Menu Fermer

Éducation, numérique et pédagogie des médias (2) Clemi : mais où est donc passée la première décennie ?

[/« On ne peut pas cacher une information » (une journaliste)/]

Résumé

Croyons raisonnable l’attachement à l’historicité, et, s’agissant de pédagogie, à l’enrichissement patrimonial. Parmi les réunions actuelles « sur les hauteurs », celle qui a célébré le 30è anniversaire de la création du Clemi mérite une attention particulière, pour comprendre ce qui sous-tend la politique officielle actuelle en matière de relation au milieu de vie. A l’abri des grands fronts d’agitation ou des regards critiques, le secteur est pourtant caractéristique de ce qui se joue.

Quel est le signal émis par ces réunions de « commémoration » sans « remémoration » ? Envolées supérieures, congratulations : pour autant, a-t-il été question de reconnaissance (remerciements et exploration), d’hier, pour demain ? Car, sur le fond, que serait un anniversaire qui ne ramènerait pas le souvenir ? En quelque sorte, « assorti d’oubli » ? Qui au fond se passerait de genèse ?

***

Tout le monde s’accorderait aujourd’hui, pour exalter quelque devoir de mémoire. Il s’agirait là d’un principe fondamental en démocratie comme en science. Sauf qu’il pourrait se faire quelque exception, pour les besoins de la cause. Dans le domaine à haute teneur en valorisation et forte « urgence » (nous disait-on) du rapport éducatif aux médias, l’absence d’une histoire rigoureuse oblitère quelque peu les chances de jugement lucide. Des pans entiers de « vérité pratique » ont ainsi été occultés, au profit d’un discours d’autorité, généraliste et panégyrique, à base de formulations telles que : « enjeux de citoyenneté démocratique », « outil d’ouverture interculturelle », « e-démocratie », « avenir de la recherche en éducation aux médias » etc.

D’une manière générale, je n’aime pas, en matière de coopération éducative et de patrimoine pédagogique, comme dans la pratique de recherche, tout ce qui relève de l’oubli, des œillères, ou des interdits. A mes yeux, le devoir de mémoire et de reconnaissance ne peut se partager et doit s’appliquer en tous points. C’est pourquoi je considère toute négation du passé – quel qu’il soit et quelles qu’en soient les raisons – comme gravissime. J’essaie pour ma part, comme chercheur, ou comme philosophe, toujours, à mon tour, de « dire ma dette », de rendre hommage aux prédécesseurs à qui je dois tout. Cela me semble… tout simplement normal.

Mais où est donc passée
la première décennie ?

Quel beau sujet de thèse ! Et quel de mes collègues l’engagera ? Je ne vois pas en effet dans ces réunions, de souvenir des origines, pourtant récentes… Je ne vois aucun des noms de « pionniers »[[ Du moins du monde inférieur des « ingénieurs » ! Et même, peu des « communicants ».]] de la fondation… Et non plus de monographie ou autres « récits de vie ». Peut-on (rationnellement) faire “anniversaire” en effaçant purement et simplement les dix premières années et l’énorme travail accompli à l’époque ?

Cette singularité relative à la « mémoire du sens » est-elle le fruit d’une négligence, tient-elle à un pur hasard, ou relève-t-elle d’une « absence significative » ? Sans doute est-elle à resituer dans « trois moments » du rapport scolaire aux médias en France : années précursives « d’ébullitions militantes » des années 60-70 ; prise en compte progressive par l’institution à partir du milieu des années 70 jusqu’à la fondation du Clemi ; et trente ans plus tard, aux hésitations actuelles dans le grand tout de l’ « EMI», et la « galaxie numérique ».

Fondation

Les premières années du Clemi ont fait l’objet d’un investissement très significatif. L’effort institutionnel consenti est alors important, le ministère ayant permis de déployer une forte énergie économique, humaine, pédagogique. Conçu comme fer de lance, le centre bénéficiait d’habiletés et de convictions. Il constituait alors un « modèle » qui aurait été bien utile sur d’autres thématiques, notamment pour impulser du mouvement et promouvoir des valeurs.

