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Adresse à certains intellectuels, journalistes, romanciers et à toutes celles et tous ceux qui croient connaître les jeunes des quartiers populaires

Nous relayons ici cette tribune – signée par certains membres du collectif Q2C –

Adresse à certains intellectuels, journalistes, romanciers et à toutes celles et tous ceux qui croient connaître les jeunes des quartiers populaires

Ceci est un texte collectif qui émane du collectif Aggiornamento. La mouture initiale est de Hayat el Kaaouachi. Il a été ensuite soumis à signatures de façon plus large.

Contact : hypotheses.aggio(at)gmail.com

Mesdames, Messieurs,

Ceci est une invitation. Une proposition des plus honnêtes.

Entre vous et nous, les désaccords peuvent être nombreux, radicalement ancrés dans des conceptions bien différentes de la France et de la République. Ce qui vous inquiète et vous hérisse nous interroge parfois sans nous faire douter de la légitimité de notre travail, de nos combats, de la société dans laquelle nous vivons. Nous n’avons pas votre rapport pathologique à la jeunesse de France. Nous refusons d’en faire avec vous un portrait caricatural qui rassure vos postures sociales. Votre vue vacillante et triste de notre pays, nous la refusons, préférant œuvrer au quotidien à l’éducation de tous pour des lendemains qui chantent.

Entre vous et nous, les mots s’écharpent tant le fossé peut être profond. Mais nous défendons tous la parole libre et le débat. Nous sommes attachés, vous comme nous, à la confrontation des idées, aussi rude soit-elle. Les joutes verbales à l’écrit comme à l’oral avec la portée incandescente du numérique et des réseaux sociaux nourrissent les gnoses et les polémiques sans fin appréciées par la médiasphère. Pourtant, derrière les éclats de voix et les échanges de mots, les réalités nombreuses, plurielles et complexes ne sont pas toujours restituées fidèlement. Aux nombreux cas particuliers brandis ici ou là par des chroniqueurs, intervenants divers de la scène intellectuelle et médiatique, nous gardons, ne vous en déplaise, l’avantage du nombre, du terrain et du quotidien qui seuls, selon les méthodes des sciences sociales, peuvent avec précision et rigueur fonder la véracité des propos pour rendre compte d’une vérité sociale et politique mouvante.

Nous vous proposons de partager cette expérience. Par souci d’honnêteté intellectuelle.

Loin de nous l’idée de vous faire la leçon ou de vous convertir. Voyez plutôt cela comme une rare opportunité de palper cet objet fantasmé qui vous fait tant peur et que vous croyez connaître. Venez dans nos établissements des quartiers populaires, venez dans nos classes sur les bancs de nos élèves. Voyez comme ils écoutent et parlent, voyez comme ils pensent. Il ne s’agira pas pour vous d’une visite au zoo, il ne s’agira pas pour eux de vous séduire. Nous vous proposons une rencontre, un échange d’au moins une journée. Prenez le temps de vous asseoir face à eux et de leur dire directement ce que vous pensez d’eux. Comme ils vous déroutent, comme ils vous inquiètent, comme ils vous sont étrangers. Ayez le courage de leur faire face, de répondre à l’indignation, à la colère, au désintérêt de ces enfants et adolescents de la France des marges. Vous pourrez leur demander directement pourquoi ils sont si peu reconnaissants envers la République. Vous les verrez vous rendre vos sourires gênés et vos piques verbales, votre profond mépris.

Mais vous serez dans la vraie vie. Celle du chômage, des discriminations, de la rue, du délabrement urbain, de la débrouille, et de toutes ces réussites joyeuses que bien souvent vous négligez. Vous dépasserez ainsi les dénonciations stériles, les débats caricaturaux de l’entre-soi.

