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Des voisins solidaires et horrifiés

Des écoles, un quartier, des voisins solidaires dans la proximité et le concret. Et leur effarement dont témoigne ce communiqué de presse du 6 janvier 2017


Ce lundi 2 janvier 2017, rue Pajol, dans le 18ème arrondissement de Paris, en plein milieu de l’après-midi, les forces de l’ordre interviennent. Dans cette rue, se tiennent plusieurs dizaines d’exilés qui dorment régulièrement aux alentours, faute d’avoir trouvé autre chose. Ordre leur est donné à tous de se délester de leurs couvertures et duvets, qu’ils doivent donc laisser tomber au sol. Les employés de la Propreté de Paris ramassent toutes ces affaires après le passage de la police et mettent ainsi à la benne des dizaines de sacs de couchage, des couvertures, des couettes. En quelques minutes, une soixantaine de personnes se retrouvent sans rien, alors même que la température chute inexorablement avec la tombée de la nuit. Comme s’il était décidé qu’il fallait les démunir de tout, même de ce dernier rempart contre le froid, la pluie et le vent, faute de pouvoir les faire entrer dans le Centre Humanitaire de La Chapelle. Parmi ces personnes à la rue, certaines ont pourtant essayé plusieurs jours de suite d’y avoir accès, sans succès du fait des files d’attente. Ce sont en effet par centaines qu’ils se retrouvent chaque jour devant le centre, et les nombreux recalés se voient obligés de rejoindre des couchages de fortune installés tout autour, tolérés à l’unique condition qu’ils restent invisibles.

Ce genre d’action est désormais quasi-quotidienne à cet endroit et s’apparente à du harcèlement qui semble avoir pour seul but de faire disparaître les réfugiés de la vue des parisiens. Déjà, le vendredi 30 décembre, le même scénario s’était déroulé, et il s’est reproduit toute la semaine, provoquant toujours les mêmes effets : des êtres humains vulnérables, laissés à la rue, et mis à nu par les forces de l’ordre, rendus plus fragiles encore.

Nous refusons avec vigueur un traitement aussi abominable qu’inhumain fait à des personnes dramatiquement jetées sur les routes de l’exil, épuisées par des milliers de kilomètres parcourus, les souffrances éprouvées, les peurs ressenties, et qui se retrouvent dehors à cause de la saturation du système de prise en charge lié à l’asile. L’effort indéniable fait pour l’accueil de nombreux réfugiés ne peut excuser les insuffisances des dispositifs actuellement mis en place, qui ne sont que l’application par un pays démocratique du Protocole de Genève. Quoi qu’il en soit, rien ne peut justifier la mise en danger volontaire d’une population qui a besoin de protection et demande un refuge qu’elle est en droit d’attendre d’un État et d’une ville.

Nous dénonçons les décisions prises par la Préfecture de police de Paris qui, sous couvert de préserver l’ordre public, bafouent les droits humains élémentaires ainsi que les valeurs de notre devise républicaine. Il est indigne que des fonctionnaires d’État et des agents de la Ville soient enrôlés dans un « sale boulot » quand ce genre de situation dramatique devrait rappeler chacun au devoir de solidarité élémentaire. Nous n’acceptons pas d’être plus longtemps les témoins silencieux de stratégies qui ajoutent la cruauté à l’indifférence dans laquelle les réfugiés sont maintenus depuis des mois.

Le collectif des P’tits Déj’ à Flandres réunit près de 170 habitants des quartiers Flandre, Éole et Pajol dans les 18ème et 19ème arrondissement de Paris depuis un an. Il agit pour donner aux réfugiés un petit déjeuner quotidien, pour les informer, les orienter et les mettre en relation avec l’ensemble des acteurs susceptibles de les aider dans leurs démarches. Surtout, chacun de ses membres a à cœur de montrer un visage accueillant à ces populations démunies, découragées, harassées. Son action est entièrement financée par des dons et depuis quelques semaines, il fournit des kits d’hiver incluant couvertures et duvets aux réfugiés qui dorment dehors par des températures négatives. Notre action révèle les carences des systèmes de prise en charge et, plus largement, celles des pouvoirs publics. L’hostilité et l’inhumanité des actions policières, qui creusent les manques au lieu de les combler, et qui défont les actes d’assistance de personnes solidaires, nous semblent donc incompréhensibles et suscitent notre indignation, notre colère, ainsi que celle de beaucoup de nos concitoyens.

Nous demandons instamment que le harcèlement des réfugiés laissés dans la rue cesse immédiatement que des solutions de mise à l’abri soient trouvées pour toutes les personnes qui le demandent, faute de quoi la non assistance à personne en danger pourrait être invoquée. Enfin, il nous semble impérieux que tout soit mis en œuvre pour que le flux de ceux qui passent par notre pays ou y demandent refuge, notamment à Paris, fasse l’objet de politiques publiques courageuses qui prennent en compte l’ampleur du phénomène et le traitent avec dignité, d’être humain à être humain, pour être à la hauteur de la confiance faite à la France par ceux qui décident de tout quitter pour rejoindre un avenir meilleur.

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