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Retour sur les conditions d’hébergement (quand il y en avait) des mineurs isolés étrangers (MIE) à Paris

Source : Paris-luttes.info

Retour sur une situation qui n’est pas nouvelle, celle des mineurs isolés étrangers (MIE, par la suite) à Paris. La situation s’éternise même : le GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigrés), RESF (Réseau éducation sans frontières), etc. organisaient déjà des rassemblements devant l’ASE [1], il y a quelques années.
À situation ancienne, un petit retour en arrière s’impose.
Voici donc dans « À lire ailleurs », un article très instructif sur une structure maintenant fermée qui était « gérée » par FTDA (France terre d’asile). Ambiance.
L’article en intégralité est ici : http://www.travail-social.com/Mineurs-isoles-etrangers-dans-un

Le centre d’hébergement d’urgence dit Dispositif d’accueil temporaire (DATMIE) se trouvait à côté du squat le Stendhal. Dans ce bâtiment qui ne payait pas de mine où nous voyions de jeunes migrants aux fenêtres, ou devant, dans la rue, quand nous allions réparer nos vélos… Actuellement, les MIE qui bénéficiaient de place dans ce centre sont officiellement à l’« hôtel » (comme les nuages radioactifs s’arrêtent officiellement aux frontières). Mais il n’y a toujours que 25 places à l’hôtel !
Donc 50 places suppémentaires d’hébergement d’urgence (et l’hébergement d’urgence, c’est très triste, il faut le rappeler, mais ça permet une « mise à l’abri », c’est-à-dire d’avoir un toit sur la tête, pouvoir prendre des douches, etc.) se sont évaporées dans la nature. D’où une « proportion » plus grande de mineurs à la rue.
À la rue, les mineurs sont victimes des mêmes outrages que les sans-abri « traditionnels » (vols des plus petites affaires, agressions, embrouilles, mépris, agressions par les flics, froid, faim, conditions d’hygiène atroces, etc.), en plus d’être continuellement sollicités par des pédophiles qui rôdent autour de la PAOMIE.
Il faut le savoir pour comprendre le caractère criminel de ces mises à la rue littérales par la PAOMIE.

L’article rappelle pourtant qu’il s’agissait d’un centre d’hébergement aux pratiques plus que douteuses :

L’immeuble du 5 bis de la rue Stendhal dépend[ait] de la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP), voué à la démolition et la transformation en centre d’hébergement, logements et crèche municipale, il a été mis provisoirement à la disposition de l’association dans le cadre du dispositif de mise à l’abri des mineurs isolés étrangers, le temps qu’ils soient confiés à l’Aide sociale à l’enfance parisienne… ou d’un autre département. On connaît les relations étroites entre France Terre d’Asile et l’ASE de Paris, et particulièrement le SEMNA (Secteur éducatif mineur non accompagné) : le tri des « arrivants » a été confié à France Terre d’Asile dans le dispositif de la PAOMIE (Permanence d’accueil et d’orientation des mineurs isolés étrangers) dont les critères subjectifs et arbitraires d’accueil et de refoulement ont déjà été dénoncés

Le caractère de l’urgence (donc provisoire) est souligné, ici :

Les jeunes qui se retrouvent au DMA Stendhal [le feu-DATMIE], après avoir gagné le passage par la moulinette de la PAOMIE, sont provisoirement admis, au titre de l’accueil d’urgence, à charge du département de Paris – accueil qui ne devrait pas dépasser cinq jours selon les règles légales et treize jours selon les termes du protocole du 31 mai 2013. Dans les faits, cet « accueil » est d’une durée moyenne de 130 jours, selon les termes de FTDA, soit 26 fois plus que la durée légale. L’un des MIE hébergé y entame en janvier son quatorzième mois de présence, soit 84 fois la durée légale ! […] Ce retard se conjugue avec la mauvaise volonté évidente du SEMNA de mettre en œuvre les décisions judiciaires lui confiant ces enfants, voire même de permettre la moindre insertion des jeunes mis à l’abri au DMA Stendhal, notamment en les menaçant de leur couper l’aide et de les exclure s’ils leur prend l’idée de vouloir fréquenter un établissement scolaire.

