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Comprendre les projets de Blanquer pour mieux les combattre

article paru initialement sur le site du NPA et dans la revue l’Anticapitaliste

Nous devons prendre au sérieux la déclaration de Jean-Michel Blanquer au Parisien (23 février 2019): « Nous voulons redonner une cohérence globale [à l’éducation nationale]. C’est le sens de la transformation en cours et cela va générer tout un processus dans les trois ans à venir. »

Si l’on s’attache d’abord à la méthode, on constate que Blanquer ne cherche pas à faire passer une grande loi d’orientation sur l’école. Au contraire, on assiste à un ensemble disparate de réformes avec de multiples sources (lois, décrets, arrêtés…) dont la multiplicité peut donner le tournis. Cette méthode rend difficile toute tentative de cerner la logique globale des mutations en cours dans l’éducation nationale.

Nous pouvons néanmoins dégager trois axes majeurs. D’abord une modification en profondeur de l’École, pour la faire correspondre aux bouleversements de l’organisation de la production et donc la ventilation des travailleurEs dans les différents secteurs économiques. Entre 1960 et aujourd’hui, la proportion des ouvrierEs dans la population active est passée de 37% à 22%, les agriculteurs de 10% à 1%, tandis que la proportion de cadres (6% à 16%), de professions intermédiaires (14% à 26%) et d’employéEs (20% à 28%) explose. La doctrine Macron cherche à accélérer encore ces mouvements et à les transcrire dans la formation de la jeunesse en France.

Deuxième axe, une transformation en profondeur de l’idéologie française sur l’École comme « ascenseur social », c’est-à-dire une école ouverte à touTEs, où la « méritocratie » permettrait aux jeunes les plus doués d’arriver aux meilleurs postes.

Enfin, il s’agit de mettre en œuvre un plan social dans le secteur public, en particulier dans l’Éducation nationale.

Ces trois axes ont une relation interdépendante entre eux. Les réformes Blanquer en cours sont en grande partie dans la continuité des réformes de ses prédécesseurs, mais il souhaite franchir un saut qualitatif, dans un temps extrêmement réduit.

Rattraper le « retard » français

Contrairement à ce qu’affirme Macron, il est absurde de croire que la septième puissance économique mondiale peut devenir une « start-up nation », c’est-à-dire faire reposer l’ensemble de son économie sur des auto-entrepreneurs précaires (essentiellement dans le secteur du service)… et sur les ventes d’armes. Il est cependant certain que, du point de vue néo-libéral, la France a un retard conséquent sur ses partenaires mondiaux concernant le travail. De multiples réformes sont en cours, tant sur le type de contrats (pour les rendre de plus en plus précaires) que sur le temps de travail et sur les retraites. Bien sûr, il ne s’agit pas simplement de « rattraper le retard », mais aussi de « dépasser » les autres puissances européennes. C’est pour cela que les réformes Blanquer vont plus loin que celles qui ont eu lieu en Italie (2015), dans l’État espagnol (2013) ou (il y a plus longtemps) en Allemagne ou au Royaume-Uni.

En 1996, le CNPF (ancêtre du Medef) annonçait que la répartition des contrats devait se décliner en un tiers d’emplois stables (type CDI) pour les travailleurEs pleinement qualifiés, un tiers de CDD précaires (pour les salariéEs spécialisés, en fonction de la demande du patronat) et un tiers de micro-entreprises ou entreprises individuelles (dans les services). Il s’agit d’arriver à diminuer le coût (global) de la main-d’œuvre, en optimisant les coûts de formation.
Dans cette optique, il n’est pas surprenant que la loi « sur l’école de la confiance » (loi Blanquer), votée par l’Assemblée nationale le 20 février 2019, prévoie la mise en place de trois types d’écoles élémentaires distinctes. En plus des écoles habituelles, sont mises en place d’une part des écoles internationales, où l’entrée sera soumise à une sélection sur « les aptitudes à suivre les enseignements dans la langue étrangère » et d’autre part des écoles des savoirs fondamentaux où l’objectif est que chaque jeune sache « lire, écrire, compter, respecter autrui. »

Bien entendu, chaque type d’école n’a pas la même finalité. Les écoles internationales regroupent école, collège et lycée et visent au bac international ou européen. Tandis que les écoles des savoirs fondamentaux regroupent école et collège et n’ont pas d’objectif en termes de diplôme.
Or, en France, la ségrégation sociale se combine avec une ségrégation spatiale, il suffira donc de vivre au mauvais endroit (par exemple, la Seine-Saint-Denis, le Mirail à Toulouse ou les quartiers Nord de Marseille) pour voir son avenir scolaire fortement assombri.

