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Sous la haine de la pédagogie, celle de l’égalité

Nous relayons la tribune signée Laurence de Cock (collectif Aggiornamento Histoire-géo) et Grégory Chambat (collectif Q2C) publiée dans le journal Le Monde le 20 octobre 2016. « Une nébuleuse nostalgique d’un ordre scolaire ancien étend son influence sans qu’on s’en alarme » La charge du retour à l’ordre dans l’école est telle, à la veille de l’élection présidentielle, que les militants de la justice sociale doivent passer à l’offensive. En cette rentrée, le débat sur l’éducation est plus que jamais enkysté par les appels au retour à l’ordre moral, à l’autorité et à « l’identité nationale ». Mesures simplistes (port de l’uniforme ou salut au drapeau) et offensives idéologiques (sur le « roman national » ou contre l’enseignement des questions de genre) sont relayées en « une » des magazines ou dans des pamphlets hargneux livrant les prétendus « pédagogistes » à la vindicte populaire. Sous des aspects plus ou moins folkloriques, c’est la nostalgie d’une école de la ségrégation sociale, du chacun à sa place et de l’entre-soi qui avance masquée. Car ces discours sur le « bon vieux temps » participent d’une offensive réactionnaire qui vise en réalité l’égalité et la démocratie, à l’école et au-delà. La perspective de la présidentielle alimente cette course à la surenchère « décliniste ». La présidente du Front national (FN), Marine Le Pen, ne s’y est pas trompée, consacrant sa première « convention présidentielle » à la question scolaire pour « capitaliser » sur les discours « antipédagogistes » et tenir sa revanche sur « l’esprit de 68 ». Depuis trente ans, les déplorations sur le naufrage de l’école, annonciateur de l’effondrement de la « civilisation », sont à la fois le socle de la stratégie de reconquête de l’hégémonie culturelle par les droites extrêmes et l’assise idéologique d’un courant national-républicain. Nouvelle chasse aux sorcières « Ayatollahs de la pédagogie », « Khmers rouges », « nouveaux Mao », « barbares », « assassins de l’école », « pédagogiches » ou « pédabobos » : la « guerre civile des mots » des « antipédagogistes » ne semble plus souffrir de limites. Du complot des « forces obscures » de Jean-Claude Milner – l’inventeur du fumeux concept de « pédagogisme » (De l’école, Seuil, 1984) – à la campagne de promotion du livre de Carole Barjon (Mais qui sont les assassins de l’école ?, Robert Laffont, 234 p., 18 euros) inspirée des avis de recherche de criminels, il y a une permanence dans le confusionnisme. Désormais, quiconque veut écrire sur l’école peut se passer de toute rigueur d’analyse ou d’enquête de terrain. Cette nouvelle chasse aux sorcières concerne toutes celles et tous ceux qui, par leurs pratiques au quotidien et par leurs engagements, ne se satisfont pas de l’école telle qu’elle est – trop inégalitaire, ségrégative et conservatrice. Sociologues, pédagogues, historiens sont les empêcheurs de « régresser en paix », de réformer à reculons de l’histoire, du social, de la justice, de l’égalité. N’hésitant plus à convoquer les « éléments de langage » forgés par la matrice néodroitière, cette nébuleuse, nostalgique d’un ordre scolaire – et social – ancien, étend son influence sans qu’on s’en alarme. Assauts répétés Car c’est autour de l’école que se nouent ces alliances : par un meeting commun en septembre 2015 pour le député (Debout la France) de l’Essonne, Nicolas Dupont-Aignan et l’ancien ministre Jean-Pierre Chevènement, applaudis par le représentant de SOS Education et l’entrepreneur Charles Beigbeder ; lorsque Jean-Paul Brighelli, l’auteur de La Fabrique du crétin (Folio, 2006), salue le programme éducatif du FN (septembre 2015) d’abord, et accepte d’intervenir à l’université d’été du parti frontiste ensuite (septembre 2016). Tout récemment, c’est Alain Finkielkraut qui se met à faire l’éloge des écoles privées hors contrat, avant de se reprendre in extremis (« Répliques », du 8 octobre), sachant que ces dernières sont aujourd’hui pour beaucoup chapeautées par la Fondation pour l’école, proche des traditionalistes et de La Manif pour tous. Pour son retour dans la rue, le mouvement contre le mariage homosexuel élargit d’ailleurs son combat aux questions éducatives. On en vient à se demander qui sont alors les dangereux fossoyeurs de l’école publique… On nous rétorquera que non, le récent succès de