré des changements de classe, d’enseignants, il n’est pas évident que le programme puisse être encore suivi?  
Si le but est juste d’ “inclure”, alors, il est plus ou moins atteint : la majorité des élèves a au moins une inclusion dans la semaine, même Lan Ying, qui parle à peine, est inclue en maternelle. Mais cela est il suffisant de s’arrêter à ce constat? Et, en y regardant de plus près, quel sens cela prend il ?  D’autant que pour certains, ces inclusions se limitent en fait à une poignée d’heures dans la semaine, souvent moins, parfois rien : l’effectif quotidien en CLIS demeure assez conséquent, et ce sont finalement les scolarisations à temps partiel (pour deux élèves) et les interventions du Services d’Éducation et de Soins Spécialisés à Domicile (trois élèves) qui occasionnent le plus de sorties de la classe.

A suivre…

Elise Cailleau

2 Comments

  1. Gribouille

    Journal d’AVS deuxième partie
    C’est une blague ? Je reprends tes propos “Après 10 années d’existence, Les Assistants de Vie Scolaire accèdent en septembre 2016 à une formation consacrée par un diplôme d’état, à un salaire décent, en un mot ils sont devenus des travailleurs sociaux.”

    Un salaire décent? Devenus des travailleurs sociaux ? C’est un fake ? Le diplôme est à cheval entre les soins à la personne, l’aide à domicile et je ne sais quoi. Ah bon, accompagner un élève en situation de handicap relève du soin à la personne âgée ? Aucune formation pédagogique ou didactique ne serait nécessaire ?Il permet quoi ce diplôme si ce n’est de caser des chômeurs longue durée ? Et tout le monde est content ! Formidable. On place l’élève dans le champ la personne âgée ! Vous les connaissez les diplômes qu’il faut maintenant pour prétendre à un poste d’avs : aide à la personne, aide en milieu rural, aide soignante, bac pro, CAP petite enfance !!!! On est dans quoi quand on accompagne un élève : dans l’éducatif ou dans le soin, dans le nursing, le ménage ou le changement de couches ! Rien n’est pensé dans le handicap scolaire, c’est une niche pour les chômeurs. Et tout le monde s’en fout. On case du chômeur et on crée un diplôme dans le service à la personne car dans l’avenir avec le vieillissement de la population, il y en aura de l’emploi dans l’aide à la personne âgée. Le grand sacrifié sur l’autel de l’emploi, c’est l’élève. Et c’est tabou de le dire !
    Gribouille.

    • Anonyme

      Journal d’AVS deuxième partie
      Bonjour, je suis AVS en ZEP à Coucouronnes (École Jacques Tati).

      Vous lire est un plaisir. Merci beaucoup de votre témoignage si réaliste.
      Je reprends mercredi 31 août pour la pré-rentrée scolaire sans assurance mon PV d’installation ne prévoyant aucun travail le mercredi.
      Je devais bénéficier de 120 heures de formation dont je n’ai jamais vu la couleur à part une formation pour AVS débile alimentée par des vidéo youtube.
      Ça fait peur !
      Utiliser des chômeurs longue durée sans formation pour s’occuper d’enfants en situation de handicap est inique. Ce sont deux failles sociales et humaines qui se rencontre; d’autre part on me demande sans arrêt des heures supplémentaires non payés. Restée pour les goûters, anniversaires, sorties scolaires; cela relève du bénévolat sachant que rester à l’ASS ou au RSA et plus intéressant à terme (solidarité transport, CMU);
      A terme un CDI de miséreux, sans reconnaissance véritable de la part de l’éducation Nationale qui se comporte comme la dernière des entreprises capitalistes, utilisant cette armée de réserve;
      sans compter qu’en tant qu’AVS on se s’occupe pas seulement des enfants en situation de handicap, mais aussi de tout les enfants en difficulté scolaire;
      toute la rangée de droite de la classe ( consigne de la maîtresse qui me demande aussi de réaliser ses affichages ).

      Franchement 1 an me suffit, 2 jamais. D’autant que de passer de 20 à 24 heures pour le même salaire c’est une arnaque totale.

      J’ai écrits à l’inspectrice d’Académie sans trop rentrer dans les détails de ma vie de classe pour témoigner de mon dégoût de leur attitude à l’égard de personnes conscientisées sur le handicap et venues en toute bonne foi se dispenser à l’éduc.

      CDI ou pas .
      Adieu educ

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