Nous serons là aussi. Enseignants de collèges et de lycées ZEP, REP ou sensibles. Nous vous montrerons cet indéniable dynamisme démographique, sportif, culturel, artistique des quartiers. Pour ceux qui y travaillent les yeux bien ouverts et sans y faire œuvre de missionnaire, il y a cette évidence folle et parfois brusque d’une énergie à voir et à entendre, à accompagner. Cet optimisme que nous avons, vous préférez toujours y voir du déni, voire de l’angélisme. Mais nous ne nions pas certaines difficultés. Nous les voyons et avons longtemps été les premiers à en appeler aux politiques et intellectuels pour défendre l’Ecole pour tous avec force et moyens. Nos mots (maux) ont rarement suscité autant d’intérêt qu’aujourd’hui où l’Ecole sert de paravent aux politiques de gauche comme de droite, et nos revendications de terrain ont la plupart du temps été résumées à « plus de moyens » pour des gens « souvent en vacances ».

Or, jour après jour, nous sommes témoins de ces plaies, de ces failles qui aspirent certains, de ces absences et démissions nombreuses d’une République plus centrale que périphérique. Nous enseignons la liberté, l’égalité en précisant aux élèves qu’il s’agit de valeurs à défendre en continu alors même que par endroits elles restent à créer. Nous répondons à leurs critiques légitimes, à leur scepticisme, à leur amertume qui isolent et altèrent irrémédiablement le corps social. Et nous gérons notre schizophrénie, celle de ceux qui transmettent un message que la rue contredit.

Toutes ces tensions qui chez vous n’appellent que la condamnation, la sentence bien-pensante, nous les inscrivons dans la réalité, une histoire nationale chargée pas toujours assumée et une complexité du monde. Nous entendons les cris stridents d’une petite minorité de jeunes mais nous voyons aussi la générosité, l’envie, l’humour et la curiosité du plus grand nombre. A chaque heure de cours, malgré la fatigue et les aléas. Malgré les intrusions de messages médiatiques et politiques qui dénigrent notre travail ou renvoient une image terne ou dégradée de nos élèves. Car ce que nous construisons sur la durée, sur des mois et des années, vous pouvez le salir, l’ébranler en quelques minutes, à coup de mots maladroits ou volontairement blessants. En cela, vous avez votre part de responsabilité dans le fossé qui se creuse entre la République et une partie de sa jeunesse.

Mesdames, Messieurs, les jeunes des quartiers populaires méritent mieux que vos discours lointains, ils méritent qu’on leur parle en face. Nous les voyons évoluer, nous suivons ces esprits jeunes qui, quoiqu’on en dise, dans la contestation, le silence, l’engagement ou même la colère, sont ici bien chez eux et ne se voient vivre nulle part ailleurs.

Votre République, notre République, c’est la leur. Et au vu de nos âges respectifs, reconnaissons qu’ils en sont davantage l’avenir que nous, quelle que puisse être notre postérité. Ainsi, comme tous les habitants de ce pays, ils peuvent aimer ou non la République, la croire sur parole ou lui rappeler ses tromperies, ce n’est pas un délit. C’est le début d’une vie commune. Venez donc vivre cette vie. Entendez, voyez, dialoguez, répondez, partagez vos lumières. Rendez concret ce vivre ensemble que vous croyez voir faillir dans les quartiers populaires, alors que plus que n’importe où ailleurs en France, s’y côtoient, s’y mélangent, s’y nourrissent, s’y moquent et s’y entraident des histoires venues de tous les continents.

Les signataires de cette invitation enseignent toutes et tous dans les quartiers populaires. À l’image d’une grande part des élites intellectuelles et médiatiques que vous représentez, ils ou elles travaillent en majorité près de Paris. Nous espérons que vous n’en trouverez que plus de facilités à honorer l’invitation qui vous est ici faite en choisissant dans la liste suivante celui de leurs établissements qui vous conviendra le mieux [1], au gré de vos résidences et de vos déplacements :

Contacts : hypotheses.aggio(at)gmail.com

Centre-Val de Loire (Loir et Cher)

Collège Michel Bégon à Blois (Jean-Charles Buttier)

Île de France (Paris)

Collège Bernard Palissy à Paris, 10e (Anne Doustaly)

Lycée Rabelais à Paris, 18e (Olivier Le Trocquer)

Île de France (Seine et Marne)

Lycée Van Dongen à Lagny Sur Marne (Elisabeth Hervouet)