librairie de Céline Alvarez, Les Lois naturelles de l’enfant (Les Arènes, 464 p., 22 euros), prônant la rencontre des neurosciences et de la méthode Montessori, prouve la résistance de la pédagogie à ces assauts répétés. Nébuleuse « réac-publicaine » S’il n’est nullement question de comparer cette expérience aux plumitifs confortablement isolés du terrain qu’ils fustigent, il n’en reste pas moins que ce livre est aussi une attaque en règle de l’école publique et de ses enseignants, comme en témoigne sa promotion sur le dos du travail ordinaire et invisible de milliers de professeurs des écoles. La démarche est donc faussement généreuse et porte en creux le même anathème que les hérauts de l’« antipédagogisme » : ringardiser le service public, le travail enseignant et la perspective de justice sociale portée par la pédagogie. Trop longtemps, les militantes et les militants pour une autre école se sont contentés de hausser les épaules et de ne pas répondre à ces éructations délirantes. Résultat, petit à petit, cette nébuleuse « réac-publicaine » et ses supplétifs néolibéraux s’arrogent le monopole de la contestation de l’institution scolaire… et renvoient leurs adversaires à la seule posture « défensive » de l’institution. Pour nous, au contraire, l’heure est à l’offensive, non seulement contre les tentations et les tentatives réactionnaires mais aussi contre les injustices sociales du système et ses impasses. La crédibilité de nos luttes et de nos pratiques pédagogiques est à ce prix. Pour une « pédagogie critique » Parce que, à la différence des éditocrates et des pamphlétaires de l’« antipédagogisme », nous vivons au jour le jour la réalité des établissements scolaires ; parce que nous nous battons, avec nos syndicats, nos collectifs, pour des conditions de travail et d’enseignement à la hauteur des enjeux, parce que nous sommes les témoins des effets destructeurs de la crise économique et sociale sur les élèves et leurs familles, nous savons que la question éducative est d’abord et avant tout une question sociale. Nous savons qu’une école émancipatrice ne se construit pas sur le repli identitaire, sur la légitimation des inégalités ni sur le dressage ou le câblage des corps, des cerveaux et des esprits. Mais nous savons aussi, après cinq années de refondation de l’école, sans perspective sociale et égalitaire, que ce n’est pas « d’en haut » que viendront les transformations de l’école. A l’instrumentalisation de la pédagogie par les gestionnaires du système au service du libéralisme triomphant, nous répondons par une « pédagogie critique » qui s’efforce, au jour le jour, de construire les outils dont pourront se saisir nos élèves pour s’émanciper individuellement et collectivement. A la différence des nostalgiques de l’école d’hier, nous ne réduisons pas nos ambitions éducatives au « b.a.-ba » de l’instruction minimale, comme au temps de Jules Ferry. Lire, écrire, compter, oui ; mais aussi penser, s’exprimer, créer… « Révolutionner » l’enseignement Le niveau de démocratie d’un système ne se mesure pas au nombre de dominés à qui l’on accorde le privilège de rejoindre le camp des dominants. Une école démocratique et émancipatrice doit se fixer comme horizon la capacité de permettre à chacun et chacune de transformer le monde pour le rendre plus juste et plus vivable. Il y a tout juste cinquante ans disparaissait Célestin Freinet, en butte à la haine des réactionnaires et de l’extrême droite d’alors. Nous nous revendiquons toujours de son héritage, celui d’un engagement militant, dans et hors de la classe, contre « l’école, fille et servante du capitalisme ». Son projet éducatif et politique est aussi le nôtre – non plus « développer, améliorer, réformer l’enseignement, [mais] le révolutionner ». Il reste toujours en chantier et met plus que jamais en rage les tenants de l’ordre établi. C’est bon signe, continuons ! Laurence De Cock a notamment codirigé avec Emmanuelle Picard « La Fabrique scolaire de l’histoire » (Agone, 2009). Elle est membre du collectif Aggiornamento histoire-géographie. Grégory Chambat est l’auteur de « L’Ecole des réac-publicains. La pédagogie noire du FN et des néoconservateurs » (Libertalia, 264 p., 10 €) et coresponsable, avec Catherine Chabrun, de « Célestin Freinet, le maître insurgé. Articles et éditoriaux, 1920-1939 » (Libertalia, 190 p., 10 €). Il enseigne en collège à Mantes-la-Ville (Yvelines).

