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Bon lecteur ou bon déchiffreur ?

J’ai écrit ce texte pour L’Humanité et sa rubrique «Débats&Controverses» Méthodes d’enseignement et pratiques culturelles
Comment favoriser l’apprentissage de la lecture ?
Parution le 14 décembre 2017

Depuis la publication des résultats de l’enquête internationale Pirls, tout le monde a quelque chose à dire sur l’apprentissage de la lecture.
Cette étude concerne les élèves de CM1 en lecture et offre un large éventail de leurs compétences (de celles de base à celles de compréhension avancée). Parmi les cinquante pays étudiés, onze se sont améliorés et deux ont régressé dont la France et les Pays-Bas. Les élèves français ont de bons résultats pour les compétences de base, mais échouent pour la compréhension avancée. Ils savent déchiffrer, lire des textes, mais il y a de moins en moins  de « bons lecteurs » : ceux qui peuvent extraire de textes des informations complexes (seulement 1 élève sur 25). Mais pourquoi ?

Le temps d’étude ?
En France, 40 % des heures de cours (20 % en moyenne pour les pays de l’OCDE) sont consacrées à l’étude de la langue. Davantage d’heures consacrées au français, mais dans un temps scolaire journalier, hebdomadaire et annuel d’enseignement particulier. Depuis 2008, la semaine est réduite à 24 heures d’enseignement réparties sur quatre jours. Même si en 2013, la semaine de quatre jours et demi est remise en place, les élèves français n’ont que 162 jours d’école par an (le plus bas des pays de l’OCDE) pour un nombre d’heures de cours plus élevé que la moyenne, soit 864 h. Et le retour à quatre jours en 2018 diminuera encore ce nombre de jours d’école…

Les programmes ?
Beaucoup pensent que les programmes de notre école ne sont pas assez centrés sur les fondamentaux (lire, écrire, compter). Cependant, les enfants de CM1 en 2016 sont entrés à l’école maternelle en 2009 et ont bénéficié des programmes de 2008 qui justement privilégiaient l’empilement, année par année, de couches simples de fondamentaux. Les nouveaux programmes de 2016 décriés par certains n’ont pas encore eu d’effets…

Les méthodes d’apprentissage ?
D’autres pensent que ce sont les méthodes d’apprentissage qui sont responsables de ces résultats, pas assez syllabiques, voire phonétiques. Ces personnes ont-elles bien lu les résultats de cette étude ? Au contraire, ils montrent que les petits Français ont bien les compétences de base : déchiffrement syllabique, lecture et compréhension de textes simples… mais n’ont guère la compréhension fine des textes pour en extraire les informations complexes.
Ce bon résultat dans les compétences de base n’étonne pas, car les méthodes de lecture en France sont en majorité syllabiques depuis très, très longtemps. Leurs textes qui servent de base à l’apprentissage sont « fabriqués » pour contenir les syllabes souhaitées et non pas pour solliciter la réflexion et encore moins le plaisir de lire.

L’environnement de lecture, un absent de l’école
En France, l’apprentissage de la lecture comme celui de toute l’étude de la langue se réduisent souvent à des techniques et à des exercices. L’école ne cherche pas à développer un environnement favorable à la lecture et à son inséparable l’écriture : adultes qui lisent et aiment lire, présence de nombreux livres, narration d’histoires qu’elle soit faite par un adulte ou un enfant, temps nombreux de lecture et d’écriture personnelle, fréquentation des bibliothèques, participation des parents… Tout ce qui procure plaisir et confiance : plus un enfant lit, mieux il lit, donc plus il lit, etc.
Il faudrait des temps et des espaces scolaires qui en tiennent compte, et ceci dans toutes les classes avant et après le CP, car la lecture et la compréhension de textes traversent toutes les disciplines et débordent largement les heures d’étude de la langue, mais les dernières mesures du ministre ne vont pas dans ce sens (développer la méthode syllabique, dictée quotidienne…).

Des enfants ont un bon environnement de lecture dans leur famille, mais beaucoup n’en ont pas. Si l’école continue à ne pas en offrir, elle exclut un grand nombre d’élèves de l’expertise en lecture. Hormis l’élite que le système éducatif cajole, il suffit à l’élève, comme au professeur d’être un bon technicien, pas besoin d’être ingénieur et encore moins chercheur. Une fois adultes, certains pourront lire et comprendre le monde et donc agir sur lui pendant que les autres le déchiffreront pour juste le servir !

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