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Éduquons les maires !

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Ou quand des maires bulgares doivent tout réapprendre de zéro…

Comment parler de racisme avec des jeunes roms sans les mettre dans une position victimaire ? Aborder la question des discriminations n’est pas chose facile. Encore moins avec un adolescent gagné par un sentiment de persécution ou un enfant qui dissimule ses peurs derrière une soi-disant paresse. Quand le rôle d’un éducateur est justement de rassurer les enfants pour les attirer hors de leur zone de confort vers de nouveaux apprentissages, on hésite à leur confirmer que l’extérieur peut être hostile.

On laisse donc parfois couler, faisant comme si les discriminations n’existaient pas et répétant aux enfants que s’ils se comportent comme il faut, la société le leur rendra. Après tout, la Bulgarie travaille à mieux intégrer les Roms. Au sein de l’association Milosardie za teb, nous obtenons des financements pour nos projets et, quand nous avons décidé de déménager notre centre social, le Ministère du travail et des affaires sociales a accepté sans problème de financer l’achat de meubles. Alors pourquoi chercher la petite bête ?

Et puis un jour, il y a ce maire de quartier qui vous appelle. Le ton est agressif. « Curieux pour un élu, nous sommes tout de même ses administrés. » On écoute quand même. M. Kostadinov, maire du quartier Vladislav Varnenchik à Varna est en fait notre nouveau voisin. Il vit dans l’immeuble où nous avons déménagé le centre social et il est très clair : il ne permettra pas l’installation de notre activité en bas de chez lui. La raison : nous travaillons avec des enfants roms.

L’Agence des Affaires Sociales et de l’Agence de Protection de l’Enfance auront beau confirmer qu’il n’y a aucun obstacle administratif à ce que nos activités se déroulent dans cet appartement, la mairie de Varna n’en fait rien et va jusqu’à soutenir le maire du quartier et nous déclarer hors-la-loi, au prétexte qu’on aurait mal qualifié notre activité. Les deux maires insistent : nous entrons dans la case « activités de services » et non « services sociaux ». Et à ce titre, nous n’avons pas le droit d’être dans cet immeuble. C’est le seul point utilisé contre nous et nos enfants pour empêcher l’établissement de notre centre social dans l’immeuble où habite le maire du quartier.

Un point contesté par les deux agences sociales qui connaissent bien notre travail. Et pour cause, elles n’ont pas eu le choix. Averties par le syndic de copropriété, elles ont dû vérifier si notre centre n’était pas un lieu dangereux pour les enfants. Une inspection de trois jours par l’agence de protection de l’enfance aurait pu rassurer notre maire inquiet pour la santé psychique des enfants qu’on accompagne. Mais il a préféré vérifier par lui-même en faisant filmer leurs allers et venues dans notre centre. Son dévouement ne s’arrête pas là. Le 13 janvier 2020, alors qu’un appartement explose dans le quartier faisant deux morts, il juge urgent de lancer une inspection dans notre centre et fait surveiller des enfants de 5 ans venus apprendre à compter et à parler bulgare. Mais peut-être était-ce pour sauver notre pauvre institutrice des griffes de ses petits élèves…

On ne sait plus en effet pour qui s’inquiète ce maire. Pour les enfants roms ou pour les voisins bulgares ? Inquiet, il l’est pour sa petite personne, c’est certain ! Dans tous les cas, les stratégies qu’il met en place sont douteuses pour un homme politique sensé oeuvrer à la cohésion sociale entre ses administrés. A moins qu’il ne soit un grand pédagogue malgré lui ! Car il faut tout de même lui reconnaître une chose : il nous a forcé à observer la question des discriminations avec les jeunes. Désormais, on ne pourra plus faire semblant. Et ensemble, pour avancer dans les apprentissages, nous redoublerons d’efforts et d’astuces pour sortir de nos zones de confort. Promis Mr Kostadinov, on vous montrera à vous aussi comment faire !

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