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8 Comments

  1. Roche Pierre

    Sous la haine de la pédagogie, celle de l’égalité
    Excellent article qui lie questions scolaire et sociale et définit une ligne progressiste pour l’action.
    Mais si on peut comprendre l’éloge de C.Freinet on ne doit pas restreindre le mouvement en le réduisant à l’ICEM.

  2. Anonyme

    Sous la haine de la pédagogie, celle de l’égalité
    Je termine à l’instant le livre de Céline Alvarez. Parler de ce livre comme étant aussi une attaque en règle de l’école publique et de ses enseignants ne me semble pas représentatif de ce que je viens de découvrir. Cette personne est, à mes yeux, une pédagogue qui, comme Freinet à son époque, a le mérite de décrire ses pratiques, en les mettant en lien avec ses valeurs et ses références théoriques. Ainsi est-elle une vraie pédagogue. Qui peut bien sûr nous plaire ou pas, nous inspirer ou pas.

    Ce sont justement de tels ouvrages qui nous manquent, pour voir comment aujourd’hui des enseignants tentent de prendre en compte des recherches actuelles sur l’apprentissage et le développement de l’enfant. Comme l’avait fait Freinet en son temps! Et comme d’autres continuent à le faire ! Ce qui m’étonne dans votre approche de son travail est de faire croire qu’elle est contre les enseignants alors qu’elle me semble, au contraire, faire exactement le contraire. Elle les qualifie comme étant au contraire les experts, elle les voit comme un levier déterminant pour relever une institution qui ne va pas si bien que cela. Elle plaide pour un soutien des enseignants pour, dit-elle, que nous ne perdions pas ce que nous avons de plus cher, leur force et leur enthousiasme. Je ne comprends pas, ce passage de votre article, par ailleurs auquel j’adhère.

    • Bernard Collot

      Sous la haine de la pédagogie, celle de l’égalité
      La comparaison avec Freinet est pour le moins curieuse ! Si j’avais une comparaison à faire je le ferais plutôt avec Rachel Boutonnet (faisait partie du trio avec Le Bris, Brighelli) qui, il n’y a pas si longtemps, occupait aussi les médias : deux ans d’école (donc seulement deux ans de pratiques), et hop ! elle déverse sa vérité.

      Je préfère évidemment que ce soit C. Alvarez qui ait du succès plutôt qu’une Rachel Boutonnet. Mais pour toutes les deux c’est le phénomène médiatique que l’on dénonce par ailleurs. Il ne faut pas s’étonner que ceux qui, eux, n’ont jamais quitté le “terrain” soient quelque peu dubitatifs !

    • Denis Tanghe

      Sous la haine de la pédagogie, celle de l’égalité
      L’article ne déplore pas, je crois, l’existence de ce livre ( et des pratiques innovantes qu’il décrit ), mais plutôt l’utilisation qui en est faite politiquement (et donc dans les médias ): le parcours de cette vraie pédagogue comme la preuve que l’institution refuse de changer ( puisque Céline Alvarez, semble-t-il peu suivie & soutenue lorsqu’elle était sur le terrain, a eu maille à poursuivre l’aventure plus avant).
      Toutes les bonnes idées sont/seraient à prendre. Elles mettent simplement du temps à faire leur chemin dans l’esprit des gens. Quant à l’action et/ou l’écho dans les pratiques sur le terrain, ils suivent un temps malheureusement plus lent encore…

  3. Emmanuel Duchier

    Sous la haine de la pédagogie, celle de l’égalité
    Juste pour info, dans un département où le FN n’est pas si fort, ils ont eu l’idée sournoise de bombarder un prof d’histoire géographie- M Lecaillon qui sévit au lycée Lachenal à Argonay près d’Annecy, comme secrétaire départemental du FN.
    Ce sinistre personnage tracte occasionnellement avec le bloc identitaire et a organisé ce matin un rassemblement contre l’accueil de migrants venant de Calais en Haute Savoie.
    Heureusement, les militants humanistes de la tolérance et de la solidarité se sont trouvés plus nombreux qu’eux même si les FHaineux locaux avaient fait appel à tout le ban et l’arrière ban de ce que compte la région de racistes, nostalgiques de la France coloniale ou encore de l’état français ainsi que des militants réactionnaires qui n’ont pour obsession que l’ordre et la pureté la France.
    Le plus inquiétant n’est pas à ce jour leur nombre mais bien le fait qu’ils ne se cachent plus comme le dit si bien l’article.
    Et comme ils trouvent un écho médiatique, et bien leurs idées s’installent et se répandent.
    Il est grand temps que les progressistes reprennent le devant de la scène.