Une sélection dès 14 ans

Second étage de la fusée Blanquer : le lycée. Trois réformes sont en cours : d’abord une réforme du lycée professionnel, ensuite une réforme du lycée général et technologique et enfin une réforme du baccalauréat.

La réforme des lycées professionnels s’inscrit pleinement dans l’objectif de diminuer les coûts de formation (pour les entreprises et pour l’État). Aujourd’hui, les formations professionnelles sont données en formation initiale (globalement en lycée professionnel) ou en alternance (généralement dans les centres de formation d’apprentis – CFA, sous la tutelle des chambres de commerce régionales). Un des objectifs de la réforme est d’avoir des « publics mixtes », des jeunes en formation initiale et des apprentis, dans les mêmes classes. Cela entraine une diminution « des coûts » (du nombre de professeurEs nécessaire).

Si l’apprentissage est un vieux cheval de bataille des gouvernements, on constate que depuis 20 ans, le nombre total d’apprentis augmente grâce aux formations en apprentissage après le bac[Lire [DARES, Résultats n°57, septembre 2017.]]. L’apprentissage en CAP et bac pro permet de maintenir une main-d’œuvre à faible coût (essentiellement subventionnée par l’État).

Deuxième objectif de cette réforme du lycée pro : diminuer les temps d’enseignements. Car la baisse du temps de formation théorique fait baisser mécaniquement la valeur du diplôme et donc le coût de la main-d’œuvre à l’embauche. Là encore, le ministre ne renonce pas à un fort niveau de qualification et spécialisation. Il cherche à ce que cela ne soit pas corrélé à des connaissances suffisantes pour défendre collectivement ou individuellement la valeur de la force de travail contre le patronat.

Les réformes du lycée et des baccalauréats généraux et technologiques s’inscrivent quant à eux dans une rupture assumée entre, d’une part, l’ensemble école-collège (les savoirs fondamentaux) et, d’autre part, l’ensemble lycée-licence (bac-3/bac+3). Si l’orientation-sélection s’effectue dès l’année de seconde, ce n’est pas pour laisser plus de liberté aux élèves comme l’affirme Blanquer. Mais exactement le contraire : il s’agit de créer un délit d’initié, où l’emploi potentiel de chaque jeune est déterminé par les options et spécialités qu’il ou elle aura choisies à 14 ans.

Le baccalauréat n’est plus qu’une étape vers le bac+3, et il est donc logique qu’il soit un bac local (quasiment toutes les épreuves sont choisies par les professeurEs de l’établissement et passées au cours des années de première et terminale), dont la valeur n’est déterminée que par le nom et la ville du lycée (c’est à ce titre le seul élément distinctif présent dans ParcourSup, en dehors des notes et commentaires des enseignants). Cela ne fait que renforcer ce qui existait déjà : un bac passé à Henri IV à Paris n’a pas la même valeur qu’un bac passé en Seine-Saint-Denis ou dans les quartiers Nord de Marseille. Blanquer rend cet état de fait légal, en ajoutant l’individualisation des parcours. Le diplôme n’aura donc plus aucune valeur collective. La sélection individuelle à l’entrée du supérieur (que ParcourSup a mise en place) apparaît alors comme une nécessité structurelle : plus aucun élève ne suit exactement les mêmes études, comment savoir si un jeune pourra suivre une formation supérieure ? Au-delà des études, il est alors cohérent que l’employeur ait un droit de regard sur le contenu de la formation individualisée pour déterminer le salaire de l’employéE.

Enfin, dernier étage de la fusée, l’augmentation des frais d’inscription à l’université. Pour l’instant cette réforme ne touche « que » les jeunes non-français, mais il paraît évident que cela se généralisera à touTEs les étudiantEs dans les années à venir. Et comme le montrent les études sociologiques[[Lire Collectif Acide, Arrêtons les frais ! Pour un enseignement supérieur gratuit et émancipateur, éditions Raison d’agir, 2015.]], une hausse des frais d’inscription implique un endettement qui « contribue à enfermer de manière précoce les choix scolaires […] et renforce considérablement la relation de subordination vis-à-vis de l’employeur. » Aux États-Unis, où les frais de scolarité ont augmenté de 1 225 % entre  1978 et 2012, 40 millions de salariéEs continuent de rembourser leurs prêts étudiants, dont 34% ont plus de 40 ans et 17% plus de 50 ans…

L’école comme vecteur de la philosophie néo-libérale

Il est erroné de résumer les réformes Blanquer à une série de réformes structurelles. Comme le souligne Barbara Stiegler[Barbara Stiegler, [« On sous-estime l’hégémonie culturelle du néolibéralisme », entretien dans Alternatives économiques n°390, 12 avril 2019.]], « le néolibéralisme est bien plus qu’une théorie économique, ce à quoi on le réduit trop souvent. C’est bien plutôt une théorie politique complète » à visée hégémonique. Cette dernière n’est possible qu’en changeant le contenu et les formes de l’éducation pour obtenir une adhésion globale, ou à défaut une soumission de l’ensemble des acteurEs.

