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Ça suffit !

Mais qu’arrive-t-il à notre ministre avec le français ?
Donc voilà une crise majeure, inédite, qui demande de l’imagination dans ses réponses. Passons sur le bac en contrôle continu et sur la foire qui va en découler. Mais en français, la seule réponse aux inquiétudes quant aux épreuves anticipées c’est, encore une fois, une variation du nombre de textes. C’est un non sens, littéralement. De quoi le maintien de l’oral de l’EAF est-il le nom ? D’un mépris particulier envers les professeur·es de lettres, leur santé, leur travail ? Ou des élèves de première déjà rudement mis à l’épreuve par la réforme et les E3C ? D’une certaine représentation idéologique de notre discipline ? Est ce à dire que le français n’existe que par le bachotage et donc que sans le bac il s’écroule ? Que l’imaginaire pédagogique de certain·es est limité ! Encore un fois le quantitatif plutôt que la réflexion. Encore une fois le contrôle dénombrable plutôt que l’apprentissage de l’autonomie, les bâtons dans les cases plutôt que le retour d’expérience, le gavage plutôt que l’expérimentation (dans le prolongement, sans doute, de cet absurde contrôle des assiduités annoncé alors qu’on ne sait même pas quand s’arrêtera le confinement).
Quid des professeur·es qui ont choisi, en dépit des injonctions stakhanovistes, de prendre le temps d’accompagner les jeunes dans la découverte et la compréhension de ces explications linéaires nouvellement arrivées dans l’épreuve ? Il s’agissait pour les collègues de faire en sorte que l’épreuve ressemble à autre chose qu’à de la pure récitation, que l’étude des œuvres et des textes soient source de plaisir et de compréhension de l’art et du monde.
Certain·es élèves, nous le savons, se retrouvent maintenant avec des descriptifs à six ou sept textes, parce que leurs enseignant·es ont choisi de donner du sens avant de réserver la fin de l’année au bachotage. D’autres n’ont toujours pas bien compris en quoi consistait cette explication, ou la question de grammaire. Que feront-ils/elles s’il n’y a pas de reprise des cours en présentiel avant les épreuves ?
Ça suffit, en fait. L’enseignement du littéraire est essentiel, nous le savons, nous y avons consacré notre vie professionnelle. Mais il passe par l’appropriation, qui occupe une place si infime dans nos programmes, parce qu’on n’explique aux élèves ce que la littérature peut leur apporter que si l’on s’appuie d’abord sur leur expérience propre, comme le collectif Lettres Vives l’a rappelé à plusieurs reprises. Dans le contexte particulier qui est le nôtre, qui a conduit à une fermeture inédite des établissements et à une “continuité pédagogique” dont l’efficacité et l’équité restent à prouver, nous appelons donc à une annulation de l’ensemble de l’épreuve anticipée de français. Nous estimons en effet que les conditions ne sont pas réunies pour que les élèves – tou·tes les élèves – réussissent. Ces élèves ne sont qu’en Première et auront toute l’année prochaine pour valider leur diplôme.
Néanmoins, si l’oral devait être maintenu, il nous paraît indispensable de le réduire à la deuxième partie de l’épreuve : un échange avec le jury sur un livre choisi par l’élève parmi ceux qui ont été lus dans l’année. Croyez-en notre expérience, rien qu’en bavardant quelques minutes avec un·e élève, on sait s’il/elle a suivi et assimilé les cours, ou non.
Nous appelons ensuite, pour construire l’après 2020, à prendre appui sur cette partie de l’épreuve pour reconstruire l’enseignement littéraire, afin que celui-ci soit un moment d’appropriation de textes par les élèves, non de prêche sur ce qu’il faut aimer ou ne pas aimer, sur les écrivain·es qu’il faut étudier et celles et ceux qui ne seraient qu’une littérature de second ordre. Nous défendons un enseignement des œuvres comme un supplément d’expérience, non pas comme un exercice de conformité à l’admiration béate.
Comment ne pense-t-on pas, alors que les élèves sont confronté·es à la pandémie mondiale, à l’angoisse, à la maladie et à la mort, à cette situation étrange où 40% de la population mondiale est confinée, à leur proposer l’expérience littéraire pour construire du sens avec tout ça ?

(Texte rédigé collectivement et signé par le collectif Lettres Vives et par l’AFEF)

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