La « première méthode » ouvrait sur de nouveaux espaces, de nouvelles conceptions. Elle permettait d’espérer des avancées conséquentes, selon un idéal en pédagogie, en recherche, en coopération. Il avait donc semblé à cette époque que l’institution scolaire allait avancer dans le sens d’une prise en compte dynamique des nouveaux espaces de la culture.

Mais le système scolaire français pouvait-il, et à quelles conditions, dynamiser l’expérience, encourager dans les faits et à la base, développer et diversifier les ouvertures ? Il a existé quelques temps, dans le domaine des médias une « fenêtre » en ce sens. C’était, à l’échelle de l’accélération des nouvelles donnes, « il y a longtemps ». Et la preuve d’une telle possibilité n’a pas été faite de manière durable.

Barre à tribord

On l’a échappé belle ! Milieu des années 90 : virage stratégique et théorique. Larguons les amarres ! Aux débats et aux inventions de la première époque ont succédé l’univocité théorique (une seule manière de penser) et l’hémidoxie idéologique (pas question d’alternative). A l’encontre de l’utopie d’une mission publique, indépendante des pressions… Ce n’est d’ailleurs pas propre à ce centre qui a alors changé de fonction, sinon de nature. Celui-ci est passé du statut de fer de lance sur le fond des choses, de carrefour stimulant des énergies et des dynamismes, de lieu coopératif, à celui d’appareil au service de causes inavouées, et « d’agence de communication culturelle spécialisée. Exierunt alors les pédagogues et les chercheurs, et surtout les porteurs de sens critique, jugés peu utiles, voire encombrants, à côté des formateurs patentés (retranchés, « comme autrefois »), des agents dévoués de l’appareil. Une forme de gouvernance « nouvelle culture», en repli idéologique, et en opposition aux enthousiasmes des débuts. Dès lors, l’organisme contrôlé par une poignée d’oligarques du thème n’a rien à voir avec le centre qui a été inventé, pensée et porté il y a plus d’un quart de siècle. Dès lors, vidé de son sang le dossier s’est vidé de son sens.

Pré carré et grand tout

Ou plutôt, il a « changé de sens ». Sur le plan idéologique, le domaine – d’une grande importance éducative, d’une grande charge axiologique – a alors été confisqué par une faction libérale, qui a fait, à son profit, main basse sur l’institution. A supposer que les idéaux des pionniers aient passé pour libertaires, ce qui n’était pas le cas, car ils relevaient plutôt de l’attachement à la tradition coopérative, ou d’une éthique de la convivialité, ils n’en étaient pas moins honorables. Et, sur le plan des principes, le service public, en démocratie, s’honorerait d’observer au moins une règle de diversité, respectueuse de « toutes les familles d’esprit » [[C’était une des devises de la charte déontologique initiale…]], a fortiori dans le domaine des médias, qui ne font eux pas montre d’une grande diversité d’appartenance culturelle ! La « version officielle » alimente cet aveuglement. Or, même à renonçant à la ligne « engagée» des débuts, le Clemi aurait pu maintenir la tension entre diverses tendances, et non s’engouffrer dans la voie unidimensionnelle.

Tout se passe alors comme si tout le travail sur le fond et le contenu des décennies précédentes avait laissé place à un discours éloigné de la vitalité pédagogique, comme de l’excellence scientifique, large et apparemment bienveillant, mais à la fois tenace et inefficace (mais habile au sein de l’appareil). Il s’agit d’un discours de communication, à usage académique et politique, qui ne garantit nulle véracité dans l’action.

Mémoire et transmission

L’utilisation des « forces vives » convaincues, de la période fondatrice, a donc laissé place à des objectifs égotistes, et à des orientations politiques « correctes », d’un tout autre ordre que celui de l’esprit qui anima les précurseurs . Nous avons longtemps travaillé, avec conviction et pour certains d’entre nous, quelque abnégation, en toute naïveté, pour des causes et des intérêts privés et idéologiques qui n’étaient pas les nôtres et n’avons guère été utilisés pour un « service public » digne de ce nom.

