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Un ministre en marche.. arrière

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En arrivant au ministère de l’Éducation nationale en mai 2017, monsieur Blanquer déclare qu’il ne veut pas tout réformer et souhaite « ne garder que ce qui marche ». Mais très vite, et tout l’été, des annonces de mesures innovantes se succèdent. Des articles fleurissent dans toute la presse, des interviews se multiplient sur les plateaux télévisés, il n’arrête pas. blan1.jpg

blanq3_20-21.jpg Extrait de l’infographie « Les Réseaux Blanquer », à paraître dans N’Autre école n° 8 – « L’école en marché, décoder les nouveaux marketing pédagogiques ».

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à lire aussi sur le sujet… Exercice de révisionnisme : la philosophe et le ministre critiquent la pédagogie active…

Petit rappel sur l’idéologie du ministre – Blanquer au colloque Espérance banlieues (vidéo) Ses premières mesures savent résonner sur ce que chacun a connu dans son enfance et que sa mémoire embellit : une école qui sait apprendre à lire, à écrire et à compter avec des méthodes de déchiffrage, de répétition… allant du plus simple au plus complexe. Il flatte le conservatisme, joue sur la nostalgie en annonçant son objectif prioritaire : « Lire, écrire, compter et respecter autrui ».  Monsieur Blanquer joue ainsi finement avec les désirs individuels des parents et des enseignants : le retour à la semaine de quatre jours, le rétablissement des classes bilangues et des classes européennes, la mise en place de stages de remise à niveaux pendant les vacances scolaires avant l’entrée en 6e, l’instauration d’une aide aux devoirs au collège, le dédoublement des CP en zone prioritaire. Il sait aussi utiliser la lassitude des enseignants avec les dernières réformes imposées et l’intérêt individuel des adultes, comme la réforme du collège et la semaine scolaire. Et depuis septembre, monsieur Blanquer ne cesse d’annoncer de nouvelles mesures pour l’éducation Les classes de CP à 12 mises en place en REP + sont fortement médiatisées, on y voit des enfants sereins et un professeur qui peut individualiser… on ne voit pas les autres classes aux forts effectifs, on ne parle pas du dispositif « Plus de maîtres que de classes » confisqué pour récupérer des professeurs, ni des organisations pédagogiques spécifiques rendues impossibles comme les classes de CP/CE1 qui donnent deux ans aux enfants pour apprendre à lire… Au retour des vacances d’automne Dans Le Parisien du 13 novembre, le ministre présente ses nouvelles mesures. Le dispositif « devoirs faits » se met en place. Quatre heures par semaine en moyenne pour les élèves volontaires « La proportion d’élèves susceptible de bénéficier du dispositif est liée à la situation de chaque établissement, en fonction des besoins de ses élèves et des moyens dont il dispose.… »[1] ce qui donne des mises en place très inégalitaires. emmanuel-macron-elu-produit-de-l-annee.jpg Monsieur Blanquer, euphorique sans doute annonce que le dispositif serait étendu au primaire à la rentrée 2018, en oubliant que les devoirs à la maison n’existent plus en primaire depuis l’arrêté du 23 novembre 1956 qui aménage les horaires des écoles primaires et inscrit les devoirs pendant le temps scolaire. En application de l’arrêté, la circulaire du 23 novembre 1956 supprime sans équivoque les devoirs à la maison, retenant des arguments d’efficacité et de santé.  Le ministre souhaite rénover le baccalauréat et met en place une concertation avec l’ensemble des acteurs de la communauté éducative. Il faut donc du temps et les résultats seront publiés en février. Mais sans attendre, monsieur Blanquer en donne déjà les grandes lignes : en finir avec le bachotage, redonner du sens à l’examen et en faire un tremplin pour le supérieur. Il évoque la suppression des filières L, S et ES tout en rappelant la concertation en cours… Il parle également de la finalité du nouveau bac : aboutir à quatre matières pour les épreuves finales. Le reste des notes serait issu du contrôle continu. Mais comme chacun doit « cultiver son excellence » dans un domaine donné que l’élève aura choisi, il y aura au moins des options, s’il n’y a plus de filières… À suivre ! Un minimum d’écrans jusqu’à 7 ans. Monsieur Blanquer, après la lecture de différents rapports de santé sur l’addiction aux écrans demande leur usage modéré et ciblé. Néanmoins, il préconise l’usage de robots pour faciliter la socialisation dans les petites classes, surtout pour les enfants autistes. Mais pas de modération pour l’école élémentaire, les entreprises d’applications et de dispositifs numériques n’ont rien à craindre et pourront se rattraper dans les différentes disciplines scolaires ! Les méthodes de lecture responsables de l’inflation des orthophonistes et bien sûr pas n’importe lesquelles ! Toutes celles qui s’appuient sur la « méthode globale », l’éternelle coupable, car elle fait entrer l’enfant dans la lecture par la photographie mentale des mots au lieu de lui donner accès à la conscience phonétique. Davantage de conseils de discipline. Monsieur Blanquer souhaite à la fois une école du bonheur, de la confiance où l’on s’épanouit, mais également une école de l’autorité et ceci en utilisant davantage les conseils de discipline. Ainsi, il réduit aux seules sanctions du conseil de discipline le rétablissement de l’autorité et l’amélioration du climat scolaire. Pourtant, une organisation démocratique de l’établissement avec la participation des élèves est plus efficace, la sanction devient alors une décision pensée et réfléchie par tous. Mais l’élève n’a pas à donner son avis qu’il obéisse !   