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Bloquons Blanquer ! Par Théo ROUMIER

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[*Jeudi 18 avril, les personnels de l’éducation d’Île-de-France sont à nouveau appelés à la grève contre la Loi Blanquer. Occupations d’écoles, rassemblements devant les mairies, assemblées générales qui se multiplient, grève des examens mise en débat… Le 9 mai, prochaine journée d’action nationale, toutes les zones seront rentrées. L’occasion de passer à la vitesse supérieure pour bloquer Blanquer.*]

Pour lire ce billet sur le blog Mediapart de Théo Roumier, cliquez ICI.

La Loi Blanquer, dite de « l’école de la confiance », réussit aujourd’hui à faire l’unanimité contre elle. Dans les écoles comme dans les collèges et lycées, auprès des parents d’élèves comme des personnels.

Pourquoi ? Parce qu’elle dessine un projet d’école autoritaire, inégalitaire et élitiste. Son article premier en fait une loi « bâillon ». Tout le monde l’a compris, le ministre Blanquer veut intimider les enseignant·es pour qu’ils et elles cessent de dévoiler et dénoncer publiquement des conditions de travail et d’études de plus en plus sabordées. C’est la méthode « pas de vagues » pleinement assumée institutionnellement.

La création des « Établissements publics des savoirs fondamentaux » se traduira par le remplacement des directeurs et directrices d’écoles par de nouveaux « patrons », les chefs d’établissements de collège, éloignés du terrain et élevés au rang de managers. Fusions d’écoles et fermetures de classe sont étroitement liées à ce remodelage libéral du service public d’éducation : avec la promesse certaine d’inégalité territoriale à la clef.

À cette loi, il faut ajouter les réformes successives de Parcoursup, des lycées professionnels, du lycée : toutes sont profondément inégalitaires. Les quelques hochets pédagogiques brandis ne cachent pas une logique d’austérité budgétaire et la destruction bien réelle d’emplois par milliers.

[**La lutte c’est classe*]

Depuis le 19 mars, où un·e professeur·e des écoles sur deux était en grève, une mobilisation est en train de s’ancrer dans l’éducation : par la grève, les manifestations le week-end (comme celle du 30 mars et celle à venir du 18 mai) et les actions de terrains associant bien souvent les parents d’élèves.

À Nantes, les personnels de l’éducation avaient ouvert la voie depuis le 11 mars en votant une semaine de grève reconductible lors d’une Assemblée générale historique regroupant 460 personnels dont 360 du premier degré !

Car l’autre aspect de cette lutte, inédite depuis 2003, c’est qu’elle retrouve le goût de l’auto-organisation. Les assemblées générales se multiplient, rassemblant parfois des centaines de grévistes. L’ancrage territorial se matérialise par exemple par les rassemblements devant les mairies d’arrondissement à Paris et les nombreuses occupations d’écoles.

« Banderole game » sur les écoles parisiennes, floraison de pancartes, marionnettes géantes, omniprésence de la figure de Kaa, le serpent du livre de la jungle, ridiculisant la « confiance » en Blanquer… l’imagination des personnels et parents mobilisé·es déborde les communications syndicales traditionnelles et c’est très bien !

Sans le balayer, le mouvement recompose aussi à sa façon le calendrier de mobilisation. Rebondissant sur les dates de grève et de manifestation, cherchant à tout articuler, il s’inscrit dans la durée et pourrait bien traverser l’écueil des différentes zones de congés. Si la Zone C, celle de l’Île-de-France termine les cours ce vendredi, la B, celle de Nantes, les reprend mardi. Stylos rouges, syndicalistes de lutte de la CGT, de SUD, de la FSU, personnels mobilisé·es, syndiqué·es ou pas d’ailleurs… toutes et tous compte bien battre le fer tant qu’il est chaud. Jusqu’à la grève des examens s’il le faut.

[**Être solidaires, se coordonner, changer l’école*]

Dans ce contexte, les tentatives d’intimidation commencent à se manifester elles-aussi : le cas des syndicalistes du Collège République de Bobigny menacé·es de sanctions (alors que les dossiers sont littéralement vides !) a été l’occasion de montrer au Rectorat de Créteil comme au ministère qu’il allait falloir compter avec la solidarité. Une tribune de soutien publiée sur Mediapart, des articles parus dans L’Humanité, Le Parisien, Libération, le blocage du collège par les parents d’élèves en soutien aux profs syndicalistes… On ne touchera pas à l’un ou l’une d’entre-nous sans conséquences.

Dans le même département du 93, au Collège Elsa Triolet de Saint-Denis, à l’agression d’une enseignante, les personnels ont répondu en mettant en avant, avant toute chose, les revendications qu’ils et elles défendent depuis des mois voir des années : des heures, des moyens, des créations de poste.

Car c’est de cela qu’il faut repartir : nous n’avons pas besoin de la Loi et des réformes Blanquer. Nous avons besoin de satisfaire concrètement les revendications de terrain des personnels, école par école, établissement par établissement. Le service public d’éducation se défend pied à pied, quotidiennement. À nous de nous organiser dans les semaines à venir pour que ce soient ces revendications qui soient remises au centre.

L’objectif de construire très vite une coordination nationale de l’éducation en découle. C’est aux personnels mobilisé·es, c’est aux premier·es concerné·es eux et elles-mêmes de décider. Et il ne faut avoir peur de rien : les grèves massives des enseignant·es aux États-Unis et en Pologne montrent qu’il est possible de frapper fort et ensemble.

La date du 9 mai prochain, journée nationale d’action de la fonction publique, peut être l’occasion de passer à la vitesse supérieure. Nul doute que les cortèges de l’éducation y seront fournis, unitaires et bariolés de banderoles d’écoles et de bahuts : au-delà du 9 mai, au-delà du 18 mai, même si ce sont des appuis nécessaires, il faut désormais construire le rapport de force partout et tout le temps.

Avec nos revendications concrètes, par nos mobilisations concrètes, nous nous opposerons à l’enfumage de l’école de la « confiance ». Si nous voulons l’école de l’égalité alors elle ne doit pas être indexée sur des « chances », des « mérites » hypothétiques mais sur des droits bien réels assurés à toutes et tous.

Texte publié par Théo Roumier sur son blog Mediapart le 17 avril 2019.
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