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Blanquer : un projet d’extrême-droite pour l’Education nationale

” Jean-Michel Blanquer reprend à son compte nos idées sur l’école. Je ne peux que m’en féliciter.” Cette déclaration de Marine Le Pen, faut-il la minorer, la relativiser, y voir comme une forme de provocation de la part de la leader FN ? Ou bien au contraire, convenir que Blanquer est en train de donner aux thèses de l’extrême-droite une légitimité inespérée ?

« Jean-Michel Blanquer reprend à son compte nos idées sur l’école. Je ne peux que m’en féliciter. C’est une victoire idéologique pour nous, et une défaite des pédagogistes, qui ont fait tant de mal au pays ! » (Marine Le Pen dans le cadre du forum Ecole et Nation, 08/12/2017) Faut-il rajouter quelque chose, minorer, relativiser cette déclaration, y voir comme une forme de provocation de la part de la leader FN ? Ou bien au contraire, convenir que Blanquer est en train de donner aux thèses de l’extrême-droite une légitimité inespérée ?

Le plus simple est encore de se reporter au programme éducatif de Le Pen pour les présidentielles du printemps dernier. On y trouvait, pêle-mêle : l’accent mis sur les rudiments (lire, écrire, compter) enseignés de façon traditionnelle (syllabique, méthodes répétitives etc) au détriment de l’ouverture au monde, la priorité donnée aux grands textes du patrimoine littéraire et aux exercices de grammaire, un enseignement de l’histoire réduit au roman national, une place accrue accordée aux langues anciennes, le rétablissement du redoublement, la multiplication des évaluations et des examens visant à une orientation précoce des élèves, la baisse du nombre des bacheliers, une surveillance accrue des élèves ( recours à l’internat pour les élèves à problèmes, port d’un uniforme scolaire, durcissement d’une laïcité punitive), à tous les niveaux renforcement de la hiérarchie et des pouvoirs de l’administration.

Quelques mois plus tard, on est bien obligé de constater que ce programme, brutalement réactionnaire dans ses objectifs comme dans ses modalités, est déjà largement en cours d’application. Le plus officiellement du monde, avec Blanquer comme maître d’œuvre. Ejectée par la porte aux élections, l’extrême-droite rentre par la fenêtre à l’école avec la nomination à la tête de l’EN d’un haut fonctionnaire brutal et dogmatique, dont, effectivement, Le Pen ne peut que « se féliciter ». Ignorant superbement les acteurs de l’éducation, multipliant les annonces toujours médiatisées, préparées dans le secret du cabinet avant d’être relayées par son administration, trichant sans vergogne sur la réalité de l’état de l’école (entre autres, le hold up sur l’enquête PIRLS relative à la lecture en CM1), menaçant les récalcitrants (plainte au pénal contre un syndicat organisateur d’un stage antiraciste), il avance chaque jour ou presque de nouveaux pions, convaincu de sa toute puissance. Dernières en date (RTL, le Grand jury, 01/12/2017), ses provocations autour de la laïcité et des familles musulmanes. Des provocations qu’on pourrait juger gratuites si elles n’étaient le signe d’un véritable projet politique que le ministre ne se donne même plus la peine de cacher.

Car on peut toujours tenter de minimiser la portée de telles initiatives, se rassurer en prétendant qu’en réalité, Blanquer n’est qu’au milieu du gué. Mais au milieu du gué après simplement sept mois à la tête de l’EN ? Qu’en sera-t-il alors dans quatre ans ? On peut toujours, comme le prétend Brighelli, défendre les options du ministre au nom d’un prétendu bon sens qui n’aurait rien d’extrême-droite. On nage alors en pleine escroquerie : la sélection précoce des élèves, le refus de remettre en cause un système tourné à l’avantage des milieux aisés, la crispation sur le passé et la nostalgie d’un prétendu âge d’or scolaire, la formation civique et morale gangrenée par les références identitaires, la stigmatisation de millions d’élèves rassemblés sous l’étiquette « musulmans », la brutalisation d’un ordre scolaire en prélude à la brutalisation de la société, tout cela n’aurait donc rien à voir l’extrême-droite ?

Et même si personne aujourd’hui, à commencer par Le Pen, ne s’affiche plus d’extrême-droite (on est, au choix, souverainiste, national, patriote, républicain, laïc etc), les contorsions sémantiques ne changent rien à l’affaire : prise au piège de débats politiques et idéologiques, l’école, sous la férule d’un idéologue sans scrupules, est en passe de devenir le terrain d’expérimentation des théories naturelles de l’extrême-droite.

Par habitude, par indifférence, par crainte, mais aussi, pour quelques-uns parce qu’ils adhèrent à cette brutale reprise en main idéologique, le terrain ne s’est guère manifesté. Reste à savoir si cette abstention est définitive ou pas.

1 Comment

  1. Anonyme

    Blanquer : un projet d’extrême-droite pour l’Education nationale
    D’accord : la politique ministérielle actuelle est profondément réactionnaire. C’est par exemple ce qui fait que des membres des « Républicains » se disent que, quand même, ce gouvernement, ce n’est pas si mal.
    Pour ce qui est de l’opinion, on sait que plaisent coups de menton autoritaires (plus de portable, scrogneugneu… enfin, on va essayer) et promesses-gadgets (« des chorales partout »). Mais qu’est-ce qui fait que les enseignants, sans adhérer, restent cois ?

    On peut suggérer plusieurs raisons :

    • le retour à la semaine de quatre jours, c’est une réponse à une revendication largement partagée dans le premier degré ; tant pis si les spécialistes disent que c’est mauvais pour les enfants, en tant qu’élèves et en tant que personnes, et d’abord pour les enfants des classes populaires, « on a regagné notre mercredi » ; Sarko, expert en démagogie, avait déjà fait le coup en supprimant le samedi, malgré une protestation syndicale unanime (je rigole).

    • La fin de la réforme du collège : retour aux classes bi-langues, « réhabilitation » du latin et du grec (des splendeurs comme toutes les langues soit dit en passant, mais des instruments d’entre-soi dans les faits), et assoupissement des travaux interdisciplinaires. « On a bien fait de manifester » : si Najat Vallaud-Belkacem n’avit rien voulu entendre, voilà maintenant un ministre compréhensif !

    • Le redoublement de nouveau promu : soulagement de tous ceux qui y tiennent mordicus, ignorant la pratique des pays comparables et toutes les études sur le sujet ; et s’il est vrai que la pure et simple suppression, en dehors de ses raisons budgétaires, ne résoud rien pour les élèves en difficulté, le « retour à » non plus.

    Tout cela est plutôt triste, et ces « stop-and-go » en matière d’éducation, qui sont une caractéristique nationale, sont à l’opposé des remodelages en profondeur que nous souhaiterions : des valeurs égalitaires vécues, des pratiques coopératives en classe, des collectifs d’enseignants par-delà les divisions premier-second degré, un vrai lien avec les parents « les plus éloignés de l’école »… Inutile de développer ici, ce site et la revue N’Autre école s’en chargent de façon à la fois thématique et actualisée .

    Il nous reste à persister au quotidien, loin des démagogies politiciennes ou autres.

    Jean-Pierre Fournier

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