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Trop Classe ! Véronique Decker / revue de presse (MAJ)

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Vous pouvez retrouver toutes les chroniques en ligne (dont des inédits) de Véronique Decker ici.

— REVUE de PRESSE —

Trop classe ! sur France Bleue

Trop classe ! sur le site de ATD Quart Monde

Trop classe ! sur France Culture

Trop classe ! dans les Inroks

Trop classe ! sur Radio Campus

Trop classe ! dans Libération

Trop classe ! dans L’Humanité (2 articles)

Trop classe ! dans Touteduc

Trop classe ! dans Le Parisien

Trop classe ! dans La Lettre de l’éducation du Monde

Trop classe ! dans Le Café pédagogique

Trop classe ! sur le blog Classe buissonnière

Trop classe ! dans Le Monde Libertaire

Trop classe ! sur Mediapart

Trop classe ! sur France 2 Les mots de minuit




nae6a-3.jpg N’Autre École n°6
128 pages – 10 €
Parution : 3 mars 2016
ISBN : 978-2-918059-80-6
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« scolarisation des enfants roms mode d’emploi »

et l’interview d’Edouard Lambeaux à France Inter dans périphérie
https://www.franceinter.fr/emissions/peripheries/peripheries-02-septembre-2016




École obligatoire, un documentaire avec Véronique Decker




nae6a-3.jpg N’Autre École n°6
128 pages – 10 €
Parution : 3 mars 2016
ISBN : 978-2-918059-80-6
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Véronique Decker, directrice d’école à Bobigny, en Seine-Saint-Denis, invitée du jour de France Bleu Paris Région

L’invité du matin du lundi 29 août 2016

Première invitée de la saison : Véronique Decker, directrice de l’école Marie-Curie, à Bobigny, en Seine-Saint-Denis, auteur d’un livre sur ses souvenirs d’enseignement dans le département : “Trop classe! Enseigner dans le 9-3, aux éditions Libertalia.

Plus de quinze ans qu’elle dirige une école dans le département de la Seine-Saint-Denis, plus de 30 ans passés à enseigner dans le 93 et Véronique Decker n’est pas blasée. Elle a un regard qui change sur l’enseignement dans un département trop souvent stigmatisé. Regard qu’elle nous a décrit et expliqué ce lundi matin, sur France Bleu.




Article paru sur le site de ATD Quart Monde, le 6 juillet 2016

Véronique Decker, directrice d’école dans le 9-3

En fonction depuis 15 ans à Bobigny, elle raconte ses combats pour scolariser les enfants roms ou financer une classe de neige dans un livre personnel et attachant.

À 58 ans, après 31 ans passés essentiellement en Seine-Saint-Denis, Véronique Decker aurait bien aimé finir sa carrière à la campagne. « Je suis fatiguée, je ne tiens plus comme avant », confie-t-elle. Mais sa demande de mutation a été refusée.

Véronique Decker restera donc directrice de l’école élémentaire Marie-Curie de Bobigny. Sans rancune ni frustration. Elle est comme ça : combative, généreuse, portée par des convictions qui la font toujours aller de l’avant. « J’ai une belle vie, dit-elle, je n’ai pas toujours bien fait mais je n’ai jamais trahi mes idées. »

Véronique Decker est une figure du monde enseignant. Adepte de la pédagogie Freinet, c’est une directrice engagée en faveur des plus démunis, qui n’a pas peur de dénoncer haut et fort les manquements de l’école et les injustices qui se creusent. « Souvent on m’a dit : “Attention, ça va t’attirer des ennuis”, mais quand on est clair, on force le respect à la longue », assure cette petite femme au cheveu en bataille.

Modeste

« Je ne voulais pas partir sans rien dire » : alors qu’elle s’imagine quitter le 93 pour le fin fond de la Corrèze, Véronique Decker commence à écrire des billets pour un blog. Elle y raconte des scènes de son quotidien à Bobigny – bataille contre les poux, impuissance devant un enfant hyper agité, ouverture de l’école la nuit pour une famille rom qui, sinon, dormirait dans la rue… Après une dizaine de publications, l’éditeur Libertalia la contacte : il veut en faire un livre.

Aujourd’hui elle est invitée à en parler un peu partout en France – il a même fallu faire un retirage. Modeste, elle n’aurait jamais imaginé un tel succès.

Elle avance plusieurs explications qui la dépeignent bien : « C’est facile à lire. Je ne voulais pas prendre la tête ni donner des leçons. Les agents de service de mon école ont aimé et j’ai aussi été invitée à France Culture. C’est un récit incarné et j’ai ma liberté de ton : je ne répète pas ce que dit mon syndicat. Enfin, ça n’est pas triste à la différence de beaucoup de livres de profs parlant du 9-3. »

Sévère

Sur le fond, Véronique Decker porte un jugement sévère sur l’école aujourd’hui. « En créant des postes, le gouvernement socialiste a arrêté l’hémorragie entamée sous Nicolas Sarkozy, explique-t-elle, mais on est loin de la guérison. »

Dans le 93, alors que l’on supprimait des postes, la natalité a continué de croître. Résultat : il a fallu embaucher des instits contractuelles souvent peu ou pas formées. « La qualité de l’école publique s’est nettement dégradée », déplore Véronique Decker.

En même temps, reconnaît-elle, l’école ne peut pas tout. « Le grand problème en Seine-Saint-Denis, c’est la misère. Et elle a augmenté. Quand je suis arrivée, il n’y avait pas de bidonville, pas de mère dormant dans la rue avec un bébé. Or comment faire progresser des enfants vivant dans la précarité, qui n’ont pas de logement par exemple ? Pour avoir l’audace d’apprendre quelque chose de nouveau, il faut être en sécurité. »

Un jour, elle a vu pleurer une instit qui avait dû apprendre trois fois la même chose à un enfant : après chaque expulsion de son campement, traumatisé, il oubliait tout.