L’objectif des réformes actuelles[Jean-Michel Blanquer, [conférence de presse, « Ensemble pour l’École de la confiance : année scolaire 2018-2019», 29 août 2019.]] est de « porter chacun au plus haut de son talent et de son mérite. » Il ne s’agit pas que développer des filières élitistes tout en dénonçant les « territoires perdus de la République »[Emmanuel Brenner (dir.), les Territoires perdus de la République, éditions Mille et une nuits, 2002. Cet essai était au cœurs des politiques éducatives de Sarkozy.]] où il serait impossible d’enseigner. Au contraire, il est indispensable que chaque jeune se retrouve à l’école, dans un parcours qui lui est spécifique. Les élèves « décrocheurEs » pourront s’engager dans un service national universel[[Lire « [SNU : les habits neufs de l’embrigadement », Questions de classe, 24 avril 2019,]], « sur la base du volontariat, entre 16 et 25 ans ».

Il faut donc que l’école repère le(s) talent(s) dès le plus jeune âge. C’est pourquoi le ministre insiste sur l’importance des neurosciences (comme outils de détection) et met en place des classes à petits effectifs au plus jeune âge (pour faciliter la détection des talents). Dans le même temps, le ministère cherche à imposer une méthode unique « pour enseigner la lecture et l’écriture au CP », sous forme d’un petit livre orange destiné à touTEs les professeurEs des écoles. Comme le fait remarquer Dominque Bucheton[Dominque Bucheton, « [Instructions Blanquer : un texte politique », le Café pédagogique, le 3 mai 2018, ]], « devant [la] diversité des modes de penser, de parler, de ressentir de chacun, quel scientifique sérieux, quel pédagogue responsable oserait affirmer, comme notre ministre, qu’il n’existe qu’une seule et unique méthode pour apprendre à lire à tous les enfants, de France et d’outre-mer ? »

On retrouve ce qui semble être un paradoxe de la pensée néo-libérale. Dans le même temps une injonction à la liberté individuelle et un État très directif, qui empêche l’expression de cette liberté. Mais cette contradiction n’est qu’apparente. On retrouve ici le sens profond de « l’égalité des chances ». Le ministère prétend donner à chaque jeune les moyens « d’] entrer dans le jeu réglé de la compétition aussi bien armé que les autres. »[[B. Stiegler, art.cit.]] Une fois les talents détectés, « le sujet est plus qualitatif que quantitatif. […] Quand on est professeur en 6e le sujet n’est pas de savoir si on a 26 ou 27 élèves mais si les élèves vont savoir lire, écrire compter et respecter autrui. »[[Jean-Michel Blanquer, [audition par la commission de l’éducation du Sénat, cité par le Café pédagogique, 8 novembre 2018]] Le tri est fait, chacunE se retrouvera dans une École adaptée à son mérite. Ça ressemble au Meilleurs des mondes d’Aldous Huxley[[Aldous Huxley, le Meilleur des mondes, 1932.]] : « Le secret du bonheur et de la vertu, aimer ce qu’on est obligé de faire. Tel est le but de tout conditionnement : faire aimer aux gens la destination sociale à laquelle ils ne peuvent échapper. »

L’école : tu l’aimes ou tu la quittes

Dans ce grand chantier, il est essentiel de faire taire toute forme de contestation. L’article 1 de la loi « pour une école de la confiance » insiste sur l’exemplarité des enseignantEs, en les empêchant de critiquer l’institution, notamment sur les réseaux sociaux. Mais force est de constater que l’Éducation nationale n’a pas attendu le vote final de cette loi pour sanctionner à tour de bras. Les manifestations sont fortement réprimées, les cortèges syndicaux sont attaqués par les forces de l’ordre, comme le 1er mai à Paris. Chaque contestation (qu’elle soit individuelle ou collective, effective ou symbolique) est suivie de sanctions. Une enseignante de Dijon a été convoquée devant l’inspection pour un billet de blog contre la réforme Blanquer, en décembre dernier. Des directeurEs d’écoles ont été déplacés « dans l’intérêt du service » (au Havre, à Lodève dans l’Hérault), de même avec des enseignantEs de collège (à Bobigny, à Sombernon, en Bourgogne). Des enseignantEs de Nantes qui ont mis 20/20 sur des bulletins d’élève en seconde ont été rappelés à l’ordre par leur proviseur. Les professeurEs du lycée Lamour à Nîmes ont même été convoqués pour des visio-conférences avec l’inspection générale pour avoir refusé d’organiser un bac blanc…