Lycée Malraux, Montereau-Fault-Yonne ( Eric Bonargent)

Île de France (Yvelines)

Lycée Van Gogh à Aubergenville (Maryse Broustail)

Lycée Saint Exupéry à Mantes-la-Jolie (Nathalie Coste)

Collège de la Vaucouleurs à Mantes-la-Ville (Grégory Chambat, enseignant en classe d’accueil pour élèves non-francophones)

Collège Blaise Pascal à Plaisir (Pauline Comte-Bellot)

Île de France ( Essonne)

Collège Louise Michel, Corbeil-Essonne ( Marie Flavian, Sidonie Vidal)

Lycée Jean-Baptiste Corot, Savigny Sur Orge (Philippe Watrelot)

Île de France (Hauts de Seine)

Collège Léonard de Vinci à Chatenay-Malabry (Vanessa Lebrun)

Lycée Joliot-Curie à Nanterre (Laurence De Cock, Vanessa Mercier et Claire Vidallet)

Île de France (Seine-Saint-Denis)

Collège-lycée Henri Wallon à Aubervilliers (Hayat El Kaaouachi, Aude Van Kerckhove, Emmanuel Paul, David Waldman)

Lycée Le Corbusier à Aubervilliers ( Maxime Sassier)

Collège René Descartes au Blanc-Mesnil (Damien Besnard)

Collège République, Bobigny (Sabine Pesier)

Microlycée au Bourget, structure publique de rescolarisation pour élèves décrocheurs (Vincent Casanova)

Lycée Alfred Nobel à Clichy-sous-Bois (Viviane Vicente, ESPE de Créteil)

Lycée E. Delacroix, Drancy (Maud Pesier, Fanny Taillandier, Emmanuelle Gross, Juliette Carré, Laura schmitt)

Lycée Jacques Feyder, Epinay-sur-Seine ( Sylvain Lesage)

Collège Raymond Poincaré à La Courneuve (Samuel Marcillet)

Lycée W.A. Mozart, Le Blanc-Mesnil (Gerri Ferrara, Luc Colpart)

Collège Pablo Picasso à Montfermeil (Grégory Bekhtari)

Collège Paul Eluard à Montreuil (Amandine Cormier et Véronique Servat)

Lycée Condorcet, Montreuil (Camille Bertrand)

Lycée Evariste Galois à Noisy-Le-Grand (Défendin Détard)

Lycée Paul Éluard à Saint-Denis (Sabrina Camoreyt, Fanny Capel, Claude Matz et Servane Marzin)

College F.G. Lorca, Saint-Denis (Cecile Cornut-Gentille, Peggy Lecaudé, Barbara Zauli)

Collège Jean-Jaurès à Saint-Ouen (Nathalie Grégoire)

Collège La Pléiade, Sevran (Diego Segalas)

Lycée Maurice Utrillo à Stains (Laetitia Benbassat, Clémentine Besnardeau, Sylvain Jean, et Clarisse Guiraud)

Lycée Voillaume à Aulnay sous Bois (Pauline Bourmaud Danto)

Île de France (Val de Marne)

Lycée Maximilien Perret à Alfortville (Simon Grivet)

Lycée professionnel Gabriel Péri à Champigny sur Marne (Julien Sergère)

Lycée Léon Blum à Créteil (Axel Berra-Vescio)

Collège Francine Fromond à Fresnes (Christophe Naudin)

Collège Romain Rolland, Ivry sur Seine ( Florent Merlet)

Île de France (Val d’Oise)

Lycée Galilée à Cergy-Pontoise (Valérie Philippeau)

Lycées de la nouvelle chance et Kastler à Cergy-Pontoise (Georges Caron)

Nord-Pas-de-Calais (Pas-de-Calais)

Collège Jean Rostand à Sains-en-Gohelle (Gabriel Kleszewski)

Pays de la Loire (Mayenne)

Collège Alain Gerbault à Laval (Christine Pau)

Provence-Alpes-Côte d’Azur (Bouches du Rhône)

Lycée Diderot à Marseille (Philippe Olivera)

Rhône-Alpes (Rhône)

