Menu Fermer

Evaluations bienveillantes, oxymore ?

Sans tenir compte du bien être de l’enfant, de l’élève des évaluations nationales vont se dérouler en CP du 16 septembre au 27 septembre 2019.
Et cette année une première : les épreuves seront mises en ligne et en accès libre en amont.
Le bachotage rendu possible pour les enseignants !
Mais, nouveauté, également pour les parents ! S’ils manque de temps, ils pourront faire appel à des aides privées… bien sûr, s’ils ont les moyens financiers suffisants.
Tant pis pour tous les enfants – peu ou mal préparés – qui échoueront, ils recevront soutiens et remédiations en vue de la série suivante d’évaluations qu’ils devraient mieux réussir ou moins rater…
De plus pour le ministre, ce sera une manière d’évaluer positivement ses préconisations pour l’apprentissage de la lecture : vous voyez, quand ils font de de la phonologie, ils progressent plus vite en lecture.
Il s’en félicitera sans aucun doute… sur les médias, dans la presse.

Qu’importe le ressenti de l’enfant. En effet, des évaluations dès les premiers jours d’école mettent l’enfant en situation de performance stressante, elles transforment la classe en usine à exercices, à écrits évalués sans laisser de place à l’expression, l’expérimentation, la recherche… la curiosité sur le monde est très vite étouffée.
L’enfant, l’adolescent passe le tiers de sa vie à l’école pendant plus de dix ans, ce n’est pas rien, surtout quand son envie de savoir et son désir d’apprendre s’éteignent car il ne s’estime plus en capacité d’apprendre : « je suis nul, ce n’est pas la peine… » et ceci dès le CP !

Que fait-on de la bienveillance tant prônée par le ministre ?
Mais pourquoi l’évaluation devrait-elle être bienveillante ? Ne faut-il pas mieux habituer l’enfant – surtout des milieux populaires – à la performance, au stress, voire à la souffrance qu’elle entraîne, car une fois adulte, la société, le travail ou sa recherche au quotidien ne lui feront pas de cadeau.
L’intérêt de l’enfant n’est vraiment pas au centre des préoccupations des décideurs et ce ne sont pas les cérémonies d’anniversaire des trente ans de Convention internationale des droits de l’enfant qui vont changer la situation. Les enfants ont des droits certes, mais également des devoirs rappellent-ils régulièrement !
Certes ce n’est pas nouveau, mais la recherche de l’excellence et la concurrence entre individus s’installent de plus en plus tôt dans la vie de l’enfant pendant qu’elle se développent partout dans la société.

Évaluer, c’est contrôler et estimer une performance. Alors, on la quantifie et on en mesure les écarts ; on recherche une conformité ; on met au point des critères, des dispositifs. On compare, on fait des statistiques : les bons élèves, les bonnes classes, les bons établissements, les bons pays… Et en 2019, cette idée de l’évaluation perdure.
Et paradoxalement, beaucoup d’élèves et de parents attendent les résultats scolaires comme un dû, une rétribution ou une récompense. Il faut dire que l’École depuis la maternelle se charge de leur faire comprendre les règles de cette course au long cours : ceux qui ont les meilleurs notes seront les mieux servis en terme de choix d’orientation, de diplôme et donc de valorisation sociale.

Heureusement, dans certaines classes, écoles, collèges… il n’y a pas de notes : que ce soient des chiffres, des « acquis » ou en « cours d’acquisition », des lettres accompagnées de plus et de moins, de petits bonhommes contents ou mécontents, de points verts ou rouges…
Mais ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de notes qu’il n’y a pas d’appréciation, ni d’évaluation.
En effet, l’enfant, l’adolescent, comme l’adulte d’ailleurs, lorsqu’il crée, produit, qu’il fournit un travail éprouve le besoin de montrer, de savoir ce que l’on pense de sa création, de sa production, de son travail. Par rapport à lui-même, pour visualiser ses progrès, ses réussites, ses échecs ; pour évaluer ce qu’il a acquis, ce qui lui reste à savoir, et également par rapport au groupe qui aide l’enfant à se situer et à se repérer.
L’évaluation peut revêtir trois formes : l’évaluation de l’élève par lui-même (l’auto-évaluation), par le groupe ou la classe et par l’enseignant.
L’interaction de ces trois aspects aboutit à une autre sorte d’évaluation qui profite en premier à l’enfant, à l’adolescent.

Évaluer devient ainsi donner de la valeur, valoriser.
Ce n’est plus un dispositif, mais une démarche, un processus où les cycles sont essentiels, car ils permettent d’accueillir les cheminements singuliers et de respecter les différents temps d’apprentissage, d’appropriation, de réinvestissement de chaque enfant, de chaque adolescent.
Un processus où le couple « s’autoriser » et « créer » permet à l’élève de devenir acteur et de plus en plus auteur.
On est bien loin de la réussite aux dépens des autres.
On est dans une réussite solidaire et non compétitive.
C’est cela aussi la bienveillance !

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *