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Du racisme structurel à l’école ?

Avec mon compagnon, nous proposons toutes les semaines des après-midi jeux de société dans une école bulgare. C’est une école classique. Des enfants issus de classes moyennes et quelques enfants venant du quartier tzigane voisin.

Cet après-midi là, un groupe d’enfants joue au Crokitoo, un jeu qui consiste à attraper le plus vite des faux aliments au milieu de la table. L’un d’entre eux trouve drôle de les mettre dans sa bouche. Il a 10 ans. Mon collègue lui demande d’arrêter ça. Non seulement, il est grand, mais en plus nous fabriquons nous-même les jeux en papier mâché. « Imaginez la tête des jeux si tout le monde s’amusait à les machouiller … »
Plus tard, le gamin recommence. Il trouve ça amusant. Après tout, c’est vrai. Quand on tient une bonne blague, pourquoi s’en priver ?

Sauf qu’une camarade de classe a remarqué l’agacement de mon compagnon. Elle trouve donc la bonne idée d’aller voir sa maîtresse pour dénoncer le malfaiteur.
La réaction de la maîtresse est sans appel. Le garçon doit sortir. Plus de jeux pour lui aujourd’hui. Il restera dans le couloir.

Le garçon était tzigane.

Pourquoi cette précision ? Sans doute est-elle de trop ? Peut-être que le petit garçon méritait cette sanction après tout.
Cette histoire m’intéresse en fait, parce qu’elle illustre bien ce que je vois comme un racisme structurel. Un racisme qui n’a besoin d’aucune personne raciste pour tenir debout.

En effet, qui de l’intervenant, de la petite fille ou de la maîtresse a eu des propos ou une attitude raciste ? Personne. Pourtant, le résultat est là. C’est le tzigane qui est sorti de cours. On me dira qu’un autre enfant non-tzigane aurait aussi pu finir dehors.
C’est vrai.

Mais on aurait aussi pu trouver une autre solution pour canaliser l’enfant. L’inviter à jouer dans un autre groupe. Le mien par exemple. Après tout, on aurait au moins gardé le contrôle sur lui. Là dans le couloir, nous n’avons aucune idée de ce qu’il est devenu. D’ailleurs, je n’ai su ce qui s’était passé que le soir en rentrant.

Voici les raisons qui m’amènent à croire que sa tziganité était pour quelque chose dans le traitement qu’on lui a fait.

– Quand plus tôt dans l’après-midi, j’entends un enfant se moquer de lui parce qu’à partir de 8, il n’arrive plus à compter les cartes qu’il a gagnées. Signe qu’il n’a pas dû intégrer l’école de manière très régulière (comme beaucoup d’autres enfants tziganes en Bulgarie).

– Quand moi-même, je le reprends en disant « non ça, ça se dit kostenurka », alors qu’il brandit fièrement une image de tortue en disant «  kaplumba ».
C’est que je prends ma mission d’intégration très à coeur. Cet enfant doit apprendre le bulgare. C’est comme ça qu’il trouvera du travail plus tard.
C’est vrai encore une fois.
Mais alors que le locuteur turc est réprimandé (le turc est aussi une des langues parlées par les tziganes en Bulgarie), on valorise les enfants qui nous parlent en anglais. La première langue est synonyme de repli identitaire quand l’anglais a valeur de communication. J’aimerais pourtant croire le contraire et tenter l’expérience des Labos de babel. Dans la lignée de Jacotot, Joëlle Cordesse encourage les professeurs et les locuteurs de la langue dominante à exercer leur intelligence des langues au contact des autres. Une expérience qui, je crois, ne devrait pas se limiter à l’éducation populaire, mais inspirer l’éducation nationale pour une véritable refondation.

– Enfin, une autre raison m’amène à penser que cet enfant est victime d’un racisme à l’école. Quand un après-midi en arrivant dans l’établissement, nous surprenons une enfant dans la cour, accourant à la cloture pour crier rageusement «  tsigan » à deux hommes passant par-là en calèche. Une question m’était alors venue à l’esprit. La même que posait un militant du Collectif Contre Exhibit B il y a deux ans. « Comment se fait-il aujourd’hui, qu’une fille de 15 ans puisse traiter une ministre de guenon ? » Qu’est-ce qui lui donne le sentiment de pouvoir dire ouvertement de tels propos racistes ? Et surtout qu’est-ce qui l’amène à penser cela ?

Nous avons le devoir de nous interroger sur la structure scolaire. Encore une fois, il ne s’agit pas de savoir qui est raciste, mais qu’est-ce qui produit le racisme. Je vous ai donné là l’exemple de la Bulgarie, mais la France doit certainement aussi s’interroger sur son système scolaire. Certains établissements le font d’ailleurs. Comme cette école élémentaire dont la réflexion fut relayée par le réseau national de lutte contre les discriminations à l’école en 2014.

Comme intervenante dans les écoles, j’aimerais avoir vos avis de professionnels sur ces questions. Le racisme structurel existe-t-il à l’école ? Si oui, par quoi passe-t-il ? Comment travaille-t-on contre ce racisme ?

3 Comments

  1. Jean denis Taupin

    Du racisme structurel à l’école ?
    Chère Maelle,

    De ton expérience en Bulgarie, il me semble que tu fais un certain nombre d’amalgames qui me paraît non justifiés, attention de ne pas passer de l’observation rigoureuse de faits à un jugement subjectif qui te transforme en militante normatée d’une pensée unique… ton autre texte relevé sur le site du PIR me pose aussi un certain nombre de questionnement quant à ta proximité avec eux… Bien à toi

    • maelle seven

      Du racisme structurel à l’école ?
      Merci pour cette remarque Jean-Denis.
      Mon point de vue (« subjectif » c’est sûr) est nourri actuellement par l’antiracisme politique. Tu as donc raison de soulever ma « proximité » avec le PIR, même si ce mouvement trouverait sans doute à redire sur mon raisonnement.
      Cet article est une réflexion dans un parcours personnel. Je ne tente pas de dresser un tableau exhaustif, mais une lecture de ce que je vois en travaillant auprès de populations roms. Étant à la recherche d’outils pour mieux penser les conflits entre roms et bulgares et surtout la question sociale à l’œuvre dans ces relations, c’est plus une bouteille à la mer que je lance qu’une réflexion aboutie.

  2. Davide Fior

    Du racisme structurel à l’école ?
    “La même que posait un militant du Collectif Contre Exhibit B il y a deux ans. « Comment se fait-il aujourd’hui, qu’une fille de 15 ans puisse traiter une ministre de guenon ? » Qu’est-ce qui lui donne le sentiment de pouvoir dire ouvertement de tels propos racistes ? Et surtout qu’est-ce qui l’amène à penser cela ?”

    Mais le rapport avec l’école il est où ? Dans le premier cas le contexte est bien l’école dans celui-ci c’est la manif pour tous où cette jeune fille de 12 ans a tenu des propos racistes. On ne sait rien sur quel établissement elle fréquente public ou privé, pourquoi donc utiliser cet exemple pour parler de racisme systémique à l’école ? Pourquoi ne pas déjà commencer à s’interroger plutôt sur sa famille ? Dans l’antiracisme politique il y a une tendance à accuser l’Etat de tous les maux tandis que famille et institution religieuses sont épargné comme systèmes. Ensuite il me semble qu’en France c’est plutôt l’antisémitisme qui sévit dans certains écoles et la fuite vers les privés des enfants juifs. Qui produit cet antisémitisme ? Qui le minimise ? Qui l’occulte pour parler de racisme systémique ? Le PIR et la galaxie qui tourne autour de lui.

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