La création d’unités de laïcité. Ce sont des équipes spécialisées intervenant dans les établissements en difficulté avec certains de leurs élèves pour protéger l’esprit scientifique et l’esprit républicain : soit qu’ils remettent en cause les connaissances enseignées ou plus généralement qu’ils touchent à la laïcité par des comportements radicalisés. Ces unités aideront les professeurs et le chef d’établissement. La dimension de participation démocratique des élèves est toujours ignorée. Des espaces de paroles mixtes (adultes et jeunes) aident pourtant. Tout se règle sans les élèves ! La Convention internationale des droits de l’enfant, la grande méconnue de ce ministère. Le recrutement et la formation. Les 50 000 assistants d’éducation seront le vivier des futurs professeurs. Il suffit de repérer les vocations à travers les bourses ou les contrats de travail. Comment se fera le repérage ? Par qui ? Qu’adviendra-t-il des autres ? Le rôle des inspecteurs ? Des directeurs et des chefs d’établissement ?  La formation doit évoluer, elle doit s’améliorer grâce à la recherche et s’appuyer sur des praticiens. Les formateurs seront donc devant une classe. Mais on ne sait pas comment : avec des postes à temps partiel ? dans les ESPE, dans les établissements ? On est toujours dans le déclaratif. Une prime annuelle de 3000 euros pour les enseignants de REP+. Elle devrait se mettre en place en 2018, si les organisations syndicales suivent, mais la discussion n’a pas encore commencé… Qui sera attiré par cette prime ? Toujours des jeunes, ou plutôt des professeurs expérimentés ? Les augmentations de salaire ne doivent pas se réduire au seul point d’indice. Elles peuvent se faire de manière différenciée. Mais aucune précision : l’obéissance aux préconisations ministérielles ? les résultats scolaires des élèves ? l’évaluation des directeurs et chefs d’établissement, des inspecteurs ? Tout est possible. La mise en place d’un « plan mercredi » avec les ministères de la Culture et des Sports. La remise en cause par Monsieur Blanquer de la semaine de quatre jours et demi ne fait aucun doute. Et comme il n’y a aucune évaluation… supprimons ! Ce qui importe au ministre, c’est la participation des enfants à des activités intelligentes, utiles et gratuites le mercredi. Donc pour lui, l’école le mercredi matin ne propose pas d’activités intelligentes, utiles et gratuites ! L’appui aux collectivités proposé par le ministre serait la bienvenue pour la mise en place d’activités intelligentes, utiles et gratuites le mercredi après la matinée de classe… Le calendrier scolaire. Une concertation « Le temps et l’espace de l’enfant et de l’adolescent au XXIe siècle » doit être lancée. Déjà annoncée fin août en clôture des rencontres du CNESCO, elle se fait attendre… et elle devrait durer plusieurs mois pour créer un large consensus. Il n’y a pas d’urgence pour monsieur Blanquer. Eh oui ! l’intérêt de l’enfant n’est pas une urgence et ne pèse pas lourd face aux intérêts particuliers et économiques ! Des « innovations » pas toujours nouvelles… Ceux qui apprécient ces « innovations » ne savent pas qu’elles sont pour beaucoup récupérées dans les armoires des réformes de l’Éducation nationale. Elles ont été expérimentées, puis abandonnées et enfin reprises dans ces différentes mesures, avec bien sûr des actualisations, des références à la recherche… Quant à ce qui est supprimé pour « ne garder que ce qui marche », c’est juste à la « lumière des sciences » – version déclarative –, car il n’y a pas toujours d’évaluation des dispositifs concernés. … et portées par des objectifs libéraux L’individualisation, l’élitisme, les évaluations, les orientations et les parcours séparés, la responsabilité de chaque élève et surtout de sa famille, l’externalisation de l’aide (soutien, orthophonie, pédopsychiatre…), le recrutement des professeurs … sont les plus lisibles. Ces nouvelles mesures peuvent effectivement satisfaire des citoyens et certains politiques… Quant à ceux qui ne sont pas satisfaits  – et peut-être porteurs de visées émancipatrices – ils sont peu visibles. [1] Sur le site du ministère : http://www.education.gouv.fr/cid118686/devoirs-faits-un-temps-d-etude-accompagnee-pour-realiser-les-devoirs.html#Schema_Devoirs_faits_en_resume

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6 Comments

  1. Frédéric Jésu

    Un ministre infatigable
    Sans oublier : le peu d’intérêt et d’estime manifesté à l’égard des démarches coéducatives portées et développées par les démarches de Projet Educatif Local et de Projet Educatif de Territoire. Pouvant associer localement les parents, mais aussi les enfants et les jeunes eux-mêmes, ainsi que les associations et mouvement d’éducation populaire aux côtés des équipes enseignantes et des collectivités locales, elles ont pourtant pu créer de véritables dynamiques locales de concertation et de coéducation démocratiques et mériteraient d’être soutenues, améliorées, approfondies et prises en considération, au delà de la seule question des “rythmes” éducatifs et scolaires.

