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Tout peut changer, capitalisme et changement climatique, Naomi Klein / Les marchands de doute, Naomi Oreskes & Erik M. Conway

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Ce nouvel ouvrage de Naomi Klein a les qualités des précédents, et peut-être ses défauts : une documentation très solide, la largeur de vue du monde anglo-saxon, un ton personnel qui fait un moment hésiter le lecteur (elle raconte sa grossesse en danger, en lien avec son enquête, et avec une tension dramatique digne du cinéma – sans que ce soit « du cinéma » !), on ne s’ennuie pas une seconde au long de ces six cents pages.

Dans le registre « informatif costaud » : comment le capitalisme américain et ses agents politiques ont gagné du temps, réussissant grâce à l’argent à convaincre une large part de l’opinion que le changement climatique était une invention gauchiste (1) ; comment ils se sont mis dans la poche des associations environnementalistes ; comment se multiplient de coûteux projets techniques qui s’offrent de réparer les dégâts du progrès … et qui sont des calamités ; comment les gros pollueurs n’arrêtent pas d’en rajouter, avec le gaz de schiste et les sables bitumineux.

Dans le registre « opinion publique et militance », plus discutable : comment populations autochtones (« les Indiens ») et Nord-Américains ordinaires peuvent quelquefois arrêter de se regarder en chiens de faïence pour lutter contre les magnats des énergies fossiles ; comment des actionnaires ou des fonds de pension peuvent faire pression pour désinvestir dans ce secteur. Intéressant, mais soit limité à une aire géographique très vaste en superficie mais avec peu d’habitants pour la première piste, également limité pour la seconde : y aurait-il un « réformisme capitaliste à visée écologiste » en interne ? Tout est bon à prendre pour sauver, non la planète mais nous-mêmes, mais s’il ne faut compter que là-dessus, on peut être sceptique !

On touche là, dans le positif comme dans le négatif, aux limites de l’ouvrage : même si l’auteure s’acharne à trouver quelques exemples non-américains, l’essentiel de son travail porte sur le nord de ce continent. Vu la responsabilité et la part du capitalisme Nord-américain dans l’ensemble changement climatique-pollution, l’étude a un réel intérêt. Mais cela reste une étude, un melting pot bien ficelé de sujets et de choix, il faudra d’autres sujets, d’autres analyses, d’autres actions : un peu plus collectives, plus larges. (JP-F)

Tout peut changer, capitalisme et changement climatique, Naomi Klein, Actes Sud (Questions de société), 2015, 663 p., 24,80 €.

(1) sur un décorticage minutieux de ce type de campagne, l’enquête de deux historiens des sciences américain explique comment, des risques du tabac en passant par les pluies acides, le trou d’ozone et le réchauffement, la droite américaine a fait du négationnisme (anti-)scientifique – et mené par des scientifiques- un véritable art du mensonge de masse.

Les marchands de doute, Naomi Oreskes & Erik M. Conway, Le Pommier (Essais), 2014, 541 p., 12 €.

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