  4. Nicolas

    Sous la haine de la pédagogie, celle de l’égalité
    Si ma directrice pouvait cesser de m’envoyer votre verbiage indigeste, j’en serais heureux et même très heureux. Une collègue, exigeante envers ses élèves – oui je sais, c’est une insulte, c’est de la ségrégation sociale, me confiait il y a peu : les mails question de classe ? Je vois Question de classe, je supprime directement…

    On peut être pour l’école exigeante et contre la folie du collège unique en 2016 et ne pas avoir sa carte au front national.
    Et je vais vous faire un aveu : un ami et collègue, anciennement à la CNT et élu communiste (toujours) me confiait qu’il mettrait ses propres enfants dans un collège privé à partir de la sixième tellement l’enseignement dans ses collèges de secteur était devenu mauvais.
    Je pense que les ayatollahs de l’égalitarisme, ceux qui rédigent ici leur prose pédagogiste, sont presque aussi dangereux que l’extrême droite qu’ils prétendent pourtant combattre et contre laquelle je suis aussi.

    Moi aussi dorénavant, je vois “Questions de classes”, je supprime directement.
    Salut.

  5. Philippe

    Sous la haine de la pédagogie, celle de l’égalité
    Cet article se résume à amalgamer anti-pédagogisme et réacs et ne pas définir les termes pour caricaturer les positions de ceux qui ne se retrouvent ni dans l’école réactionnaire, ni dans le pédagogisme, les premiers étant élitistes, les seconds égalitaires. L’alternative est réductrice.
    Et les concepts d'”ordre”, d'”autorité”, d'”égalité” semblent aller de soi pour les auteurs de cet article.
    Il ne s’agit pas d’être nostalgique de l’école du passé, qui procédait à une sélection et un compétition, mêlant violence physique et psychologique. Mais il ne faut pas non plus courir après tous les lièvres du pédagogisme, qui, malgré une bonne intention, n’en est pas moins aussi élitiste que l’ancienne.
    L’ordre n’est pas nécessairement “nouveau”, l’autorité n’est pas autoritarisme. Il serait judicieux de lire ce qu’écrit Hannah Arendt dans “La crise de la culture”.

  6. anne-marie Doly

    Sous la haine de la pédagogie, celle de l’égalité
    Cet article fait en effet beaucoup d’amalgames (la pédagogie n’est pas un bien en soi et sa valeur dépend notamment des fins auxquelles elles est promise et/ou utilisées) et de confusions (l’autorité n’est pas le pouvoir ni l’autoritarisme, relisons en effet H Arendt qui met en cause, entre autres, la perte d’autorité, çàd de sens et de valeurs des actes humains et choix politiques et sociaux, dans l’émergence du totalitarisme) qui cachent la vraie question.