Le résultat a été la consolidation d’une officine, désormais soucieuse de fonctionner à la manière d’un pôle communicant, ou de participer à un réseau universitaire spécialisé, avec ses experts et ses « échanges internationaux. Etc. Mais plus globalement, il n’était pas envisageable que l’organisme soit porteur de conceptions jugées désormais marginales ou dangereuses, et tôt ou tard (pourquoi attendre !), il devait tomber dans l’escarcelle de la pensée dominante. Du même coup, les avancées précises et les programmes pointus sont remplacés par un vague grand tout formel. Qui, s’il ennoblit le propos, ou le suralimente en image, ne consiste pas à l’enraciner, encore moins à le… populariser.

Si bien que la publicité a, superficiellement, rallié les clercs : on a ouvert la boîte de Pandore, pour permettre à tout un « expert » d’ambitionner alors en « éducation aux médias », slogan éparpillé désormais en nébuleuse. Et de caser sous cet intitulé toute une action basique relative aux « pratiques numériques ».

Nous voilà bien loin du « développement durable » [[Voir mon travail daté «Expérimentation et transmission : conditions méthodologiques de « développement durable », http://www.inrp.fr/biennale/5biennale/Contrib/6.htm]] Le principe reste… ! Le « vide » créé par l’abandon des « lignes de sens » a eu une double conséquence : une déperdition de la substance ; et en même temps, faute de ces références, la tendance à produire du sens fictif. Pour qui connaît un peu l’histoire du domaine, tout se passe également comme si nous étions revenus en arrière : en rejoignant la « voie anglo-saxonne », délaissant la « voie française »[[Portant sur l’enrichissement méthodologique à partir des leçons transposables de la pédagogie des « nouvelles donnes », et inspirée par les « pédagogies nouvelles]] ». , pourtant riche de promesses : mais jugée par trop « critique ». De ce point de vue, la « décennie fondatrice » peut être considérée, paradoxalement, en effet, comme une parenthèse. Elle n’a donc pas lieu d’être. Et aujourd’hui, nous avons affaire à une « masse discursive instituée » d’un trop vaste domaine aux contenus superficiels.

« L’image peut mentir »

[/
« Dans mon, pays on remercie » (René Char, Les matinaux)
« REMERCIER, verbe trans.
A. – 1. Dire merci à quelqu’un, lui exprimer de la gratitude.
C. – P. euphém. Mettre fin poliment aux services de quelqu’un » (TLF)/]

Pour en revenir au programme de telle réunion du genre cité, on ne voit guère de récit, pas plus qu’on ne rend hommage. Trop vieille coutume[[Ce cas intéressant, qui pourrait ici passer pour de la muflerie, rejoint sans doute une configuration plus générale en cours, impliquant l’anhistoricité. Cette fois-ci, c’est plus sérieux.]] . Comment dès lors écrire l’histoire active en tronquant ce qui ne serait pas convenable ? Notre « pédagogie de l’image » se gaussait des manipulations iconiques, et des images truquées de la propagande ! Las.
Pourtant, « ce qui peut être récompensé aujourd’hui est dû à ceux qui étaient là avant nous ». C’est digne. Et c’était aussi une leçon de nos pères : que le monde existait avant nous, et qu’avant la linguistique, il y avait la philologie. Avant l’« éducation aux médias » il y avait la « pédagogie des médias ». Mais le temps ici s’est ratatiné : l’ensemble de ce qui est alors passé à la trappe est, qualitativement surtout, considérable.

Traces
et traçabilité ?

Ceux qui sont dans la vie quotidienne attentifs à la recherche en qualité pour la consommation de produits alimentaires distinguant entre les uns, avec indication d’origine de production, et les autres, ont-ils leurs homologues soucieux de traçabilité pédagogique ?

Tout le monde ne sera pas sur la photo d’anniversaire. Dans mon cas, c’est assez logique ! Mais les autres, ceux qui ont tant fait ? Pour le chercheur en pédagogie des médias, il reste quelques empreintes fossiles : on a pris soin de ne pas en indiquer la provenance. D’autant qu’à l’époque du plagiat général, certains n’hésitent pas aujourd’hui à reprendre à leur compte des énoncés qui ont plusieurs décennies : et, pour les nouvelles donnes, les prophètes médiatiques à retardement ne manquent pas ! Je suis donc très irrité de voir nos travaux encore utilisés, à l’état résiduel, sans aucune indication de source, fondus dans une masse pour laquelle ils n’étaient pas destinés. L’utilisation sans vergogne des travaux de la « première décennie », à usage individuel ou institutionnel, est bien sûr une faute morale. C’est une faute ordinaire que d’avoir découragé voire parfois sanctionné la génération de ceux qui ont porté sur le fond le succès[[Celui-ci n’était pas alors le fait d’une directive supérieure mais le fruit d’un travail collaboratif sur les contenus. C’est une erreur, de croire que l’institution et la loi peuvent en elles-mêmes entraîner l’adhésion.]] du Clemi http://www.questionsdeclasses.org/?Education-numerique-et-pedagogie , au profit de l’ancrage institutionnel formel et de la production promotionnelle, dont l’efficacité éducationnelle n’est pas prouvée, hors le jeu interne aux hautes sphères et aux équilibres du système. Plus profondément, en termes de transmission, c’est, plus qu’une anomalie, un « risque mémoriel ». Car on voit là une marque d’influence, non de reconnaissance. Toute mémoire enfouie requiert inconsciemment son dû.

Amnésie lacunaire…

[/
« Il n’y a pas de non-dit pour une information digne de ce nom » (un auditeur de France Inter)/]

Si j’énonce : « Cette période n’a pas existé », cette omission a-t-elle un sens ? Pour un organisme qui devrait apprendre la lecture critique, gommer sur la photo relève de l’antiphrase sublime. De telles pratiques étaient-elles irresponsables, ou tout simplement « idéologiques » (nouvelles donnes, échanges en réseaux horizontaux, éducation à l’Europe, recherche etc. ?). Effacement jusqu’aux traces monographiques et bibliographiques mêmes. Mais enfin tout cela est assez logique : dès la fin des années 90, il ne reste rien des efforts pionniers. De ce fait, pourquoi parler d’un passé qui n’existe pas ? Le principe de négation (de ce que j’ai appelé ailleurs obscurance[[N’y pensons plus : une hypothèse d’école (A propos de l’obscurantisme), 2008]] ) est à la base de toutes les régressions culturelles. Qu’il soit à l’œuvre dans un domaine où précisément il s’agirait de fonder de l’avenir sur la reconnaissance d’un progrès est pour le moins troublant.

… et secrets de famille

Nous avons travaillé naguère sur « la transparence ». Aujourd’hui, on s’interroge sur les « secrets »[« C’est le sceau qui fait le secret. (…) Un peu de rigueur, s’il vous plaît : pour passer de l’inconnu au secret proprement dit, il faut encore se demander par qui la chose est cachée. (…) bien que tu, un secret s’énonce, il satisfait des motifs, il recèle une valeur mesurable. » (Paul Soriano, Médium n°37-38, Secrets à l’heure numérique, oct 2013). Ce n’est pas là non plus la moindre des ironies : il se trouve qu’un des contributeurs de ce dossier de la très respectable revue de Régis Debray signe comme… directrice du Clemi.]] .Tout secret a sa raison d’être. Cela dit, la “version officielle” est-elle absolue ? Bien sûr que non. Mais l’époque est à la pensée univoque, et non pas celle de nouvelles Lumières qui perpétueraient la critique de l’argument d’autorité. Cette question ne se réduit pas à un dossier administratif, à l’entretien de l’appareil, ou à un thème mandarinal : c’est [l’affaire de tous qui mérite un tout autre effort que quelques prises de positions, tel nième colloque, telle injonction supérieure de la gouvernance, tel affichage envahissant (mais sur le sens, à terme invasif)…. Elle est prioritaire toutes affaires cessantes, et dépasse largement les intérêts des propriétaires d’une « chasse gardée » ou les efforts des relais du simple maillage administratif[[ Ici encore, il faut resituer dans un ensemble : la confiscation « libérale » et le monopole idéologique touchent les pratiques courantes, qui minent en profondeur la recherche et l’action.]] .

