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Invisibles…

Dans les représentations du Moyen Âge, la taille des personnages était proportionnelle à leur pouvoir et à leur place en haut de la société et des trois ordres. La majorité de la population était invisible. Scandale quand Gustave Caillebotte veut exposer en 1875 « Les raboteurs de parquet » ! Montrer des prolétaires, quelle vulgarité !

Invisible cette majorité encore au XXIe siècle malgré les nombreux canaux d’information tant le processus de déshumanisation ne se dément pas vis-à-vis des employés, ouvriers, précaires, chômeurs… et des pauvres au nombre de 9 millions dont plus de 2 millions d’enfants. Ce tableau s’accompagne parfois de paroles de mépris d’un président jupitérien avec ces mots peu amènes : illettrés, fainéants, irréformables, je ne céderai ni aux fainéants ni aux cyniques… Mais les riches, les premiers de cordée méritent considération : suppression de l’ISF, politique budgétaire favorable immédiate puisque « 5 % des ménages les plus aisés capteront 42 % des gains »1. Et le lien social est mis à mal par la réduction de 60 milliards de dépenses publiques, par la suppression de 120 000 emplois de fonctionnaires. Ces coupes cassent les services publics, outils de la solidarité pour lesquels le programme Action publique 2022 prévoit réduction, privatisation ou… disparition.

Acteurs de leur sélection

Pour Michel Foucault, le sujet néolibéral doit devenir « un entrepreneur de soi-même ». Ainsi le lycéen, l’étudiant, l’apprenti, le chômeur doivent être les acteurs de leur sélection et de leur employabilité. Les projets gouvernementaux menés à la hussarde, parfois avant le débat parlementaire, entendent bien mettre en place ces « réformes » prétendues nécessaires par un contexte de marchandisation généralisée et de pénurie budgétaire entretenue. Les perdant-e-s rejoindront la cohorte des invisibles. Pas étonnant que depuis son élection, le Président n’ait parlé à trois reprises de laïcité qu’en présence de responsables religieux dans une optique de reconnaissance contraire à la Loi de séparation des Églises et de l’État de 1905.

La charité plutôt que l’égalité, la compétition et la concurrence plutôt que la coopération et la solidarité, la connivence cléricale plutôt que la séparation laïque garante de l’impartialité de la Fonction publique et de l’autonomie du législateur, tel semble être le message.

Pas de laïcité sans égalité

« Il n’y a pas de république laïque qui tienne avec des graves inégalités et exclusions sociales »2. La laïcité ne se conçoit pas sans égalité, non seulement une égalité affichée mais une égalité concrète. La laïcité est nécessaire pour s’affranchir des dogmes, pour unifier une population par delà ses différences et ses particularités de genre, d’origine, de convictions car les luttes pour l’émancipation individuelle et collective réclament l’unité. Écoutons Jean Jaurès : « L’unité dans la lutte sociale intègre la séparation du politique et du religieux ».

Ne laissons pas ce gouvernement fondé de pouvoir du néolibéralisme maltraiter les migrant-e-s, écraser la contestation par ordonnances quand il n’envoie pas la police, aggraver la régression sociale et dévoyer la laïcité. « Le plus excellent symbole du peuple, c’est le pavé. On marche dessus jusqu’à ce qu’il nous tombe sur la tête. »3

Édito du numéro 68 de Combat laïque, bulletin du CREAL 76 (Comité de réflexion et d’action laïque 76)

Francis VANHÉE, le 5 mars

1 Élise Barthet, Le Monde Économie, 15.01.2018
2 Jacky Dahomay, Mediapart, https://blogs.mediapart.fr/yvon-quiniou/blog/100118/bauberot-et-la-laicite-complaisante/commentaires , 10.01.2018
3 Victor Hugo, Écrits politiques, Le Livre de Poche

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