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Charlie l’espace public

Si je suis Charlie, je continue Charlie. Parce que la seule interprétation qui puisse avoir un sens aujourd’hui est que nous sommes Charlie, comme on l’a vu écrit sur la colonne de la République, pas que nous le suivons. Alors, être Charlie, ça implique quoi, comme comportement, comme actes ?

La tragédie monstrueuse de ce mercredi noir bouscule la République française sur ses valeurs et devrait l’alerter sur ses mensonges. Ses mensonges ou ses aveuglements. Si on s’en prend à la Culture, à la liberté d’expression, c’est peut-être au nom d’une autre Culture, celle du refus de la liberté. Peut-être. Mais peut-être est-il temps ici de lâcher un peu l’autosatisfaction habituelle qui qui fait machinalement réagir en chœur tous les commentateurs comme si la liberté d’expression de la presse était la liberté d’expression de tous.

“La liberté de la presse, le suffrage universel, c’est la pensée de tous, la raison de tous cherchant à guider le pouvoir sur les chemins de la justice et de la vérité.”… Victor Hugo, 11 septembre 1848 (entendu sur France Culture ce matin (8/1 vers 9 h 20)).

La pensée de tous ? La raison de tous ? On en est là ? Qui dans notre belle République, tient le stylo, qui tient le crayon, dans la guerre qui les oppose aux kalachnikovs ?
(Et qui tient les kalachnikovs ?)

La liberté résistera si elle se partage. Les crayons vaincront s’ils se multiplient. Cessons de décourager les enfants et les jeunes d’oser à l’école des paroles divergentes. Cessons de cantonner leur expression au festival “off” de grattage de tables et de graffiti de murs. La langue française et les valeurs qu’elle porte sont notre trésor commun. Elles ont besoin pour vivre et pour grandir encore, de toutes les paroles et de toutes les langues de nos concitoyens.

La liberté d’expression est invincible si elle est l’affaire de tous et non de quelques-uns. “J’ai la chance de pouvoir m’exprimer, dit Cabu, j’en profite”. Sommes-nous bien raisonnables de laisser Cabu et quelques autres défendre seuls, avec leur grand courage et leur immense talent, un bien qui semble nous être si cher ?

Soyons Charlie ! Soyons tous Charlie ! Donnons-nous la liberté d’écrire et de dessiner. Partageons les outils sur la place publique. Organisons des manifs où nous convierons avec insistance les gens des quartiers, les musulmans et les arabes qui se sont mobilisés en masse pour Gaza.

Réunissons-nous sur nos places, envahissons l’espace public, non pour hurler seulement, comme un troupeau de moutons blessés. Mais pour écrire et dessiner, ensemble. Parce que la hiérarchie organisée des talents est un mensonge sur notre humanité. Nos Cabu, nos Bernard Maris, que nous pleurons aujourd’hui sont la quintessence de la partie émergée d’un iceberg : les forces créatrices d’un peuple. Celle sur laquelle se concentre un pouvoir médiatique chargé de maintenir un ordre culturel suffisamment intelligent pour autoriser l’audace de quelques-uns, au prix, on le sait quand on travaille dans une classe, d’un contrôle féroce de la norme acceptable, à la racine, dans l’éducation des enfants.

Soyons Charlie !

1 Comment

  1. Jean-Louis Cordonnier

    Charlie l’espace public
    Je réponds rapidement, entre 2 patients ; ton texte explore très bien cette question que je me pose aussi : “nous sommes tous Charlie, oui, mais comment ?”

    Et il fait écho à une réflexion qui me travaille depuis longtemps : pourquoi nommer nos collèges Jean Moulin, et exiger des collégiens soumission et obéissance ?

    Quels mots, pour expliquer à mon bébé que je pleurais en lisant les info, quels mots pour la guider dans le chemin du libre arbitre ?

    Pauline

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