Remémoration et reconnaissance

Au-delà du constat des « effacements » du discours accrédité, il faut se demander quelle en est la signification. En raison des qualités attribuées aux participants (réputés sérieux) de ces réunions, peut-il s’agir de négligence ? Il faut aussi resituer ces problèmes dans le contexte de « crise endémique » (et sans doute constitutive et structurelle) qui les englobe ou les génère, faute de s’attaquer aux bases : crise de la transmission (marquée notamment par le présentisme) ; de la conviction : mise en défaut du principe de véracité, rejet du principe dialogique et renoncement débat sur le fond ; disjonction du discours et de l’action, qui aboutissent à des sentiments de fuite et d’impuissance (s’enfle le propos, s’appauvrit l’effectivité), marquée aussi par l’invocation sans frais de l’ « éthique » et des leçons de morale… ; crise enfin de la participation et de la coopération… Il ne me revient pas de situer ces problèmes dans l’ensemble d’une « histoire du rapport scolaire aux médias », qui à ce jour nous fait défaut. Car qui écrit cette histoire ?

Plus donc on commémore, plus on doute de l’élan démocratique (J.-P. Labrousse), et moins on remémore. Il est certes possible d’ignorer les origines. Mais à quel prix ? L’élan ne se décrète pas. Et les dispositifs institutionnels formels ne se suffisent pas à eux-mêmes s’ils ne sont pas « facilitateurs ». Il est ainsi pénible d’entendre des propos édifiants, et pour qui connaît (un tant soit peu) le dossier, peu crédibles tels que ceux d’un haut responsable du système : vers une « co-construction collaborative qui permet à chacun d’être acteur »[[Déclaration au Colloque anniversaire du Clemi, 15 /11/2013. Encore, par conséquent, faudrait-il changer de logiciel ! En attendant, le discours scolaire officiel est empli de ces énormités.]]. Chic !

Aujourd’hui, on assiste à d’improbables resucées, sans que grand monde s’en offusque, et à des représentations creuses, sans que grand monde s’en étonne : les discours sont vides, le dossier est vide, non de quelques relations universitaires, d’attaches administratives, de tracts ou de manifestations publiques, mais de sens. Car sans cela rien ne vaut. Au vu des propos à courte portée, on peut craindre que le flot « numérique » – et le vertige qui l’accompagne – n’engloutisse les espoirs d’intelligence liée à la « compréhension du milieu ». Encore une fois, il sera donc important de se demander ce qui a été « oublié » pendant la première décennie.

Le discours scolaire nous a habitués à afficher des intentions louables et floues, et des missions contraires à celles que l’école remplit véritablement. Pour l’instant, le rapport scolaire aux médias oscille entre grandes envolées, gadget pédagogique et immédiateté du sens. Nous voilà bien éloignés de l’idéal de fondation d’un « nouvel humanisme »!

Il faut en ce sens être attentif ce que recouvre l’hypersloganhttp://www.phileduc.eu/hyperslogan-a103716180 « éducation aux médias et à l’information », et à son utilisation dans la néo-économie scolaire. Cache-misère ou tentative d’un nouveau récit mythique ? Car sous cette bannière s’avance peut-être la néo-idéologie en matière culturelle, d’autant plus tranquillement que, depuis la rupture, elle ne rencontre plus guère de résistance. Le thème du rapport éducatif aux médias est désormais absorbé dans le scolarisme du moment, et nourrit le « socle » et ses « compétences ». Au vu des tendances en cours, on peut redouter de nouvelles normes scolastiques, en lieu et place des formidables opportunités de changer de monde. Et, aux dernières nouvelles, forclos les novateurs et les dissidents, le débat est clos.