Les dernières réformes ne trouvent guère grâce à ses yeux. « Avec celle de l’éducation prioritaire, assène-t-elle, ce qui a augmenté, ce sont les primes des enseignants. Or c’est pris au détriment des enfants. Mon école, par exemple, n’a jamais retrouvé ses postes de Rased (maîtres spécialisés dans la difficulté scolaire). »

Bagarreuse

Véronique Decker n’a pas peur de dire des choses qui dérangent ni d’affronter l’institution. Pour comprendre, peut-être faut-il remonter à son enfance joyeuse et bagarreuse. Elle a grandi dans une petite ville de Lorraine au sein d’une famille nombreuse. « Avec mes trois frères, on se battait, on s’insultait, on criait. » Le père est plombier et les enfants font visiter la salle de bains aux copains qui souvent n’en ont pas.

De cette enfance, elle a gardé le goût du collectif. À l’école, elle aime l’esprit d’équipe. Avec la pédagogie Freinet, elle vante les valeurs de coopération, d’entraide et de solidarité que l’on transmet aux enfants.

À la rentrée, Véronique Decker reprendra le chemin de l’école Marie-Curie. Loin de la Corrèze mais avec le plaisir de retrouver des enfants. « Ils ont une immense fraîcheur, dit-elle, c’est émouvant d’être au contact de la génération qui vous survivra. » Un métier « rafraîchissant » qu’elle a toujours pratiqué avec passion, au point que ses fils lui reprochaient de ne pas être disponible pour eux le soir.

Ici ou là-bas, même si elle ressent l’usure, Véronique Decker ne renoncera pas : elle se bat pour un monde meilleur.

Véronique Soulé

École obligatoire
Scolarisation des enfants Roms, école élémentaire Marie Curie de Bobigny

Réalisation montage : Jérôme Couroucé.

Un reportage sur la scolarisation des enfants roms de Bobigny (2012), avec Véronique Decker, auteur de Trop classe !




Trop classe ! dans Libération du 19 mars 2016.

«J’ai beaucoup aimé enseigner dans le 93. Mais pour la première fois, j’ai envie de partir»
Par Marie Piquemal — 19 mars 2016 à 09:24

Véronique Decker est directrice d’une école primaire à Bobigny. Dans son livre, elle raconte, un brin piquante, des souvenirs piochés dans trente-et-un ans de carrière en banlieue. Morceaux choisis.

En ce moment, son principal souci s’appelle Gyunaydan. Un bonhomme de 10 ans, obligé de prendre chaque matin un bus, deux RER et un tramway pour venir à l’école. «Ça coûte 27,60 euros en ticket chaque jour, pour lui et sa mère qui l’accompagne. Je pioche dans l’argent qu’une fondation m’a donné. Mais je ne vais pas en avoir suffisamment pour lui payer les trajets jusqu’à la fin de l’année…», soupire Véronique Decker. Elle est directrice depuis dix ans d’une école primaire à Bobigny (Seine-Saint-Denis) au milieu d’un chantier de rénovation urbaine, entre les pelleteuses et les barres HLM en train d’être démolies.

Dans son école, elle accueille plusieurs enfants roms comme Gyunaydan ou Slavi, dont Libération suit le parcours depuis plus d’un an. Après l’évacuation du camp des coquetiers en octobre 2014, situé près de l’école à Bobigny, ils ont continué à venir, à s’accrocher à cette école, seul lien avec la société française. «Je n’ai pas choisi d’avoir des enfants roms dans mon école. Cela s’est trouvé comme ça. […] J’aurais fait de même si des enfants du Zimbabwe étaient venus vivre à Bobigny dans les bidonvilles», écrit Véronique Decker dans son livre Trop classe!, tout juste publié. Un petit bouquin qui se lit vite, sous la forme de courts chapitres : à chaque fois, un souvenir, un morceau de vie pioché dans trente ans de carrière.

Saperlipopette

Véronique Decker, 58 ans, est une enseignante militante. Syndiquée depuis toujours, adepte de la pédagogie de Freinet. Elle écrit comme elle parle, avec aplomb, sans circonvolution, et un brin piquante. Son livre décrit, par petites touches, l’école publique dans les «territoires» oubliés – ce mot que l’Etat a inventé «pour parler de la banlieue, sans jamais nommer les pauvres, les Arabes, les Noirs et les Roms qui composent désormais la classe sociale, majoritaires en nombre d’habitants». Egratigne les politiques publiques, «que nous soyons en ZEP, REP+, zone sensible et tutti quanti, l’Etat ne donne aucun euro» pour les classes vertes, indispensables, juge-t-elle, pour permettre aux enfants de «s’attacher au territoire français». Ironise sur l’état des bâtiments, mal conçus ou pas entretenus, ou les deux. «J’hésite à décerner une palme d’or : entre la maternelle Picasso de Montreuil, dont la cour de récréation est couverte d’un grillage car les habitants de la cité lancent des canettes et des couches pleines sur les enfants en récréation, la maternelle Robespierre de Bobigny toute en amiante mur et toit…»

Elle parle aussi d’elle, de ses loupés, comme quand elle gronde une élève car son cahier est tout gondolé. «Larmes. Arrive le soir, l’heure des parents. Je vois la maman et je lui demande ce qui s’est passé avec le cahier. Larmes. Cette fois, c’est la mère qui pleure.» Elle a été chassée par son mari et dort en secret avec la petite dans la cave dont elle a conservé les clés. Des trucs universels, aussi, qui font sourire. «Comment parler de l’école sans parler du meilleur ami de l’institutrice ? Le pou.» Des gros mots dans la cour de récré et de la méthode finaude de sa collègue Nadia pour leur faire la peau. «Elle racontait aux petits qu’elle connaissait le plus gros mot du monde, celui que personne n’avait le droit de dire et que d’ailleurs ils n’avaient jamais entendu : Saperlipopette. […] Résultat, plus aucun d’entre eux ne disait “salope, enculé, connasse”. Et ils pouffaient de rire lorsque l’un chuchotait “saper…”»

