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La méthode globale

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La suite de notre publication estivale de quelques-unes des chroniques revigorantes de Véronique Decker.
N’oubliez pas de commander et lire son dernier recueil,
L’école du peuple.




arton1065-d1120-3.gif L’école du peuple
Véronique Decker
Collection N’Autre École / Q2C n° 9
Libertalia, 124 p., juin 2017
Prix : 10 € + 2,84€ de frais de port





La méthode globale

Au Moyen-Age, lorsque la peste menaçait aux portes des villes, on brûlait quelques juifs : si cela ne permettait pas de guérir, au moins cela défoulait du stress de l’arrivée de la maladie.

Aujourd’hui, alors que la crise économique broie les salariés, que les flux financiers échappent à tout contrôle social, il reste la « méthode globale » qui permet de se détendre en accusant tour à tour les pédagogues, les fonctionnaires, les maîtresses de CP de pratiquer une « méthode » qui créerait à elle seule la dyslexie, l’autisme, et la destruction de la savane par les hordes de sauterelles.

Sauf que personne n’est capable de désigner une seule maîtresse de CP qui n’étudie pas les sons. Personne n’est capable de montrer un enfant de six ans qui entrerait en CP sans savoir globalement comment s’écrivent plusieurs mots : le prénom et des mots courants comme papa, maman, Noël, Mc Donald’s.

Donc, tous les enfants regardent le monde qui les entoure et ce monde est couvert d’écrits. Il faudrait qu’ils n’en retiennent rien ?

Toutes les maîtresses, les bonnes maîtresses de CP, savent qu’il faut à la fois comprendre les syllabes et apprendre à écrire globalement les mots car beaucoup de mots imposent de les savoir par coeur, tant leur orthographe ne suit pas les règles simples de la syllabique.

Qu’est-ce qu’il y a aujourd’hui ?

A quoi sert cette interminable querelle de méthode (interminable, car elle a commencé au lendemain de la Première Guerre mondiale, on est donc en train de passer le siècle !) ? A quoi ? A rien. Mais à qui ?

Elle sert à désigner les fonctionnaires comme des ennemis malfaisants, l’école publique comme une machine à broyer les enfants, et à transformer ce qui était un service public partagé en un gigantesque marché devant lequel des multinationales se pourlèchent déjà les babines.

Mais en attendant, il faut que les enfants répètent que E + N font « EN », comme dans « chien » ? Que O + U font « OU » comme dans clown, que « B + A » font BA, comme dans banc ?

Lire, ce n’est pas qu’associer des syllabes, c’est aussi apprendre toutes les règles de l’écrit.

Un jour, mon fils aîné qui était en CP révisait sa lecture du jour dans sa chambre. Et j’entendais un drôle de bruit. Il devait encore lire à voix haute, associer des syllabes pour ânonner, et relier ensuite pour comprendre, c’est souvent comme cela en début de CP. Là, il faisait le v. Son maître lui avait appris que ENT, à la fin du mot, il ne fallait pas le lire, probablement dans une phrase dont le verbe était au pluriel. Mais là, le vent supposait que E+N fasse EN.

Je sais, tout le monde a dans sa famille un enfant qui a eu du mal à apprendre à lire en CP, et qui s’est « décoincé » avec une autre méthode, un orthophoniste, l’aide de sa tante Adèle, et peut-être seulement une attention particulière. Alors tout le monde accuse la maîtresse, le manuel, les pédagogues et les méthodes modernes. Trop simple. La réalité de tout ce qu’un enfant doit mettre en oeuvre pour parvenir à lire et à comprendre est tellement complexe qu’on ne peut jamais accuser un seul facteur, surtout lorsqu’il est imaginaire.

Je reste toujours surprise par le nombre de didacticiens et d’agrégés qui se penchent sur « l’échec scolaire en CP », alors que le niveau de classe qui élimine le plus d’élèves c’est la première année d’université. S’ils veulent lutter contre l’échec scolaire, qu’ils commencent par réfléchir à la réforme de l’enseignement en première année de médecine, qui laisse plus de la moitié des étudiants sur le carreau.

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