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Argumentaire contre la réouverture des écoles

A faire valoir en conseil des maîtres

1. Le Conseil Scientifique s’est clairement prononcé pour une réouverture en septembre. Actant de la « décision politique » de réouverture en mai, il a rédigé, sous la contrainte, un protocole volontairement inapplicable, offrant ainsi aux équipes un outil pour contester la réouverture des écoles, et aux personnels un outil pour faire valoir, le cas échéant, son droit de retrait.
2. L’argument consistant à dire qu’il faut retourner à l’école au nom de l’égalité car les élèves les plus fragiles n’ont pas bénéficié de cours depuis 2 mois se heurte à cette double réalité : le temps réel d’école en fonction de la taille des groupes sera au maximum de 10 jours jusqu’à la fin de l’année ; le temps effectif de classe sera réduit à peu de chose considérant tout le temps consacré à l’apprentissage et au respect des gestes barrière (rappelons qu’à chaque fois qu’un élève ne respecte pas un geste barrière il doit se laver les mains sous la surveillance et la responsabilité de l’enseignant).
3. L’école après le 11 mai sera un environnement anxiogène, à rebours de ce que les élèves connaissent de l’école (tout ce qui est habituellement valorisé sera désormais interdits et dangereux). Dans ces conditions, comment assurer la sécurité psychoaffective des élèves ? Il y a un vrai risque de développer chez certain une peur, voire un dégoût de l’école ce qui serait contreproductif. Il semble que dans la plupart des cas, les élèves soient plus en sécurité psychoaffective à la maison.
4. La question de la contagion entre enfants est sujette au respect des distances et gestes barrière, mais la question de la contamination des adultes est également épineuse : se pose la question du nombre et de la qualité des masques fournis (si les élèves n’ont pas de masque, seul le masque FFP2 protège réellement les personnels), ainsi que la question de la circulation des personnels dans les temps de pause (récréation, déjeuner…) et les espaces collectifs (salle des maître, parking voiture, parking vélo, …) ainsi que l’utilisation du matériel collectif (frigo, micro-onde, photocopieuse, ordinateur)
5. Les enseignants doivent s’assurer que l’espace où ils accueillent leurs élèves est bien désinfecté (salle de classe mais aussi couloir, sanitaires…) car leur responsabilité est engagée : comment l’enseignant saura-t-il si ces espaces et ce matériel ont bien été désinfectés, et ce à chaque moment de la journée où il doit les utiliser avec ses élèves ?
6. S’opposer à la réouverture en tant qu’enseignants (qui avons notre salaire plus ou moins maintenu depuis 2 mois et des droits liés à notre statut de fonctionnaire), c’est libérer les parents de la pression exercée par leur employeur d’envoyer leur enfant à l’école pour retourner au travail.
7. La question de la responsabilité individuelle est cruciale et doit être connue de tous : en cas de contamination d’un élève, on peut être poursuivi au pénal (cas dans lequel l’Etat ne se substitue pas au fonctionnaire). Certes nous avons une obligation de moyens et non de résultat, mais de nombreux témoignages d’enseignants ayant gardé les enfants de soignants concordent à nous alerter : il est impossible de faire respecter tous les protocoles sanitaires, on ne peut pas tout voir, on est démuni face aux défauts d’inhibition des enfants.
8. Tous les collègues ne sont pas jeunes et en bonne santé : refuser d’ouvrir les écoles c’est aussi protéger les collègues plus âgés et fragiles, ainsi que ceux pour qui il est beaucoup plus difficile de refuser au regard de leur statut (comme les AVS, les ATSEM, les agents municipaux…)
9. Il est particulièrement parlant que des syndicats de directeurs, de chefs d’établissement (cf. communiqué ID-FO) et même de DASEN (cf. communiqué du SIA) aient communiqué sur le fait que l’ouverture des écoles n’était pas souhaitable ni envisageable.
10. Nous avons tous dépensé beaucoup de temps et d’énergie pour mettre en place, avec nos seuls moyens personnels, des contenus pédagogiques à distance adapté à notre pédagogie, à notre progression, à nos élèves et au contexte matériel et sociologique de leurs familles. Dans le cas où nous serions contraints d’être présents sur les écoles alors qu’une majorité de nos élèves restent à leur domicile, ce fragile équilibre serait rompu et nos familles n’auraient d’autre choix que de se rabattre sur des propositions de contenus pédagogiques standardisés et pas forcément adapté. Ce qui engendrerait le décrochage en masse de ces élèves et une rupture du lien de confiance établi avec leur enseignant. Par ailleurs, demander à des enseignants de prendre en charge la continuité pédagogique d’élèves et de familles qu’ils ne connaissent pas paraît tout aussi contre-productif.

En conséquence, je propose que le conseil des maîtres adopte une motion adressée à notre hiérarchie qui liste tous les éléments rendant impossible, dangereuse et contre-productive la réouverture de l’école, et qui renvoie notre hiérarchie à sa responsabilité directe.

Par ailleurs, j’insiste sur le fait que c’est à l’IEN de fournir une organisation, comme le rappelle de nombreux syndicats. Ce n’est ni au directeur, ni aux équipes de fournir un protocole qui serait ensuite validé par l’IEN. Sinon c’est la responsabilité du directeur et des enseignants qui serait engagée. C’est pourquoi je refuse d’être à l’initiative d’un tel protocole sur l’école et refuserai de l’adopter et de le signer.

[/Un professeur des écoles/]

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