Le dernier chapitre du livre s’appelle «Partir». Véronique Decker a demandé sa mutation cette année. «Avec les enseignants qui travaillent dans l’école, nous avons tenté au maximum de nos forces de rendre l’enfance plus douce à nos élèves […] Mais les élans retombent un à un, la solidarité diminue, écrit-elle. Alors, comme tout le monde, j’abandonne.» Fatiguée, elle veut partir au vert en Corrèze, terminer sa carrière. «J’ai fini le livre comme ça, sûre d’obtenir ma mutation après mes trente et un ans d’expérience.» En fait, non. Sa demande a été refusée.

(1) Trop classe !, de Véronique Decker. Libertalia, 128 pp., 10 euros.
Marie Piquemal





Trop classe ! dans L’Humanité du 11 mars 2016.

L’histoire d’une militante pour une autre école
Nicolas Mathey
Vendredi, 11 Mars, 2016
L’Humanité

Trop classe ! Enseigner dans le 9-3 Véronique Decker. Éditions Libertalia, 128 pages,10 euros.

Directrice d’école à Bobigny, Véronique Decker est une figure militante du ­mouvement Freinet. Elle revient sur ses trente ans de carrière et sur les bienfaits d’une pédagogie qui ne cesse de prouver le bien-fondé de ses pratiques, par la coopération, la bienveillance et l’autonomie. « Ne pas tenter de faire la même chose avec des élèves qui n’en sont pas aux mêmes étapes du chemin. » À travers une série d’anecdotes et de situations, l’auteure donne à voir l’importance du regard émancipateur porté sur les enfants. Conseil des élèves, à la manière d’« une petite république d’enfants », textes libres, entretiens quotidiens, sans compter son engagement pour la défense des droits des familles roms… Toujours engagée et virulente, Véronique Decker dénonce les fausses réformes socialistes et sa formation au rabais, ainsi que « l’obsolescence programmée des acquis sociaux » alors que « la démocratie de demain se construit dès la maternelle, en formant des personnes capables d’empathie, de réflexion et d’engagement ».

Trop classe ! dans L’Humanité du 16 mars 2016.
« Au chevet des enfants comme les médecins face à leurs malades »
Sylvie Ducatteau
Mercredi, 16 Mars, 2016
L’Humanité

Dans Trop classe !, un livre-chronique, Véronique Decker, directrice d’une école d’un quartier populaire à Bobigny, pose un regard tendre, parfois au vitriol et même désespéré, sur l’école en Seine-Saint-Denis, meurtrie par la dégradation de la situation sociale des familles.

«Je m’appelle Véronique Decker. Depuis plus de trente ans, je suis institutrice. Et depuis quinze ans, directrice d’une école élémentaire à Bobigny, l’école Marie-Curie. À part la localisation aux pieds de tours et au cœur des problèmes, notre école présente l’intérêt d’être une école Freinet… » Voilà. Le cadre est posé. Et c’est un petit Zébulon qui ouvre le récit. Trois décennies plus tôt, la toute jeune maîtresse remplaçante intime l’ordre au garçonnet de tenir son crayon correctement. Il peine à tracer la date du jour sur son cahier d’écolier. L’enfant lève la tête et lui montre une main atrophiée. « J’ai le cœur serré. La respiration coupée. Mon cerveau cherche une ressource en urgence avant que je sois submergée par la honte. Toute la classe me regarde, se souvient-elle. Je me suis excusée mais j’ai surtout appris à ne pas perdre mon autorité sur la classe en étant sincère. Que s’excuser auprès d’un élève est un gage de relation honnête. »

Cette même sincérité, son honnêteté impriment aujourd’hui ses confidences. Son désir de partir, de quitter son école de banlieue, désormais plus fort que l’énergie qui durant des années l’a amenée à remuer des montagnes pour ses élèves. L’anxiété qui grandit à quelques jours de la réponse à sa demande de mutation. « Dans mon livre, j’ai voulu dire que les reculs sociaux que nous connaissons dans ces quartiers sont très violents. Nous sommes là, au chevet des enfants comme les personnels hospitaliers face aux malades. Cette violence, personne n’en parle. » Elle décrit le froid, la faim, le manque d’attention subis par certains enfants. Ceux qui dorment dans la rue. « Ce n’est pas l’ascenseur social qui est en panne mais le plancher qui est percé. Nous rencontrons des personnes qui ont traversé le plancher du rez-de-chaussée. Cette traversée est extrêmement difficile à accompagner », se désole-t-elle.
« Travailler avec les enfants permet de garder une fraîcheur »

Le feu ronronne dans le poêle à bois de la salle à manger de sa maison de Bobigny. Il réchauffe l’atmosphère et visiblement l’envie d’en découdre de l’enseignante comme au début de sa carrière. « Durant trois ans à l’école normale nous avions hurlé car on ne nous apprenait pas ce dont nous avions besoin. Nous nous lancions dans des projets collectifs, nous militions dans les mouvements pédagogiques. Nous nous disputions beaucoup. Nous étions formés, pas comme la génération Sarkozy jetée sans parachute directement dans les classes. » Mais surtout, souligne-t-elle, « entrer dans le métier était synonyme de promotion sociale. C’est fini. Une porte s’est refermée ». Elle pense au sort de ses jeunes collègues recrutés cinq années après le bac pour un salaire à peine supérieur au Smic. Elle les imagine vieux enseignants au milieu d’une horde de gamins de maternelle alors que l’heure de la retraite ne cesse de s’éloigner. « À 70 ans, pas un instit ne peut rhabiller un dortoir (entendez : les trente enfants qui viennent d’y faire leur sieste). À quatre pattes, tu ne te déplies plus », s’exclame-t-elle après un calcul rapide et désolant de l’âge de départ à la retraite probable des nouveaux arrivés.