Collège Henri Longchambon à Lyon (Isabelle Bourdier-Porhel)

Collège Jean Mermoz à Lyon (Murielle Favre)

Lycée Albert Camus, Firminy (Mohamed Choual)

Seine maritime :

Collège Édouard Branly, grand quevilly (Caroline Tambareau)

Avec le soutien de :

Joëlle Alazard, lycée Faidherbe, Lille (a enseigné huit ans en zone sensible)

Ludivine Bantigny, Université de Rouen

Mickaël Bertrand, lycée Anna Judic à Semur-en-Auxois, 21

Pascal Boniface, IRIS

Christophe Cailleaux, lycée Jean-Marc Boivin, Chevigny-Saint-Sauveur, 21

Vincent Capdepuy, Lycée Ambroise Vollard, Saint-Pierre, La Réunion.

Suzanne Citron, enseignante, retraitée

Matthieu CLÉMENT, Lycée Evariste de Parny, Saint Paul, La Réunion

Cécile Cluzeau, lycée sud des landes, Saint Vincent de Tyrosse, 40

Laurent Colantonio, université de Poitiers

Edouard Colin, lycée Charles De Gaulle, Londres

Patricia Combarel -Collège Albert Camus – Gaillac – Tarn

Olivier Coquard, lycée Henri IV, CPGE

Catherine Coquery-Vidrovitch, université Paris 7

Emmanuel Couanault, lycée Brizeux Quimper, 29

Géraldine Duboz, Collège du Plateau. Lavans-lès-Saint-Claude

Audrey Estermann, Collège M. Curie, Sceaux 92

Julien Frayssinhes, collège K. et M. krafft, Béziers, 34

Mathieu Ferradou, lycée Jean Monnet, Mortagne-au-Perche, 61

Laurent Fillion, Collège de l’Europe, Ardres, 62

Eric Fournier, université Paris 1 (A enseigné 13 ans à Fosses)

Carine Gabayet, lycée Albert Camus, Bois-Colombes, 92

Laurent Gayme, lycée Montesquieu, Le Mans, 72

Evelyne Gayme, Lycée Jacques Brel, La Courneuve 93

Antoine Germa, scénariste, a enseigné dix ans au lycée Alfred Nobel de Clichy sous Bois

Bernard Girard, collège, Laval, 53

Michaël Guihard, lycée Marguerite Yourcenar, Le Mans, 72

François Godicheau, Université Bordeaux-Montaigne

Gilles Habashi, Lycée Van Gogh, Ermont 95

Brahim Hadj Slimane

Journaliste-auteur, Oran, Algérie

Anne Jollet, université de Poitiers

Caroline Jouneau-Sion, lycée Germaine Tillion, Sain Bel, 69

Samuel Kuhn, collège François Mugnier, Bons-en-Chablais, 74

Viviane Larras – Collège Augustin Malroux – Blaye-les-Mines – Tarn

Fanny Layani, lycée Balzac, 75017

Jean-Baptiste Le Cam, Titulaire remplaçant, 76

Sandra Lucbert, Collège M. Curie, Sceaux 92

Liêm-Khê Luguern, collège Albert Camus, Gaillac

Judith Mayer, Université Paris-XIII, Villetanneuse 95

Guillaume Mazeau, université Paris 1

Carole Narteau, Collège M. Curie, Sceaux 92

Ugo Palheta, université Lille 3

Emmanuel Pasquier lycée Pothier Orléans

Catherine Pidutti, lycée Quinet 75009

Camille Pollet, université de Nantes

Vincent Porhel, ESPE Lyon 1

Jean-Baptiste Prévot, lycée Anne de Kiev, AEFE

Alexandra Rayzal, titulaire remplaçante, Paris

Valentin Schaepelynck, université Paris 8

Christine Tardiveau, Lycée M. Curie, Sceaux 92

Olivier Thiebaut (Collège de Tonnerre – ZEP en milieu rural – Yonne)

Julien Théry, Université Paul Valéry, Montpellier 3

Jean-Louis Touton, lycée AEFE Louis Pasteur, Lagos

Sophie Wauquier, Université Paris 8

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