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Compte rendu de l’atelier 12 : La parole en classe, vecteur de pensée collective et individuelle

Par Manue et Laetitia.

Nous avons visionné un film documentaire réalisé en 2001 dans l’école Freinet Ange Guépin, présenté par Françoise Salomon, l’une des enseignantes de cette école.

Chaque temps fort du film a été suivi d’un échange.

Nous avons ensuite débattu des liens entre pédagogie alternative et projet idéologique.

I – Autour du film.

Le film documentaire s’articule autour de plusieurs temps de parole des élèves d’une école Freinet :

un temps de parole quotidienne intime et spontanée : le quoi de neuf ?

un temps de parole d’organisation, de planification, de gestion.

un temps de parole d’argumentation pour convaincre, apprendre.

un temps de parole d’organisation collective (le conseil).

un temps de parole d’expression et de créativité (temps autogéré du samedi matin).

1°) La parole quotidienne et intime.

A la question « A quoi sert le quoi de neuf ? », les élèves répondent :

pouvoir s’exprimer,

dire ce que l’on pense,

se libérer de quelque chose de grave pour nous,

ce n’est pas pour régler les problèmes,

c’est pour faire profiter les autres de ce que l’on a vécu,

Quelques exemples de « quoi de neuf » dans les petites classes : les fleurs, mon otite, ma dent est tombée…

Questionnement et débat : la question de l’intime.
Où est la limite ? Que faire d’une parole grave, qui ne peut pas être divulguée ? Comment gérer des paroles de l’ordre du délire, de la mythomanie ?

Eléments de réponse : L’enseignant régule : si c’est très intime, il peut différer cette parole, prendre rendez vous avec l’élève et la classe en posant un pacte de confidentialité.

L’enseignant se renseigne, prend rendez vous avec l’élève, diffère la parole « grave », lui demande ce qu’il veut en faire. Au collège possibilité de débattre sur le sens et le pouvoir des mots.
Postulat du quoi de neuf : Le droit à la parole (qui sous-entend le respect de celui qui la reçoit). L’enfant se construit au sein du groupe avec ce postulat. L’enseignant est garant de cette parole sans pour autant la contrôler.

Ce droit à la parole construit la confiance de l’élève vis à vis de l’enseignant.

Les paroles du quoi de neuf qui partent de l’intime peuvent aussi servir de support à des apprentissages pour tous (recherches sur l’otite, les dents de lait…).

Au collège, la personnalité est en jeu, la libre parole n’a pas le même sens : les élèves comprennent que leurs enseignants les fait discuter entre eux sans pour autant instaurer d’aller/retour élèves/enseignants : ils peuvent avoir le sentiment que leur parole n’est pas prise en compte.

Les enseignants de collège préfèrent les prises de parole « argumentation » aux quoi de neuf : ces réflexions permettent de construire le cour à condition de fixer cette parole par écrit, la mémoriser et qu’elle prenne ainsi tout son sens.

2°) Parole d’organisation, de gestion, de coopération.

Présentation du planning de la semaine : Qu’est ce qu’il manque ?
Ce sont les élèves de la classe qui proposent un groupe de besoin en lecture, un groupe d’entraide division à 2 chiffres…

Les élèves sont impliqués dans le choix des activités.

Ils s’entraident, échangent de véritables savoirs.

La parole du maître recadre, encourage.

3°) Parole d’organisation collective : Le Conseil.

Lors de chaque conseil un « donneur de parole » est nommé.
Avant le conseil, l’élève qui désire parler s’inscrit dans une ou plusieurs des 5 colonnes d’un tableau : je propose/je désire/je félicite/je critique.

Le conseil s’articule autour de 4 temps :

a) Les propositions :

Chaque proposition (ex : sortie scolaire, faire des dictées parce qu’on en fait en 6 ème…) est débattu entre élèves.

Il n’y a pas de vérité immuables mais des points de vues différents, voire antagonistes.

Les décisions ne sont pas arbitraires mais s’appuient sur des argumentations solides.

Le maître n’intervient que pour faire l’inventaire des propositions.
Tout ce qui concerne le collectif école est proposé lors de ce temps. Les propositions sont validées par le conseil des maîtres (certaines peuvent ne pas être réalisables) puis sont votées par les élèves.

b) Les critiques : régulation des conflits par le langage.

Le conseil n’est jamais un tribunal. Avant de porter le conflit en conseil, l’élève doit avoir épuisé toutes les autres solutions (messages clairs, recours à un adulte). Avant le conseil, l’élève qui désire parler s’inscrit dans une ou plusieurs des 5 colonnes d’un tableau : je propose/je désire/je félicite/je critique.

c) Les félicitations
Il s’agit de pouvoir exprimer son contentement par rapport à un autre enfant ou par rapport au groupe (sur une activité par exemple)

d) Les désirs :
C’est une proposition mais qui concerne plus l’individu : exemple je désire changer de place, je demande de l’aide,

4°) Parole d’expression et de créativité.

Temps autogéré de présentations sur toute l’école. Les élèves qui le souhaitent présentent leurs créations à ‘ensemble des enfants de l’école : pièce de théâtre, raconter une histoire que l’on a soit même illustrée…etc. Ce temps est ouvert aux parents.

II- Débat

C’était en 2001 : dans le contexte actuel (programmes, réforme des rythmes…), peut on encore mettre en place cette pédagogie, surtout si l’on est seul à le faire dans son école ?

Dans tous les départements il y a des groupes de travail Freinet.
On peut utiliser les 24h de temps de concertation pour travailler en équipe et essayer de monter une équipe de pédagogie alternative.
On peut également détourner les termes flous des programmes en leur redonnant sens pour obtenir l’aval de la hiérarchie.

On peut commencer par mettre en place la parole : nous disposons encore de la liberté pédagogique, les directeurs ne sont pas encore nos supérieurs hiérarchiques. La mise en place de pédagogies alternatives reste possible. (Freinet mais aussi réseau du 3eme type…)
Le fait de se lancer seul dans ce genre de démarche peut attirer la curiosité des collègues et les entraîner à expérimenter d’autres pédagogies.

Certains jeunes collègues s’intéressent aux pédagogies alternatives sans avoir eu accès à la culture politique et à l’idéologie qui va avec. Ils viennent avec le « comment faire » mais sans culture populaire, sans vision de la société. Phénomène d’autant plus accentué que les enseignants sont désormais recrutés après le master qui n’est pas accessible à toutes les classes sociales. De plus les IUFM récupèrent les pratiques alternatives en les vidant de leur sens politique et social.
Il est dangereux de vider les mots clefs des pédagogies alternatives de leur sens et de leur contenu. Ces pédagogies, vues comme des outils plus ou moins efficients comparables à la pédagogie de l’institution, ne sont plus alors vecteurs de transformation sociale, de transformation des pensées.

Autre limite : Quelle valeur a, aux yeux des élèves, la parole libre « Freinet » ?

Certes, ils se rendent compte qu’ils travaillent mieux ensemble que seuls, mais la perspective des « examens », de la « carrière » ne risque-telle pas de replacer l’élève dans une logique individuelle ?

C’est l’expérience d’un autre possible qui prime, même si dans leur parcours scolaire les enfants ne seront pas toujours à même d’exercer leur droit à l’expression. On peut partir du postulat « qu’une graine est plantée »….à eux de la faire germer et à nous de faire en sorte qu’elle puisse fleurir le plus possible.

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