Véronique Decker aime cela. Jouer avec les images pour expliquer qu’« enseigner est un combat partout et porte en tout lieu ses moments “champagne” ». Elle aime également désobéir. Elle l’a écrit à la fin de son livre. Elle a adoré l’idée lancée sur les réseaux sociaux par un professeur du sud de la France qui plutôt qu’une grève a suggéré de désobéir à la réforme de la prise en charge des élèves en difficulté. Elle ne s’est pas gênée non plus pour tenir tête à l’éducation nationale lorsqu’il s’est agi de boycotter la base informatique des élèves, « le logiciel de traçabilité de la viande enfantine ». Elle aime les pas de côté. Son école sans note. Où les élèves ne sont pas en concurrence mais collaborent et participent à l’organisation de la vie de leur classe, de leur établissement. Où ils goûtent des expériences d’autogestion. « Ces gamins n’auront pas de royaume, ils ne doivent pas s’habituer à avoir des serviteurs. Lorsqu’ils quittent l’école, ils sont plus aguerris, plus réfléchis, plus militants. Et s’adressent aux adultes sans animosité ni déférence », explique fièrement la directrice d’école.

Véronique Decker ne croit pas aux réformes imposées – actualité brûlante du côté des collèges. « L’échec est certain si les gens ne sont pas propriétaires de leurs projets mais ils doivent disposer de temps pour réfléchir à leurs pratiques. » Le temps, elle en accorde également aux enfants. « Il faut aller chercher leur envie d’apprendre », défend-elle en reprenant à son compte la règle d’un grand pédagogue, Janusz Korczak. « Si l’on veut s’élever à la hauteur d’un enfant, il faut se mettre sur la pointe des pieds et avancer doucement », disait le pédiatre juif polonais déporté et gazé par les nazis avec les enfants du ghetto de Varsovie dont il s’occupait. « Travailler avec les enfants permet de garder une fraîcheur. De rester près de la terre. Ils m’aident à penser », dit-elle, comme un tendre aveu oubliant un peu la colère qui aujourd’hui la pousse à partir. « Enseigner est politique puisqu’il s’agit d’élever la génération à venir. À nous de savoir si nous voulons emmener la tête de classe à HEC ou tout le monde vers le maximum de progrès social. »

À travers ses chroniques, Véronique Decker pousse la porte de ses classes, de ses écoles à Montreuil, à Bobigny, toujours en Seine-Saint-Denis, où elle enseigne depuis trente ans. Elle ouvre son cœur au fil de ses rencontres avec des enfants de plus en plus cabossés par la dureté de la vie. Elle s’indigne sur mille sujets : le racisme, l’individualisme, l’intransigeance des religions. Les reculs sociaux qui minent la vie des familles, celle des enfants, le métier d’enseignant. Et nourrissent son envie de partir.




Dans “Trop classe !”, Véronique Decker décrit son quotidien de directrice d’école “dans le 9-3”
Paru dans Touteduc, mercredi 17 février 2016.

“J’aurais préféré faire la révolution (…), construire un monde scolaire et un monde social plus juste.” Véronique Decker a été, durant 15 ans, directrice de l’école primaire Marie-Curie à Bobigny, et on devine que si elle quitte ce lieu de tous ses combats, c’est parce qu’elle ne peut faire autrement; elle “n’est pas du genre à s’arrêter pour un rien”, comme elle le dit de l’une de ses collègues. Pendant des années, elle a fait partager ses combats, ses émotions, ses convictions d’enseignante “Freinet”, sur le blog de Luc Cédelle (Le Monde), sur celui de Médiapart, sur “Questions de classe(s)”. Elle publie aux éditions Libertalia une série de courts textes, deux pages en général, des anecdotes qui ont émaillé son quotidien.

C’est ce petit garçon qui tient mal son crayon, qu’elle gronde avant de s’apercevoir qu’il lui manque deux doigts, et de s’excuser. C’est un cahier froissé, déchiré, et une maman qui explique que son mari les a chassées, elle et sa fille, qu’elles se sont réfugiées dans une cave sans lumière, et que le cartable a été renversé. L’école accueille un stagiaire de “bac pro secrétariat” qui révèle un don pour l’animation et qui du coup change d’orientation professionnelle. Un petit garçon est ravi de raconter combien son papa est costaud, il a permis à son équipe de rugby de gagner le match, et une petite fille ajoute que le sien aussi est très fort, il a si bien battu sa femme qu’elle est à l’hôpital. Une maman d’origine tunisienne vient demander à changer sa fille de classe parce que sa maîtresse est issue de l’immigration. La directrice elle-même se laisse surprendre à partager une gaufre avec un élève puni, et qu’on a envoyé dans son bureau…

Véronique Decker raconte aussi ses combats, comment elle est devenue “l’égérie des Roms” pour lesquels elle n’a “aucun attachement particulier” : “j’aurais fait de même si des enfants du Zimbabwe étaient venus vivre à Bobigny dans des bidonvilles, ou s’ils avaient été Suédois.” Ce sont aussi les combats des autres, par exemple de cette maman qui s’installe avec sa tente sur le toit de l’école pour réclamer que la maîtresse de CM2, malade, soit convenablement remplacée.

Véronique Decker a su mobiliser les médias à chaque fois qu’elle a eu besoin d’eux pour peser sur la puissance publique, notamment lorsque des camps de Roms étaient menacés de démantèlement. Son charisme a pu faire écran à la réalité de tous les jours.