Ces pratiques autoritaires ne sont pas nouvelles, chaque gouvernement en a usé « pour l’exemple ». Mais, sous Macron, les exemples deviennent légion.
Le but du gouvernement n’est pas seulement de montrer à son électorat qu’il a de la poigne contre ces « fainéants de fonctionnaires ». Il cherche à aller beaucoup plus loin, en cassant non seulement la contestation à la base, mais également toute forme de « dialogue social », c’est-à-dire d’espace de négociation entre l’administration et les fonctionnaires. C’est un des buts du programme du comité action publique 2022 (CAP 22) : faire en sorte qu’il soit presque impossible de contester les décisions prises par les supérieurs hiérarchiques.

Mais au-delà de la volonté de faire entrer les enseignantEs dans la « grande muette », ce sont touTEs les acteurEs de l’Éducation nationale qui sont dans le viseur. L’article 1 de la loi Blanquer précise que « ce lien [de confiance] implique également le respect des élèves et de leur famille à l’égard de l’institution scolaire et de l’ensemble de ses personnels. »

Le désossage du mammouth

Considérer qu’il y a trop d’enseignantEs en France est un marronnier de tous les ministres de l’éducation nationale. Déjà en 1997, Claude Allègre considérait qu’il fallait « dégraisser le mammouth ». Mais aujourd’hui, avec les multiples suppressions de postes depuis 22 ans, on est pleinement dans le désossage du mammouth. Cela s’inscrit dans la prescription de suppression de 120 000 fonctionnaires pendant le quinquennat de Macron, pour arriver à réduire d’autant les dépenses structurelles de l’État.

L’exécutif n’est pas à une contradiction près. Selon les Échos, limiter à 24 élèves toutes les classes de grande section de maternelle, de CP et de CE1, impose la création de 10 000 postes d’enseignantEs. Et pourtant le nombre de postes aux concours de professeur des écoles a baissé de 1055 places entre 2018 et 2019. Et Blanquer affirmait, le 27 avril sur France Info : « Nous ne fermerons pas d’école primaire [… Mais] pour les classes, c’est forcément différent ». Les réformes entrainent sur une diminution des heures d’enseignements en lycée général, technologique et professionnel, et une augmentation du nombre d’élèves par classe. Cela entraine mécaniquement une diminution du nombre d’enseignantEs nécessaire. Le regroupement des structures scolaires, en créant des directions partagées entre plusieurs établissements (à l’image des écoles des savoirs fondamentaux, chapeautées par un collège), permet de créer des effets de structures. « Vous avez 14 élèves par classe en moyenne en Lozère, parfois jusqu’à 27 élèves dans certains départements. Il faut être attentif à une équité territoriale » affirme Blanquer. Et cela se fera en augmentant la productivité des enseignantEs, c’est à dire en dégradant leurs conditions de travail.

Destruction du statut

Deuxième moteur de la réforme de la fonction publique : permettre la gestion locale des établissements. Non seulement une gestion des finances, à l’image des universités depuis 2007 (et la loi de responsabilité des universités), mais aussi la gestion des personnels. En 2016, quinze universités étaient en situation financière très dégradée (difficultés financières avérées, risque d’insoutenabilité à court ou moyen terme), d’après la Cour des comptes. Ce qui entraine des suppressions de postes d’enseignantEs et de chercheurEs. On comprend pourquoi le gouvernement s’entête à créer un statut de directeurE d’école et à permettre le recrutement des enseignantEs par le supérieur hiérarchique direct : il souhaite généraliser cette politique à tous les niveaux.
Cette politique de diminution des « coûts » va de pair avec la volonté d’augmenter la proportion de contractuelEs (qui représentent actuellement 17,3% des agentEs de la fonction publique d’État). Le rapport CAP 22 cherche à favoriser ce type de recrutement et à en finir avec l’emploi à vie des fonctionnaires. La loi Blanquer permet, dans son article 14, de recruter des étudiantEs (en formation pour devenir enseignants).