    Quelle est la volonté politique qui utilise (je ne veux pas croire à une “volonté mauvaise” des pédagogues… dont je suis !) les pédagogies et la recherche -voire certains chercheurs- en éducation, pour les mettre en oeuvre dans les réformes de droite et de gauche -puisqu’elles vont toutes dans le même sens depuis 2005 en particulier)? Réponse: Une volonté politique néolibérale qui vise à adapter l’école et les élèves à la demande socio-économique du monde actuel.
    Pourquoi par exemple les compétences plutôt que des connaissances en guise d’objectifs depuis le rapport Télot (+Dubet = Mr. “Smic culturel” pour diminuer l’échec scolaire) mis en place par Fillon .. et tous ceux qui ont suivi ? Pour rendre les élèves, non pas émancipés, mais employables et flexibles, capables de manager de leur propre travail, les préparer à travailler en équipe, selon des projets décidés en commun, co-évalués, et pilotés par les résultats, etc.
    Relisons pour comprendre cette dérive libérale de l’école et des pédagogies qui les ont soutenues les analyses de C. Laval & Al. (“l’école n’est pas une entreprise”, “La grande mutation”, “la nouvelle école capitaliste”). Peut-on continuer à se préoccuper de rechercher plus “d’efficacité” pédagogique sans se demander à quelle fin ? Il s’avère que depuis 20 à 30 ans, cette recherche est utilisée (mais comment peut elle ne pas le savoir?) pour faire glisser l’école républicaine émancipatrice vers une école libérale socialisante et adaptatrice. L’école républicaine était en effet destinée à ouvrir les esprits à ce qui est la marque de l’humanité en l’homme que Platon appelait le “dialogue de l’âme avec elle-même” qui deviendra ensuite la conscience dont la liberté est le 1er objet d’enseignement pour Jaurès. En quoi est-il réactionnaire de vouloir une école qui “élève” les enfants à une liberté de conscience ( le rendant ainsi indépendant “du père, du prêtre, et du maître d’école” comme disait Hugo) ? Car c’est cela le principe humaniste de l’école publique. Alors que l’école réelle, celle de Ferry et de tous ceux qui ont suivi (qui ont fait pire que l’école à deux vitesses) n’ait pas réussi, ou du moins pas complètement (elle a quand même alphabétiser un peuple) c’est d’accord. Mais cela vaut-il que l’on éradique le principe émancipateur pour le remplacer par une volonté d’adaptation çàd d’aliénation. Et notons que ni l’échec scolaire, ni les inégalités n’ont régressé d’un iota depuis les années 90, et qu’on cesse de dire que rien n’a changé dans les classes : “constructivisme” et “pédagogie active” liés au “débat” s’y sont largement instillés sinon installés, surtout et le plus souvent sans en comprendre les prémisses et les fondements, ce qui aboutit à ce que J-Y Rochex nomme une “convivialité vide” .
    La question est alors de bien savoir ce qui dans l’acte d’enseigner forme à la pensée critique (que tout le monde dit viser) qui est une pensée qui d’abord “se” critique, qui est capable de revenir sur elle-même pour examiner ses propres raisonnements, fondements et limites : ce n’est certainement pas la pédagogie à elle seule qui, sans les connaissances rationnelles qui portent en elles et développent “l’ordre de leurs raisons”, est vide, et de plus, place l’enfant sous la seule et entière dépendance du maître devenu une personne comme une autre (puisqu’il n’est plus là pour transmettre les connaissances qui font son autorité et fonde son pouvoir).

    Par contre, que la pédagogie soit clairement au service des connaissances qui forment en même temps la raison et le socle de notre culture, alors oui, et que vive une telle recherche. Je ne suis pas sure que ce soit l’orientation actuelle majoritaire des pédagogies innovantes et des recherches en éducation. Pourquoi en effet aucun laboratoire de recherche ni aucune association pédagogique ne s’élève contre les diverses réformes, de l’école et du collège (qui livrent l’école à l’économie de marché), de la formation des enseignants devenue peau de chagrin ? Je ne suis pas favorable à ces mises en cause ad hominem qui sont davantage un effet journalistique qu’une véritable analyse. Et je ne suis pas non plus du tout favorable à un règlement de compte de “la” pédagogie qui a toujours un relent totalitaire : le choix de moyens pédagogiques est indispensable à la transmission des connaissances (encore faut-il qu’il y ait bien “choix”). Mais à l’inverse, une école ou une pédagogie qui renonce à transmettre les connaissances organisée de façon rationnelle en discipline au profit de modalités pédagogiques qui auraient leur fin en elles-mêmes, livre ses enfants au monde comme il va., et il n’et pas en train de progresser pas en humanité !
    Mais ce rejet d’un journalisme en quête de sensationnel, ne doit cependant pas nous interdire l’examen critique des pédagogies qui, qu’elles l’aient voulu ou non (et certaines l’ont en effet voulu), depuis les années 80 et plus particulièrement avec l’accélération de l’école des compétences” (terme issu de travaux de la recherche pédagogique) et de l’efficacité des années 2000 ont participé du glissement néolibéral de l’école républicaine. On peut vouloir ce glissement, ostensiblement, (comme certains candidats aidés par certains pédagogues ) mais on a pas le droit de le laisser s’installer dans un consensus mou et coupable.

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