“Trop classe ! Enseigner dans le 9-3”, Libertalia, 127 p., 10 €




Trop classe ! dans Le Parisien du 2 mars 2016.

Dans la foule des quelque 10 000 instits de Seine-Saint-Denis, elle ne passe pas inaperçue. Véronique Decker est du genre à ruer dans les brancards. Après plus de trente ans de carrière, cette enseignante a décidé de raconter sa vie de maîtresse dans un livre Trop classe !, qui sort ce jeudi aux Editions Libertalia.

Elle esquive « le pathos et les gémissements » de rigueur sous la plume d’un « prof de banlieue ». La sienne est enthousiaste. « J’ai toujours beaucoup aimé enseigner dans le 9-3 ». Le décor est planté dès les premières lignes. « Je suis venue d’ailleurs mais j’ai choisi de rester ici, d’y vivre, d’y travailler et je voudrais témoigner des plaisirs d’enseigner que j’ai rencontrés. »

Pourtant, difficile de passer à côté des constats accablants qu’elle dresse dans ce livre. Véronique Decker est directrice de l’école Marie-Curie, à Bobigny, « au pied des tours et au cœur des problèmes » de la cité Karl-Marx, entre une avenue du même nom et le boulevard Lénine. « Tout cela, au début, me parlait d’un avenir social radieux », plaisante-t-elle. Ironie du sort, son école, avec la rénovation urbaine, a dû adopter une nouvelle adresse : « Émile Zola ». Il n’y avait pas besoin d’un tel nom pour se sentir, parfois, « directement renvoyé dans le XIXe siècle. »

Directrice d’une école à la pédagogie expérimentale
Dans son école, Véronique Decker a mis en place la pédagogie Freinet. Une méthode où les élèves apprennent « chacun à leur rythme », par « le tâtonnement expérimental » et dans la « coopération ». Par exemple, chaque classe se réunit une fois par semaine en « conseil » pour gérer des projets, des conflits ou encore l’argent de la « coopérative scolaire ». Le « grand conseil des délégués » réunit deux élèves de chaque classe qui viennent avec des propositions de projets collectifs et des critiques. « Une vraie petite République des enfants », décrit la directrice.

Scolariser les enfants des bidonvilles
Dans ses classes, elle a dû scolariser les enfants des bidonvilles du coin. « Je n’ai pas choisi d’avoir des enfants roms dans mon école, précise-t-elle. Les campements se sont construits à Bobigny, plus qu’à Neuilly… » Normalement, la vie comme la racontait Zola, c’était fini, mais ces élèves sont arrivés « avec leur lot de misère, de rats qui mordent les bébés, de Cosette et de Fantine. »
Il y a eu Melisa, brûlée vive dans l’incendie du bidonville des Coquetiers, en février 2014, une expulsion, puis d’autres. À chacune, elle s’est battue « car ce n’est pas la peine d’enseigner la morale si l’on est indifférent aux drames de l’existence ». Véronique Decker a ouvert son école la nuit pour héberger des familles, appeler les médias. Salvi, 10 ans, a tout raconté devant les caméras : la traversée de l’Europe dans les bras de ses parents, l’enfance dans ces camps démantelés, une fois, deux fois, trois fois… Tenter en toutes circonstances de venir tout de même à l’école. Il y a eu des petites victoires et surtout, des échecs dramatiques.

« Je vais partir car ici les reculs sociaux sont d’une violence extrême », écrit-elle dans le dernier chapitre. À 58 ans, « et 167 trimestres », elle demande sa mutation dans une petite ville du Limousin. L’instit syndiquée en profite pour dénoncer « dix ans de régressions au sein de l’Éducation nationale : on manque de tout, de livres, d’enseignants, de subventions, de formation… » Et même, ces quatre ans de rénovation urbaine, « de bruit et de poussière » qui lui ont « abîmé la santé » sans rien réparer du tout, « comme si c’étaient les immeubles qui avaient des problèmes et pas les habitants ! » Alors, elle passe la main avec ce dernier message aux jeunes enseignants : « Syndiquez-vous, ne lâchez rien, formez des générations capables, enfin, de changer le monde ! »

Floriane Louison




Par Luc Cédelle, dans Le Monde-La Lettre de l’éducation du 7 mars 2016.
Au pied des tours et au cœur des problèmes.

Véronique Decker, directrice d’école dans une commune de Seine-Saint-Denis, est un personnage attachant, à la fois totalement non représentatif et absolument représentatif. De la directrice ou de la maîtresse « moyenne », au cas où cet adjectif aurait un sens, elle ne saurait être représentative. Elle réunit en effet une série d’attributs qui, additionnés, font d’elle une super-minoritaire : pédagogie Freinet + militante Sud-éducation + exerçant en milieu réellement difficile + engagée dans la défense du droit à la scolarité des enfants roms. En même temps, sans avoir pris pour cela d’autre décision que celle de rester à son poste et d’agir au mieux, elle concentre sur ses épaules la quintessence des problèmes auxquels l’Éducation nationale doit faire face là où rien n’est acquis d’avance. Enfin, elle incarne aussi à merveille la figure du fonctionnaire à l’exact inverse de la caricature, c’est-à-dire passionnément épris de sa mission et rétif à la hiérarchie lorsque celle-ci manque de courage. Tournées avec faconde et humour (bien que certaines soient tristes à pleurer), ses chroniques de la vie quotidienne de son école sont absolument à lire si l’on veut comprendre quelque chose aux problématiques de l’enseignement dans les quartiers populaires les moins bien lotis.

Luc Cédelle




Trop classe ! sur le blog « Classe buissonnière »

Les livres de profs du 9-3 sur le 9-3 ce n’est pas ce qui manque. Ce département et ses habitant-e-s alimentent les fantasmes les plus variés, surtout chez celles et ceux qui ne le connaissent pas.
Mais le livre de Véronique Decker ne sera pas à ranger dans la longue suite de plaintes, moqueries, ou pamphlets qui fleurissent régulièrement. Déjà, parce que même si on lui souhaite le succès qu’il mérite, ce livre n’est pas motivé par la volonté de faire un « coup » commercial. Aussi, car son auteure n’est pas une jeune enseignante tout juste arrivée qui pense avoir tout vu et tout compris en trois ans et qui s’empresse d’en faire un livre souvent bien caricatural dès qu’elle a pu s’enfuir et muter ailleurs, livre qui ressemble souvent plus à celui d’une reporter de guerre que d’une pédagogue. Non, Véronique Decker a travaillé plus de trente ans dans différentes villes du département et y habite. Elle y milite aussi si tant est qu’on puisse différencier complètement son travail de son militantisme quand on doit se battre pour que ses élèves puissent tous avoir un toit sur la tête. Mais cette longue expérience ne débouche jamais sur un ton donneur de leçons. Ce serait un comble pour Véronique qui a le souci de construire les savoirs avec ses élèves et de créer de « petites républiques d’élèves » dans son école Freinet mais publique et REP+, car il est évident que c’est avec les enfants du peuple que son travail prend tout son sens. Au contraire, le début du livre nous donne l’occasion d’observer ses premiers pas d’institutrice, ses découvertes, ses erreurs aussi.
Il est constitué de courtes tranches de vie, ce qui permet une lecture aisée à laquelle le style léger et souvent drôle de Véronique Decker ne nuit pas. Il serait possible de l’ouvrir au hasard et de lire une de ses courtes nouvelles ou d’en adopter une approche plus chronologique.
En tout cas, il se dévore puisqu’un trajet en bus d’un bout à l’autre d’une ligne de métro qui traverse le 93 et accessoirement relie mon lycée pro au local de mon syndicat, a presque suffi à le terminer. Quelques stations de ligne 13 ont permis d’avaler avidement les dernières pages.
Quand on parle de lecture aisée et de style léger cela ne saurait occulter que l’on a parfois les larmes aux yeux en découvrant les vies de certains enfants, pas plus haut que trois pommes, qui font largement mentir l’assertion selon laquelle nous naîtrions tous égaux. Heureusement, loin des clichés sur les fonctionnaires largement véhiculés, on voit aussi les trésors d’ingéniosité et de volonté déployés pour permettre d’armer au mieux les élèves. Mais la volonté ne suffit pas entièrement à pallier les manques criants du service public.
On se rappelle ainsi pourquoi on se bat et pourquoi l’indifférence est impossible quand on découvre dans quel abandon l’État et l’éducation nationale laissent les populations les plus fragiles.
On vous recommande chaudement ce livre qui réussit la gageure de devenir lui-même un outil pédagogique. À sa lecture, on imagine déjà à quels objets d’études de français en CAP il peut correspondre. On ne se refait pas !




Trop classe ! dans Le Café pédagogique

C’est quoi enseigner en Seine Saint-Denis ? De nombreux livres catastrophes sont publiés. Le petit livre de Véronique Decker n’est pas optimiste. Mais il raconte trente années d’enseignement dans les quartiers populaires, quinze années de direction d’école à Bobigny, sans mépris et sans ressentiment pour les enfants et leurs parents. Pas de pitié non plus. Mais de la solidarité. De la classe, on vous dit…

voir la suite avec un entretien sur le site du Café pédagogique

Trop classe ! dans Le Monde Libertaire




Trop classe !
Enseigner dans le 9-3, de Véronique Decker – aux éditions Libertalia
Trop classe !, Enseigner dans le 9-3
Véronique Decker
Editions Libertalia, collection n’autre école, 2016, 128 pages, 10 euros

Trop classe ! est un superbe petit livre d’une instit puis directrice d’écoles Freinet en Seine-Saint-Denis. Un livre de souvenir d’une jeune retraitée qui nous narre ses trente années de carrière dans ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui les “quartiers”. Elle a pris son pied durant tout ce temps et nous rappelle que « le plaisir d’enseigner crée le plaisir d’apprendre » (p.50)… elle a tout fait pour cela.
Faire apprendre aux gosses de banlieue, les renois, les blancs, les beurs, les rroms et les autres. Leur “apprendre” dans la coopération et la solidarité pour qu’ils s’émancipent. Un livre fait de beaux portraits d’enfants, les faciles et les difficiles, les tendres et les durs à cuire. Tous avaient pour Véronique, le même intérêt, et elle fit tout pour qu’ils “s’enseignent” malgré les difficultés économiques, familiales, la violence quelquefois, malgré la misère, le bidonville… Elle fit tout pour qu’ils grandissent dans et par l’école, mais aussi en classe transplantée, pour qu’ils voient d’autres choses que le béton des cités. De beaux souvenirs de rentrées, même si elles ne furent pas toujours faciles dans ces banlieues déglinguées, une belle coopération en équipe Freinet qui refuse le pouvoir et la hiérarchie.

Bref, un petit livre plein d’oxygène pédagogique à respirer de toute urgence, et qui nous rappelle quelques règles essentielles comme « enseigner, ce n’est pas une succession de gestes techniques, c’est un acte politique fort, qui dit à chaque enfant qu’il a le droit d’accéder aux savoirs et à en tirer un pouvoir sur le monde » (p.50) ; ou encore « la pédagogie Freinet [ou libertaire] n’est pas une “méthode”. Ce sont d’abord des principes, et ensuite des techniques pour mettre en œuvre ces principes » (p.115).

Quelques désillusions toutefois en fin de parcours : une banlieue laissée à l’abandon et stigmatisée par les politiques, des conditions de travail dégradées, un syndicalisme qui, après avoir été unitaire et puissant, est aujourd’hui défaillant. Mais en souvenir, malgré tout, de grandes joies et de grands moments de bonheur professionnel. Véronique nous donne là une belle leçon de vie au travail. Elle qui n’a jamais renoncé à partager le savoir nous engage, malgré les difficultés, à ne rien lâcher, car pour elle, éducation rime toujours avec émancipation.

Hugues Lenoir





Un article sur Mediapart à propos du livre de Véronique Decker

Véronique Decker, une directrice qu’on ne laisse pas partir

6 avr. 2016 Par Emile Lanoë Édition : Educateurs prioritaires

Véronique Decker est directrice de l’école Marie Curie à Bobigny. Son livre « Trop classe » retrace son parcours à travers le département de Seine-Saint-Denis qu’elle a sillonné contre vents et marées durant 30 années avant de jeter l’encre pour une longue escale, au pied de la cité Karl Marx, rue Emile Zola, 93000 Bobigny.

« Trop classe » c’est d’abord une expression enfantine, un compliment qui fait état d’une satisfaction souvent partagée par celles et ceux qui en sont témoins. C’est une expression qui peut par exemple émailler les retrouvailles parentales après un séjour en classe verte. Ce sera certainement le cas en cette fin de semaine lorsque Véronique reviendra du stage de voile de 4 jours à la base de loisirs de Champ sur Marne.

Rien que de très modeste: il s’agit d’une base nautique, propriété du conseil départemental de Seine Saint Denis où les activités et le logement sont gratuits pour les élèves. Le séjour leur coûte 30 euros. A ce prix là, il faudra préparer les repas soi même, collectivement et avec les élèves, bien sûr. Mais il faut en profiter selon Laurence Godard, la directrice de l’association qui gère le centre, car le département a semble t-il l’intention de lui couper les subventions au 31 août prochain (voir document en bas de page).

C’est certes moins « classe » que le ski, mais cela fait déjà plusieurs années que les séjours au sport d’hiver ont disparu des grands moments d’une scolarité à l’école Marie Curie. Les 200 euros qui étaient demandés aux parents, même étalés sur 10 mois, dépassaient le nouveau seuil maximal exigible par famille de 85 euros fixé par l’inspection pour tout voyage scolaire. La baisse des subventions aux collectivités et leurs conséquences au niveau municipal ont fait le reste. Depuis, plus de ski à Marie Curie.

Pourtant, découvrir d’autres territoires que ceux d’une école plantée au pied d’immeubles en pleine rénovation urbaine, c’est s’éloigner pour un temps d’un environnement aux horizons justement trop limités. C’est aussi, très concrètement, échapper pour un temps au bruit et à la poussière de deux tours de la cité, les plus proches de l’école, actuellement en cours de démolition. 100 000 tonnes de gravats passés à la concasseuse accompagnent le quotidien des enfants de l’école et de leurs enseignants depuis l’année dernière et encore pour un an.

Véronique Decker parle des voyages au ski avec une nostalgie évidente. Ils sont à l’image de son livre et de sa longue carrière, une alternance de coups durs et de « moments champagnes », parfois inextricablement liés. Comme par exemple lors de ce séjour au ski où dès la montée dans le train menant aux stations, les passagers lançaient, par leur seul regard, d’instantanées « réassignation à résidence ». Puis à la fin du séjour, le moniteur de ski, littéralement enthousiasmé par le groupe d’élèves qu’il avait pris en charge toute une semaine, avoua qu’avant leur arrivée et à la lecture des noms des élèves, personne n’avait voulu prendre en charge la classe.

Trop lasse

Car « trop classe » c’est aussi l’expression d’un raz le bol. « Exceptionnellement, le message le plus informatif est dans cette fatigue et cette colère » dit Luc Cédelle de Véronique Décker. Ces deux sentiments cohabitent souvent avec un autre, bien connu des enseignants chevronnés, celui d’un trop plein qui rime souvent avec mutation. Véronique Decker a fait le choix de la demander, pour la Corrèze. Elle s’applique à elle-même ce qu’elle a toujours cherché à faire partager aux élèves : l’appétence pour les autres territoires, ceux qui seront perdus si on n’apprend pas tôt à les connaître. Les classes transplantées font comprendre à tous les enfants qu’ils sont membres d’un ensemble vaste, plus vaste assurément que celui dessiné par les seuls grands ensembles. C’est pour elle une responsabilité essentielle qui devrait être une priorité pour les pouvoirs publics.

Déclassement

Dans le même temps, l’État et ses fonctionnaires devraient avoir les moyens suffisants « pour faire gagner du terrain à tous et surtout ne perdre personne en chemin ». Or, elle ne fait que constater jour après jour que « le progrès social s’est mis à reculer ». Dans son livre, Véronique Decker est très critique vis à vis des politiques mises en œuvre depuis des années au sein de l’éducation nationale en général, prioritaire en particulier. Elle considère les promesses de donner plus à ceux qui ont moins comme « fallacieuses ». “On a acheté la paix sociale”, seuls les enseignants ont obtenu une augmentation de leur prime dit-elle (voir ici), les enfants eux, n’ont pas vu la couleur des belles annonces ministérielles. A l’appui de ses dires, elle pose un constat simple : 10 ans en arrière son école bénéficiait:

D’un poste de rased (enseignant spécialisé pour le suivi des élèves en difficultés)

D’une psychologue scolaire à mi temps,

Un demi-poste d’enseignant G ( réeducation plutôt psychologique)

Un poste et demi d’enseignant E (rééducation plutôt pédagogique)

Aujourd’hui, il ne reste plus qu’un enseignant E à tiers temps et une psychologue scolaire à quart temps pour épauler l’équipe enseignante. Certes, grâce à la réforme de l’éducation prioritaire, l’école devrait bénéficier d’un enseignant supplémentaire l’année prochaine mais celui-ci, qui interviendra dans le cadre du plan “plus de maitres que de classes”, sera un enseignant sans formation spécifique et surtout ne comblera pas à lui seul les coupes drastiques des années Sarkozy.

