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Un plaidoyer pour les vacances des profs ?…

Un plaidoyer pour les vacances des profs ? Peut-être pas pour tous… mais quand même !

Le libéralisme touche sans vergogne aux 35 heures, aux salaires, à la retraite… mais pas aux vacances ! Normal : quand il a bien été extrait tout ce qui pouvait être extrait des salariés, il faut bien les laisser récupérer pour qu’ils soient à peu près en état d’être à nouveau pressurés à la rentrée. Et puis c’est un bizness à ne pas perdre quand ils vont craquer leurs derniers sous disponibles pour se mettre à la queue leu leu sur les autoroutes et leurs péages et s’entasser dans les campings.

Ah ! Les enseignants qui en ont bien plus, eux, de vacances. Sans aucune honte, c’est bien pour cela que j’étais rentré innocemment dans l’enseignement il y a fort longtemps ! Qu’ils aient besoin de se vider le cerveau, il n’y a pas à mettre en doute cela. Mais, que font-ils de leurs vacances ?

Il n’y a pas à ma connaissance d’enquête sociologique approfondie à ce sujet, mais, pour continuer à en côtoyer beaucoup, je peux dire que ces vacances sont bien, pour un pourcentage que je ne m’avancerais pas à chiffrer, un temps… de fermentation. Lectures, cogitations sur « qu’est-ce que je vais faire à la rentrée, qu’est-ce qui n’a pas marché, pourquoi j’ai été si mal, comment je pourrais faire autrement, peaufiner mes futurs cours… ».

Il y a aussi tous ceux qui, dans le prolongement de l’école, s’occupent des enfants ou des ados dans l’encadrement de centres de vacances, centres aérés (peut-être un peu moins qu’autrefois), l’éducation populaire, etc.

Et surtout, ce qu’on sait très peu, c’est qu’une partie de ces vacances qu’on leur envie va être consacrée par un certain nombre[[Difficile de chiffrer ce « certain nombre ». Certains l’estiment à 1 pour mille. Je suis beaucoup moins pessimiste et je pense qu’il atteint un pourcentage de plus en plus important. Bien souvent, ce qui limite aussi c’est le coût que représente la participation à toutes ces rencontres et travaux. Il ne faut pas oublier qu’en France, les salaires des enseignants les plus bas d’Europe sont, dans les esprits, compensés par un plus grand nombre de jours de vacances ! Quant à tous ceux qui vont avoir une partie de leurs vacances en prise de tête sur leur rentrée, on peut avancer les… 100% !]] , sur leurs deniers, à des stages, des rencontres, des congrès, …

Et oui ! Depuis tout temps, c’est là que s’effectuent la formation que l’Education nationale ne leur a pas donnée, la co-formation entre pairs, voire l’élaboration de pédagogies comme l’a été la pédagogie Freinet, entre autres, pendant près d’un siècle. Il y a aussi le besoin de retrouver la fraternité, la convivialité, le plaisir d’être ensemble, entre personnes qui se comprennent, se reconnaissent, ce qui n’existe pas et a rarement existé dans les établissements. C’est pendant leurs vacances de travail avec des collègues que beaucoup rompent la solitude professionnelle dans laquelle un grand nombre est durant l’année. La plupart disent qu’ils ont besoin de se ressourcer, de retrouver du sens, de l’envie, et puis pouvoir réfléchir ensemble et plus seul le soir ou la nuit. Il y a aussi tous les outils, les revues, les bricolages inventifs même numériques, l’organisation matérielle des groupes… qui se font coopérativement pendant ce temps… de vacances !

Et puis, parfois 15 jours avant la date fatidique de la reprise, un certain nombre est déjà sur ses futurs lieux de travail, physiquement ou mentalement, à cogiter, imaginer, aménager, anticiper,…[[Surtout en ce qui concerne l’enseignement primaire.]]

On n’imagine pas ce qui se passe pendant le temps de vacances de ces enseignants et ce dont profiteront les enfants et l’école malgré ce qu’elle est.

Il est quand même quelque peu anormal que cette intense activité professionnelle soit considérée par l’employeur (l’Education nationale) comme par l’opinion publique, comme des… loisirs ! Certes, personne ne l’oblige, ce qui revient à dire « vous êtes libres de vous former, de vous préparer, d’innover… mais ça ne regarde que vous ». En Espagne, sous le régime de Franco où l’État délaissait totalement la formation encore pire qu’en France, celle-ci était auto-organisée par des associations d’enseignants dont le Mouvement de Rénovation Pédagogique Espagnol (MRPE)[[A noter que le MRPE a lutté longtemps pour la disparition des crucifix dans les salles de classe !]] , aussi pendant leur temps de loisir. Mais au moins l’État tenait un peu compte de cela dans l’attribution de points de carrière.

Ce ne sont pas les vacances des uns ou des autres qui sont un problème de société, c’est le travail, le fait qu’il absorbe toute la vie de la plupart des salariés et empêche la vie de ceux qui n’en ont pas pour survivre, le fait que le temps vaqué (qui se réduit comme une peau de chagrin), le temps de vie personnel, soient considérés comme du futile, de l’inutile socialement, du simple temps de repos, de récupération des épuisements… en dehors que ce temps est aussi exploité économiquement et alimente un autre bizness de l’économie de marché.

Des troupeaux vont partir épuisés en vacances et en reviendront prêts à s’épuiser à nouveau !

Sous la plage de certains enseignants, il y a la fermentation !… au moins pour un certain nombre ! Ils travaillent pour leur métier et lui donner un sens, pour que le travail qu’ils vont à leur tour peut-être imposer aux enfants soit autre chose que de l’aliénation, mais librement. Leur principal privilège de vacanciers de longue durée, c’est peut-être celui-ci.

PS : pour les enfants c’était autrefois la ritournelle scandée dès le dernier franchissement des grilles : « vive les vacances, à bas les pénitences, les cahiers au feu, le maître (ou la maîtresse) au milieu ! »

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