Mais enfin, on ne peut en effet pas attendre de l’école néo-capitaliste (ou postlibérale etc.) qu’elle accepte que se développe en son sein des entreprises alternatives. Mais on pourrait en théorie attendre de l’« école de la République » qu’elle garantisse le pluralisme et le principe kantien de « liberté de penser »[[Formulé notamment dans « Qu’est-ce que s’orienter dans la pensée ? » (1786)]] , sans attendre quelque moderne « éthique de la discussion »! Ici, il n’en est rien, et nul besoin de couvrir la réalité de phrases irrecevables. Car nous ne serions plus, si nous le voulions, des enfants crédules. Donner à voir ou à rêver n’est pas convier tous à participer de fait.

Ces phénomènes portent en eux-mêmes leur dangerosité : ce qui devait faire l’objet d’un profond débat pédagogique nourrit à peu de frais la nouvelle doxa. Pour revenir sur le message de l’Education nouvelle, dont on se réclame toujours volontiers çà et là, et invoqué sans vergogne par des responsables dont toute l’action s’y oppose, nous n’en sommes pas là au premier ni au dernier détournement, surtout (hélas) de Freinet, et l’on est, ici également, confronté à une vision lisse, contraire à celle qui anima l’idéal en action de l‘école du peuple.

Corpus accessible

Colloque “Citoyenneté et mutations médiatiques : quelle vision pour l’éducation aux médias ?”

« Politiques publiques d’éducation aux médias et à l’information en Europe : enjeux de formation à l’ère du numérique » (13-14 décembre 2013

2 Comments

  1. Bernard Collot

    Éducation, numérique et pédagogie des médias (2) Clemi : mais où est donc passée la première décennie ?
    Pour être concret sur la mémoire :

    dans le prolongement de plus d’un siècle de pédagogie de la communication (pédagogie Freinet), les premiers ordinateurs (commodore, micro…) ont été introduits dans quelques classes à partir de 1980

    – le premier réseau télématique de classes : 1983 ! format vidéotex (minitel). Dès 1984, réseau de plusieurs dizaines de classes, 1985-86…. plusieurs centaines de classes.

    – Dans les années 1980, un département de l’INRP, sous la direction de Patrick Guihot, auquel participait une quinzaine de praticiens du mouvement Freinet, suivait, analysait les pratiques et les conséquences pédagogiques de la communication électronique. La revue EPI relatait expériences, analyses, théories, relatives à l’usage de l’informatique et la communication électronique dans les écoles.

    – 1989 : introduction du fax (télécopieur) dans 60 classes du réseau Freinet.

    – Jusqu’en 1992, quatre universités d’été organisées par l’ICEM et les journaux Sud-Ouest, Ouest France et Télégramme de Brest faisaient régulièrement le point des avancées.

    – etc, etc. Pour en savoir plus : [bleu]”La fabuleuse aventure de la communication”[/bleu]

  2. Anonyme

    Éducation, numérique et pédagogie des médias (2) Clemi : mais où est donc passée la première décennie ?
    Oui, ça vaudrait peut-être le coup de faire sous forme d’un fascicule un petit rappel de cuti! Qui aurait le mérite de proposer un petit panorama de “genèse” de la question de la pédagogie des médias.

    – J’ajoute que j’avais constitué – grâce à un matériel professionnel – au clemi une banque de données des journaux télématiques existants à l’époque, notamment dans le mouvement Freinet, et qu’elle a été supprimée (poubelle). Ben, je croyais le clemi dépositaire “journaux scolaires”…

    – Le formidable (par son succès, son ampleur, ses résultats, ses soutiens) projet européen PMR ( Programme Médias Réseaux – “fax!”, 1989-1994) né des échanges et concertations avec les pionniers, et notamment au mouvement Freinet, avait été démantelé en plein essor…

    Tandis que les militants novateurs de mouvements manquaient de moyens, l’institution (assez “riche” et influente à l’époque), elle,manquait de jugeote. Mais c’était sans doute plus idéologique et cynique que ça!

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *