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Sur le tableau noir du malheur…

Une leçon est à tirer du clip ministériel sur le harcèlement à l’école : la pédagogie frontale au tableau avec les enfants assis les uns derrière les autres n’est pas bonne pour construire une communauté coopérative et humaine.

Chacun à sa place, les yeux devant être dirigés vers l’enseignant qui peut-être interrogera ou pas… avec une main levée… ou pas. La rêverie s’installe pour certains, l’ennui avec l’envie de s’occuper pour d’autres – même si c’est au détriment de l’écoute des autres – et ceux qui suivent.
Ce qui est le cas dans ce petit film, chacun s’occupe… comme il veut. Un chacun pour soi qui n’encourage pas le regard empathique, la compréhension et la connaissance des autres.
Sans doute que l’auteure du clip n’a connu que cette pédagogie, elle se souvient du tableau, l’objet le plus central du regard et de l’enseignant qui le remplit en expliquant et en interrogeant. Elle était sans doute attentive, car elle avait compris l’importance de pouvoir utiliser dans les exercices ce qu’elle avait entendu. Elle était heureuse quand l’enseignant l’interrogeait et qu’elle pouvait répondre, et c’était souvent… Elle suivait, réussissait, tout allait bien.
Elle ne se souvient pas de ses camarades qui eux décrochaient et étaient rarement interrogés, ces enfants aux ratures rouges sur les cahiers et aux petites notes qui font honte. Des petits papiers volaient silencieusement entre les enfants pour échanger des petites phrases, des rendez-vous de jeux pour la récréation, des secrets. La maitresse ne voyait pas et continuait d’expliquer. Parfois, elle apercevait un élève inattentif qui dessinait ou parlait, elle haussait la voix, grondait l’enfant qui baissait la tête et allait au coin et tout rentrait dans l’ordre.
On peut comprendre cette vision de la classe.
Mais que la ministre Najat Vallaud-Belkacem cautionne cette vidéo, on l’admet difficilement. C’est un peu comme si elle pensait que c’était la pédagogie utilisée partout dans les écoles publiques. Pourtant, elle a salué l’avis de Marie-Aleth Grard rendu au CESE et le rapport de Jean-Paul Delahaye sur l’école et la pauvreté qui prônent tous deux des pédagogies coopératives.
Elle qui porte l’EMC (Enseignement moral et civique), elle sait que l’Éducation civique ne se fait pas au tableau avec une craie… que les enfants comme l’adulte exercent la citoyenneté dans tous les moments d’enseignement et de vie de l’école. Elle sait que les enfants doivent aussi se regarder, se parler et s’écouter pour se comprendre et ça ne se fait pas les uns derrière les autres à ne voir et entendre que l’adulte.

Cependant, si les jeunes professeurs n’ont que leurs souvenirs et leurs représentations pour enseigner, ces situations pédagogiques se reproduiront. L’adulte en premier en souffrira, car comme dans le clip, le bruit et le chahut remplaceront l’écoute et l’envie de participer des enfants.
La formation est donc indispensable pour que ces jeunes découvrent d’autres pédagogies que celles qui se positionnent en frontal.
La pédagogie coopérative existe !
Pour rassurer notre ministre, des classes et leurs professeurs sont prêts à la recevoir et de nouveaux clips pourront se réaliser avec ses bons conseils !

4 Comments

  1. Héber-Suffrin Claire

    Sur le tableau noir du malheur…
    Merci beaucoup, Catherine, pour cette réaction comme toujours fondée, sensée, tournée vers la recherche de l’amélioration pédagogique. J’y retrouve complètement ce qui me fait me passionner pour l’école, les apprentissages, la coopération, l’apprentissage de la démocratie, de la responsabilité et de la citoyenneté, de la solidarité et l’entraide par leur exercice réel, authentique, travaillé dès l’école. Claire

  2. Daniel Gauchon

    Sur le tableau noir du malheur…
    Je partage presque totalement l’analyse de Catherine Chabrun, sauf en ce qui concerne la critique de la caution de cette video par la ministre, car je suis persuadé, comme Catherine Chabrun, que l’un des messages de cette video c’est aussi de montrer que le harcèlement est le fruit d’une pédagogie frontale et collective qui est encore aujourd’hui très présente dans une majorité de classes… L’objectif est bien de faire réfléchir les enfants comme les adultes sur leurs responsabilités respectives face au harcèlement, donc je soutiens sans réserve la diffusion de ce clip…

  3. chopart

    Sur le tableau noir du malheur…
    Cette situation bien décrite par Catherine, du tableau et de la maîtresse (80% des enseignant sont des enseignantes) existe en élémentaire, au collège, au lycée.
    Le tableau noir n’existe pas encore en maternelle ou très peu. En élémentaire ce tableau du malheur est présent dans plus de 70% des classes, mais au collège il dépasse les 90%. …. C’est donc bien le collège du Malheur!

  4. Armelle

    La partie visible de l’iceberg
    “que la ministre Najat Vallaud-Belkacem cautionne cette vidéo, on l’admet difficilement.” –> Pour ma part pas de surprise : c’est tout à fait logique si c’est ce qu’elle a vécu. Comment pourrait-elle faire autre chose ? Il n’y a pas de faute là-dedans.

    Et sinon, je m’étonne qu’on puisse parler d’enseignement moral et civique quand dans le fond il me semble criant que :

    1) l’école – même s’il y a des nuances selon les pédagogies – est immorale de par le fait qu’elle oblige les enfants (pour ceux qui y sont envoyés) à se tenir dans un lieu donné pour un temps donné, à faire ce qu’elle dit de faire, au moment et selon les modalités qu’elle a elle-même décidés. C’est une relation “commandant-exécutant” non-choisie qui n’est pas morale. (Si trop rude, préférer : “une relation de meneur-suiveur, dans laquelle le suiveur a obligation de suivre”)

    2) l’égalité (vrai principe civique ou bien finalement non, c’est selon les cas ?) ne s’applique pas aux enfants qui sont toujours vus comme “moins” que les adultes et devant leur obéir. Leur devant soumission, pour ainsi dire. Avec des nuances selon les pédagogies, mais la fondamentale inégalité “évidente”, “naturelle” (!), reste là.

    Moi, ça me fait halluciner.
    Que les contradictions soient si criantes et qu’on en parle pas, quel coup de force des adultes !

    Je suis un peu à côté du sujet précis de la vidéo sur le harcèlement – mais tout à fait dans le sujet “harcèlement” au sens large – et je conclue en citant Christiane Rochefort :
    “Les femmes et les non-blancs ayant crié assez fort, on leur a finalement consenti le statut d’opprimés. Mais on ne pense pas encore aux enfants, car ils se taisent. De tous les opprimés doués de parole, les enfants sont les plus muets. Les cris et fureurs qui émanent du groupe ne sont pas perçus comme protestation inarticulée, mais comme un fait de nature : les enfants, ça crie. Nul être pourtant ne crie sans raison.”
    “Les enfants d’abord” – 1977

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