La gestion locale dans l’espace et dans le temps (recrutement, licenciement, annualisation du temps de travail) n’est possible qu’avec une modification en profondeur du statut de fonctionnaire, ce qu’Hollande avait commencé avec la modernisation des parcours professionnels, des carrières et des rémunérations (PPCR) et une évaluation permanente de l’action publique. C’est un pivot des politiques du nouveau management public[On lira à ce sujet Evelyne Bechtold-Rognon, Pourquoi joindre l’inutile au désagréable ? En finir avec le nouveau management public, les éditions de l’atelier, 2018.]]. Les évaluations ont lieu tout le temps et à tous les niveaux. Blanquer en affirme l’importance en CP et en seconde pour que « chaque enseignant puisse adapter son enseignement aux élèves ». Mais derrière cette façade pédagogique (comme si les enseignantEs avaient besoin de cela pour être des pédagogues), il s’agit en réalité d’outils de contrôle physique et financier des établissements. Au Royaume-Uni, où les résultats des élèves ont une influence sur le budget donné par l’État à chaque école, près de 2300 professeurEs ont encouragé, ou aidé, leurs élèves à tricher[[Léa Polverini, « [Plus d’un millier de profs surpris en train d’aider leurs élèves lors d’examens au Royaume-Uni », Slate.fr, 12 février 2018, citant un article du Sunday Times]] aux examens entre 2012 et 2016. Une réussite pédagogique !

Privatisation

Enfin, dernier moteur des réformes, la privatisation de l’École. Celle-ci touche essentiellement les secteurs de l’éducation faciles à externaliser et potentiellement rentables. Par exemple l’aide à domicile (aux devoirs), où l’entreprise Acadomia dégageait déjà un million d’euros de bénéfices en 2014. ParcourSup et la disparition des conseillers d’orientation-psychologues (devenus psychologues de l’éducation nationale), ont ouvert un nouveau marché : celui de l’orientation scolaire. L’entreprise Futurness, par exemple, propose des stages d’orientation professionnelle de 250 euros à 450 euros pour les collégiens, lycéens et étudiants.

On pouvait s’y attendre, le gouvernement favorise les écoles privées. La scolarisation obligatoire dès trois ans, présente dans la loi Blanquer, obligera les municipalités à financer les entreprises de garderie. Et cela n’est pas étranger à la part belle faite par le ministre à la « pédagogie Montessori », dont Céline Alvarez était le fer de lance il y a quelques années. Comme le remarque Claude Lelièvre[Claude Lelièvre, « [la “bonne pioche” Blanquer invoque l’”esprit Montessori” », billet de blog Mediapart, le 31 juillet 2017]] : « Pourquoi prendre appui sur la mouvance ’’Montessori’’ (pour l’essentiel en établissements privés) plutôt que sur la mouvance ’’Freinet’’ (qui existe bel et bien au sein de l’Education nationale) ? » La réponse est dans la question : une école Montessori rapporte à son propriétaire 600 euros par mois et par élève, sans avoir à donner aucune garantie pédagogique. Dans ces 200 écoles « hors contrat » seules une quinzaine ont signé la charte Montessori internationale[Lire l’enquête : Pauline Pennanec’h et Alexis Morel, « [“On s’est fait avoir” : déçus, des parents retirent leurs enfants d’écoles Montessori », 3 mai 2019]] (qui n’est pas reconnue par l’État).

« Pour que rien ne change, il faut que tout change »

La dernière fois qu’un gouvernement s’est lancé dans un programme aussi rapide de mutation de l’Éducation nationale, c’était lors de « l’ouverture des vannes » des années 1960, où l’objectif de l’époque était d’avoir une main-d’œuvre massivement formée pour répondre aux évolutions industrielles des trente glorieuses.

Au contraire, on assiste aujourd’hui à une « fermeture des vannes », où l’avenir de chaque jeune est essentiellement déterminé par la classe sociale de ses parents. Blanquer est sans doute le premier ministre de l’Éducation nationale qui assume pleinement le retour à l’école de Jules Ferry, c’est à dire une école pour la bourgeoisie (rappelons que seuls 1,8% des garçons d’une classe d’âge avaient leur bac en 1900 et 0% des filles, qui n’avaient pas accès à ce diplôme). L’objectif actuel est d’arriver à dégrader rapidement la valeur de la force de travail de l’ensemble des salariéEs en France, pour maintenir les taux de profits des grandes entreprises françaises.

Au travers de la question de l’école c’est le projet de société dont Macron est le nom qui transparait. Et c’est à ce titre qu’il faut le combattre, par la grève, non seulement face à chacune des attaques que nous subissons, mais aussi en avançant sur notre projet de société et d’école émancipatrice.

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