  2. Michel

    Un ministre en marche.. arrière
    Cette analyse ne dénonce pas les conséquences évidentes de la “réforme” du bac. Le passage en contrôle continu de la majorité des épreuves transformerait le bac en diplôme-maison.
    On perdrait l’anonymat des copies, et le caractère éhalitaire sur le territoire.
    Le diplôme, complètement dévalorisé, connaitrait alors le destin du Brevet “national” des collège, et cette dévalorisation finale permettrait de justifier la sélection à l’université.

    Ce serait aussi le point de départ de l’ffondrment des qualifications reconnues par l’Etat, au profit des “compétences” déterminées par le MEDEf..

    Tout ceci semble ne pas avoir été compris le point de vue de l’auteur du texte.. dommage !

  3. Martin David

    Un ministre en marche avant
    On parle de conservatisme du ministre, mais à la lecture de cet article et des réponses, j’ai plutôt l’impression que les conservateurs sont les enseignants car à vous lire, vous voulez garder tout ce qui ne marche pas.

    J’aime aussi les lignes par rapport au Medef. Hé oui, au cas où vous l’ignoriez, ce sont les ignobles patrons qui font aussi les emplois. Alors oui, l’école doit instruire, mais elle peut aussi préparer l’avenir des enfants.

    Personnellement, j’applaudis des deux mains le retour à 4 jours, le rétablissement de l’autorité, le fait que l’on puisse mettre en avant les matières fondamentales…

    Traitez moi de conservateur voire de facho (insulte à la mode depuis quelques temps dès qu’on ose l’ouvrir de manière politiquement incorrect) mais ce ministre est à mes yeux le seul élément crédible de ce gouvernement de bras cassés

    • zamoussi

      Un ministre en marche avant
      Se féliciter de l’annonce d’un retour de l’Autorité à l’école me paraît aussi absurde que d’annoncer le Grand Soir … L’autorité ne se déclare pas; elle se construit et s’impose d’elle même lorsque l’enseignement fait sens. Lorsque l’enseignant a trouvé un chemin pour donner du sens aux préoccupations de l’élève, sait susciter sa curiosité, interroger son quotidien, le mettre en perspective.
      L’enseignement magistral auquel 80% des cours en France sont encore abonnés, est une calamité. Il dégoute les enfants les plus avertis. J’ai croisé des enfants de profs, a priori dans une connivence sociale et culturelle qui facilite les apprentissages, dont l’école avait tari toute curiosité et toute envie (malgré leurs bons résultats)
      Enfin ne confondons plus l’autorité (naturelle; le charisme, le rayonnement d’un enseignant) avec l’ autoritarisme – dont Blanquer annoncerait le retour – cet autoritarisme ne fait que manifester un manque d’autorité.
      Lorsque les politiques ne font plus sens, ils envoient les milices, c’est bien connu !
      Apprenons plutôt à enseigner avec les enfants des choses qui stimulent leur imagination, leur créativité et éveillent à la richesse du monde; et nous n’aurons plus de souci d’autorité.
      Sophie

  4. Anonyme

    Un ministre en marche.. arrière
    Je dirai plutôt que les patrons défont les emplois !
    Après la guerre, les ignobles patrons et nos chers gouvernants ont eu besoin d’un vivier de gens formés, alors ils ont laissé place à l’école…
    Depuis la globalisation et l’échec soviétique, ils favorisent un taux de chômage élevé, des gens formés à leurs convenances “employables” et “virables” à volonté.
    Qui ose lever la voix quand tant de personnes dehors attendent votre place ? Un emploi mal payé c’est mieux que pas d’emploi du tout …. Petites phrases qu’on nous serine à longueur d’antenne et que tous les fachos, soit dit en passant, de plus en plus nombreux et décomplexés, reprennent en chœur à l’envi !
    En attendant pendant que l’on pare l’école de tous les maux, ceux qui la veulent entièrement dans les mains (pas si invisibles) du marché jubilent .

  5. Michel

    Un ministre en marche.. arrière
    La base de l’économie capitaliste c’est de comprendre que ce ne sont pas les patrons qui “font” les emplois. C’est la demande.

    Le problème démocratique, c’est quand les “reformes” de l’école sont dictées par le MEDEF. C’est aujourd’hui le cas.

    Il n’est pas nécessaire de brandir l’insulte de “facho”.

    Ignorant suffira.

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