Véronique Decker a fait le choix de ne pas parler de religion dans son livre. Elle est « fatiguée que celle-ci soit systématiquement présentée comme le problème numéro 1 des banlieues ». « Le vrai problème, c’est dans les ghettos de riches » et l’entre-soi bourgeois qu’elle le situe. Souhaité, défendu et entretenu bec et ongles par les plus privilégiés. Elle cite, pour preuve, le récent « combat » des riverains du bois de Boulogne contre la construction d’un centre d’hébergement d’urgence. Elle y voit le symbole du déséquilibre de notre société et la cause véritable de l’hyper concentration des difficultés dans les quartiers du bord opposé. Elle rappelle qu’au Raincy, petit-Neuilly de Seine-Saint-Denis, un ancien maire avait fait son beurre électoral sur la promesse tacite de désobéir à la loi SRU, qui oblige les communes à construire au moins 25% de logements sociaux. Elle n’accepte pas qu’on se contente de faire payer des amendes aux communes et préconise de rendre inéligibles les élus qui s’adonnent à cette pratique.

Irremplaçable

Comme un symbole, la demande de mutation de Véronique Decker n’a pas aboutie. Ça l’a « soufflée sur le coup ». Un peu comme ses élèves et leur famille, elle est assignée à résidence et devra rester au moins une année de plus. S’il est difficile pour un enseignant de quitter la Seine-Saint-Denis sans éprouver un sentiment de « désertion », c’est aussi techniquement compliqué. Le département a enregistré 330 demandes de sorties pour 1 demande d’entrée (voir ici), et seulement 6,3% des demandes sont satisfaites (voir ici). Une des conséquences visible pour tous de ce manque d’attractivité est le problème chronique du non remplacement des enseignants dans ce département (voir ici) et le recours systématique à des contractuels précaires ou aux jeunes enseignants stagiaires. De nombreux parents se mobilisent d’ailleurs actuellement pour obtenir que ce scandale cesse et proposent même de signaler en ligne les absences non remplaçées (voir ici).

Véronique Decker, dans son livre, fait finalement le choix de ne pas surjouer la colère, elle dépose juste sous nos yeux le constat d’une situation qui se dégrade, irrémédiablement. Elle avoue que lorsqu’elle écrit « [s]a production gagne sans doute en lisibilité ce qu’elle perd parfois en colère ». Mais elle garde malgré tout le sourire et se réjouit du succès rencontré par son livre, elle qui le destinait essentiellement à ses proches et aux collègues du 93. Et si dans les jours qui viennent vous passez “la Nuit Debout” à République, vous trouvez son livre en bonne place.

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Vous trouverez toutes les informations à propos de ce livre ainsi que les dates et lieux de sa présentation par l’auteur sur le site des éditions Libertalia .





Des mots de minuit (France 2)

Une enseignante et un comédien “patchworkent” le rapport à l’autre: l’usine à gaz de notre petite planète…

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Par Des mots de minuit @desmotsdeminuit
Mis à jour le 08/04/2016 à 22H49, publié le 07/04/2016 à 18H47

L’autre? Il peut être rom, avoir une couleur de peau, un âge d’avant l’adulte, des acquis et des façons d’exprimer qui renvoient dans les cordes d’une facilité blanche -occidentale- de penser. C’est à lui qu’il faut porter attention. Une question d’humanisme dans les temps actuels. Elle est déterminée et directrice d’école dans le 9-3! Il est comédien et “provo” entre la Belgique et le Kenya.
Des mots de minuit N° 533 du 7 avril 2016.

Réalisation : Pascal Bouvier
Rédaction en chef : Rémy Roche
Coordination : Marie-Odile Régnier
Edition: Alexandra Grand et Mame-Awa Nguer
©desmotsdeminuit.fr

Ces deux-là ne se seraient jamais rencontrés à priori. Mais, l’éclectisme militant de la programmation du Tarmac, la scène de la création francophone, et l’engagement d’une maison d’édition réservent quelques surprises…

Moi, je pense que c’est dangereux d’obéir…
Véronique Decker

Ceci sur le site des éditions Libertalia :
“Je m’appelle Véronique Decker.
Depuis plus de trente ans, je suis institutrice. Et depuis quinze ans, directrice d’une école élémentaire à Bobigny : l’école Marie-Curie, cité scolaire Karl-Marx. À part sa localisation au pied des tours et au cœur des problèmes, notre école présente l’intérêt d’être une école « Freinet » où, dans le respect des règles du service public, nous pratiquons une pédagogie active, fondée sur la coopération. Même si l’expérience, parfois, peut me dicter des silences provisoires, je ne suis pas réputée pour mon habitude de me taire.”

De Zébulon à Zyed et Bouna, sans oublier Albertine et Mélisa, N’Gwouhouno ou Yvette… du syndicat à la pédagogie de la « gaufre », des Roms à la maman sur le toit, Véronique Decker, enseignante et directrice d’école Freinet à Bobigny (Seine-Saint-Denis), éclaire par petites touches le quotidien d’une école de « banlieue ».
Au fil de ses billets, il est question de pédagogie, de luttes syndicales, de travail en équipe, mais surtout des élèves, des familles, des petits riens, des grandes solidarités qui font de la pédagogie un sport de combat… social.
Loin du déclinisme d’« intellectuels » pérorant sur l’école, des ségrégations institutionnelles ou du libéralisme et de sa fabrique de l’impuissance, c’est une autre école, en rires, en partages, en colères, en luttes qui se dessine, avec « des craies de toutes les couleurs, sur le tableau noir du malheur… » De l’autre côté du périph. Trop classe !”

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