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SOS éducation : ultralibéral, anti-syndical et anti-pédago

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Un article des Inrocks nous signale que l’entretien du nouveau ministre Jean-Michel Blanquer accordé à la très droitière association SOS éducation a étrangement disparu de leur site après la nomination officielle du ministre… L’occasion de reposter ici l’article de 2011 sur cette association…

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Plus que les thèses défendues, qui sont bien celles de la nébuleuse « réac-publicaine » [1] (idolâtrie pour la méthode syllabique, rétablissement d’un concours d’entrée en sixième, haine du pédagogisme, dénonciation du « lobby homosexuel » et/ou marxiste à l’école, anti-syndicalisme, etc.) SOS éducation se caractérise avant tout par ses méthodes de communication et d’embrigadement et son double recrutement, visant tout autant les parents (et grands-parents) que les personnels. À l’origine du mouvement, Vincent Laarman, qui s’était présenté comme un jeune père de famille « scandalisé par l’in­efficacité de l’école publique » – en réalité, c’est un des correspondants de l’organisation américaine The Separation of School and State Alliance [2].

Anti-pédago et anti-syndical

L’association aime mettre en avant son réseau de 80 000 « membres donateurs » et revendique 220 000 sympathisants. Une audience construite à coup de campagnes marketing agressives (on se souvient des appels à la délation des enseignants n’utilisant pas la syllabique). Le premier « fait d’arme », remonte à l’été 2007, quand l’Ifop rend public un sondage sur « la mise en place du service minimum dans l’Éducation » commandé par l’association. Un mois plus tard, Darcos reprend l’idée lors de sa conférence de rentrée. Car l’action de SOS éducation, c’est aussi un lobbying virulent auprès des élus et du ministère (elle prétend avoir été reçue rue de Grenelle, photo à l’appui, avec ce commentaire : « Vincent Laarman et Xavier Darcos : la voix des parents enfin entendue par l’Éducation nationale. ») [3]
Bien sûr, cet activisme sous forme de mailings a un coût prodigieux, tout comme la rémunération de quatorze permanents dans les spacieux locaux du XIII e arrondissement « à deux pas des lieux de pouvoir ». Car, faute de relais dans les établissements, SOS éducation multiplie les campagnes contre des manuels scolaires « non-conformes », les pétitions – lors d’agressions d’enseignants mais surtout contre les grèves dans l’éducation –, les « référendums », sans jamais oublier, tout en bas des envois, l’appel au don… Elle achète des fichiers, notamment sur le site « personnes-aisées » : « Nous avons besoin d’adresses de femmes de 60 ans et plus, grands-mères, ayant au moins deux petits-enfants toujours scolarisés et donatrices à une cause enfant. » La pétition reste l’arme de prédilection : chaque grève, chaque prof agressé est l’occasion de recueillir des milliers de signatures en dénonçant la violence scolaire. Il y eut aussi la pétition de soutien à Darcos contre les désobéisseurs… La stratégie de l’association est de surfer sur le développement d’un discours réactionnaire, relayé par la droite [4] mais aussi par une floraison d’ouvrages catastrophistes sur l’école et de mouvements réac-publicains anti-pédagogiques.
Recyclage

Un refrain que l’association recycle pour l’intégrer au projet d’un réseau d’associations Anti-État et anti-service public, ultraconservateur sur le plan des valeurs, regroupées autour de Liberté chérie [5] avec les Cercles libéraux, Sauvegarde Retraite et Contribuables associés, tous classés à la droite de la droite et inspirés des néoconservateurs américains.

Au niveau des idées défendues, derrière les campagnes de circonstance et les déclarations ambiguës, le mouvement affiche aussi ses véritables intentions : « Cela a toujours été un projet délibéré, de la part des socialistes révolutionnaires, de s’emparer de l’école pour combattre pied à pied l’influence éducative des familles. » En promouvant le fameux chèque éducatif, inventé dans le Chili de Pinochet, SOS éducation vise donc la disparition de l’EN. Ainsi, selon Vincent Laarman, il n’y a d’espoir que « si l’Éducation nationale se trouve menacée dans sa survie par la concurrence d’un grand secteur éducatif libre ».

« Individu par individu, SOS Éducation, patiemment, se construit donc l’image d’une présence au sein du système éducatif. Elle commence à citer les noms d’adhérents enseignants et qui “assument” », conclut le journaliste Luc Cédelle au terme d’une longue enquête publiée sur son blog [6]. Il s’interroge aussi sur cette alliance réussie et cohérente entre l’ultra-libéralisme et l’anti-pédagogisme. Ce que les pourfendeurs « de gauche » des pédagogies actives ont toujours fait mine d’igno­rer dans leur combat « anti-libéral » pour « sauver les lettres » ou « sauver l’école »… ■

(G. Chambat)
POUR ALLER PLUS LOIN

L’enquête en 5 parties de Luc Cédelle, journaliste au Monde, sur son blog

► Un décryptage de SOS éducation, avec de nombreux liens, sur le site Écoles différentes

► Différentes articles de presse : Libération : (ici et ici), Le Monde, Médiapart, Le Nouvel Obs.

Notes

[1] 1 Il est assez croustillant de relever que le mouvement anti-pédagogique Sauver les Lettres ait tenu à se dissocier absolument de SOS Éducation, tout en accusant cette association « de voler sur nos propres sites Internet des informations et des analyses qu’ils sont bien incapables de produire eux-mêmes et qu’ils déforment pour les adapter à leur mauvaise cause ».

[2] 2 Alliance pour la séparation de l’école et de l’État.

[3] 3 « Or l’association, en tant que telle, n’a jamais rencontré Xavier Darcos. La photo a été prise fin novembre lors d’un petit-déjeuner du Club Concorde, un think-tank fondé par Jérôme Monod. Rendez-vous fut bien pris avec deux membres du cabinet du ministre délégué à l’Enseignement scolaire, mais pas avec ce dernier. L’un d’eux se souvient avoir reçu des représentants de SOS Éducation le 14 janvier : “Je me suis fait traiter de gauchiste pour la première fois de ma vie ! Ils m’ont insulté pendant une heure, m’ont accusé d’être un collabo des syndicats.” Deux mois plus tard, le même conseiller a la surprise de recevoir un courrier très cordial faisant état “de l’accueil et de l’intérêt [qu’il a] manifesté pour SOS éducation.” », « SOS éducation : L’association dissimule ses liens avec les officines ultralibérales », Airelle Niepce et Emmanuel Davidenkoff, Libération, mardi 1er avril 2003.

[4] 4 SOS éducation qui dénonce l’école publique liée à l’État, demande et met en avant le soutien de 144 personnalités politiques. Mais l’association oublie de préciser, qu’à une ou deux exceptions elles sont toutes à droite et pour beaucoup de sa frange la plus réactionnaire et raciste, la « droite populaire ».

[5] 5 Liberté chérie était l’organisatrice de la contre-manifestation lors du mouvement sur la réforme des retraites de 2003

[6] 6 « L’ultra-vérité sur SOS éducation », enquête en cinq parties de Luc Cédelle, publiée sur son blog « Interro écrite ». On trouve sur le web, en cherchant un peu, beaucoup de renseignements précieux sur cette association.

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