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À l’école de la confiance… dans la force du collectif !

Je ne sais pas ce qu’est un événement historique, je ne suis pas historien. Mais là, sous nos yeux, l’air de rien, la loi sur l’école de la “confiance” est en train de mettre à bas une vieille et belle idée. Ça s’est appelé instruction publique, éducation nationale, plus récemment d’autres, comme Grégory Chambat et Alain Chevarin, ont proposé le joli nom d’école du commun. C’est l’idée que tout enfant vivant sur le sol du pays, où que ce soit, et quels que soient ses moyens, aura, quoi qu’il arrive, accès à une école qui lui donnera les moyens de son autonomie. Parce que la liberté d’un peuple se mesure à l’autonomie des individus qui le constituent, et que cette liberté est une condition nécessaire de la paix civile.

De modestes personnes, telles Condorcet, Hugo, Jaurès, Jean Zay, des praticiens comme Freinet ont patiemment construit cette conviction. Cette idée ne s’est jamais complètement réalisée, le combat est rude, les forces hostiles puissantes, du bonapartisme à l’utilitarisme économique en passant par l’hydre nationaliste. Mais là elle s’effondre sous nos yeux.

Dès que les décrets d’application de cette loi seront signés, l’école deviendra un produit, avec des offres “à la carte” nées d’études de marché, des clients plus ou moins bien informés qui choisiront des produits (les formations, les écoles), une politique de l’offre, déjà à l’œuvre, devenue la logique : concevoir, préparer puis promouvoir le “produit” – c’est déjà ce qu’on me demande de faire avec les enseignements de spécialité en lycée.

Ceci se passe dans un étrange silence, seuls les gens concernés, comme le Café Pédagogique, Claude Lelièvre, Philippe Meirieu, d’autres encore essaient de sonner l’alarme, presque piteusement tant ils ne sont pas entendus. À titre personnel, cette loi est une blessure, je suis devenu professeur pour défendre cette belle idée. Alors, tant qu’on me laissera faire, je mettrai tous les grains de sable possible dans ces rouages-là.

Mais j’ai peur, les forces obscures sont si puissantes. Heureusement, comme je n’adhère pas une seconde au mythe rabhien du colibri, j’espère que je ne serai pas seul. Merci déjà à Questions de classe(s), Lettres Vives, des syndicats, des associations professionnelles de déployer des univers qui veulent bien de mon énergie. Chers collègues, chers parents, chers élèves, je vous en supplie, rejoignez des collectifs, pas forcément les mêmes que moi, mais travaillons ensemble, il en va de l’école, donc du monde.

Mathieu Billière

1 Comment

  1. Thierry FLAMMANT

    À l’école de la confiance… dans la force du collectif !
    D’accord avec Mathieu sur le fond. Ce qui est intéressant, c’est le retour de cette belle expression d’instruction publique. Cela fait des décennies que les différents gouvernements se sont acharnés à la détruire non sans l’aide de mouvements et d’organisations syndicales dont on aurait attendu d’autres positions politiques (quoique…). On peut effectivement penser que Macron est en train d’achever l’école publique et laïque : école-caserne et enseignants au garde-à-vous apparaissent comme la volonté autoritaire d’un pouvoir monarchique de casser l’oeuvre de ceux dont Mathieu a rappelé les noms. Les historiens de l’école – les sérieux et rigoureux je veux dire – dateront probablement le point de départ de cette destruction de 1959 (loi cléricale de Debré) puis du début des années 1980 (suivez mon regard). Oui l’école d’avant ces dates était loin de nous satisfaire mais ses fondements étaient républicains et même démocratiques (du moins pouvions-nous nous en réclamer). Combien de nos parents, de nos élèves en ont profité ? Combien d’enfants pauvres ou de classes sociales plus que modestes se sont émancipés et sont devenus autonomes grâce au savoir de cette école ? Des historiens comme Ernest Labrousse, Pierre Goubert et Albert Soboul (fils d’artisans), Fernand Braudel et Jean Maitron (fils d’instituteurs), des poètes comme Guillevic (fils de marin) et Eugène Bizeau (vigneron), des écrivains comme Henry Poulaille (fils de charpentier), des peintres comme Fernand Léger (fils d’éleveur) et Gaston Chaissac (fils de cordonnier), des ethnologues comme Claude Lévi-Strauss (fils de portraitiste) et Georges Balandier (fils de cheminot), des sociologues comme Pierre Bourdieu (fils d’ouvrier agricole)… Toutes les enquêtes montrent le rôle omnipotent de l’argent dans la réussite scolaire des élèves, rôle de plus en plus évident associé aux politiques scolaires anti-pauvres.
    L’achèvement est proche mais il faudra bien un jour faire l’inventaire de tout ce qui l’a préparé sous couvert d’innovations préconisées par l’Europe, la hiérarchie et de tous ceux qui l’ont accompagné.

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