Ensuite, l’article passe à un aspect plus répressif du travail de FTDA. Un aspect moins mis en avant sur les belles brochures de l’asso. Il s’agit de la collaboration la plus abjecte avec la Machine à expulser.

C’est dans cette ambiance de méfiance que les jeunes sont accueillis au DMA Stendhal, lequel pourtant géré par une association humanitaire, élevant la défense des droits des étrangers dans ses principes, n’accorde aucune assistance aux MIE pour le respect de leurs droits à l’égard de l’ASE, relaye les menaces qui pèsent sur eux et exécute sans broncher les exclusions dont ils peuvent être l’objet… et bien sûr sans leur indiquer les voies de recours.

Nous avons déjà relaté la décision de mainlevée d’une OPP prise par le parquet, en dehors de tout fondement légal, exécutée sans sourciller par la direction du DMA Stendhal [donc FTDA] qui fit appel à la police pour évacuer le jeune qui ne voulait pas se retrouver ainsi jeté à la rue.

Ni l’ASE ni [FTDA] ne remettent jamais aux jeunes les documents écrits qui les concernent (ordonnances de tribunaux, résultats des examens médicaux qu’on leur a fait subir, compte-rendu des questionnaires d’évaluation par FTDA dans le cadre de la PAOMIE, etc.), comme s’il s’agissait pour eux de les priver de leurs droits à exercer des recours.

Les droits des MIE sont souvent ouvertement bafoués, et les conditions de vie à l’intérieur du DATMIE profondément indignes :

Découragés par le SEMNA de fréquenter un établissement scolaire – ils risqueraient de rester à Paris, voire de devoir être aidés au-delà de 18 ans – les tickets de métro pour se rendre au lycée ou au collège ne sont pas accordés. Au DMA, on les encourage plutôt à resquiller, au risque de se faire arrêter lors d’un contrôle.

Et à l’intérieur, la vie n’est pas rose : depuis longtemps, les installations sont privées d’eau chaude (« on va la rétablir », prétend-on à chaque plainte relayée par les autorités), de chauffage suffisant. Plus surprenant, c’est l’absence de papier hygiénique depuis des mois dans les toilettes, ou encore les punaises qui se régalent la nuit du sang des occupants.

[Très] cyniquement […], le service de la préfecture attribue le manque de chauffage « au comportement de certains jeunes qui s’amuseraient à casser les vitrages entraînant des courants d’air ». Ces MIE sont drôlement maso quand même !

Mais le plus beau arrive ensuite. Casser toute rébellion et solidarité par les pires mesures répressives, avec les allusions les plus sordides du politicard Pierre Henry, boss incontesté de FTDA :

Comme il fallait s’y attendre, la révolte a commencé à gronder et les incidents se sont multipliés ces derniers mois avec la revendication : « du PQ, de l’eau chaude, du chauffage, plus de punaises et des repas décents ! ». Au mois d’août, suite à des incidents, trois jeunes avaient été mis à la rue sans autre forme de procès.

La direction de France Terre d’Asile [FTDA], avec le SEMNA a tout fait pour écarter les « meneurs », comme par hasard reconnus majeurs au terme d’une expertise osseuse… et priés de quitter le foyer sur le champ en décembre, à la veille de Noël. Le harcèlement s’accompagne de privations de repas, de chantage à l’exclusion, d’orientation par l’ASE vers la province, voire même de tentatives de corruption des jeunes par des promesses de logement à l’hôtel et de versement d’argent de poche.

Pierre Henry, directeur général de FTDA [promet ensuite] de les garder encore 15 jours, tout en se fendant d’un communiqué aussi ubuesque que méprisant à l’égard des revendications des jeunes hébergés :
« Il est étonnant que la ville de Paris et France terre d’asile, qui œuvrent pour la protection [sic.] des mineurs isolés étrangers, soient les cibles d’accusations erronées alors que dans le mêmes temps près de la moitié des départements refusent, de manière plus ou moins assumée, d’accueillir ces jeunes. Cessons les polémiques stériles et recherchons des solutions cohérentes. (…) L’approche des élections municipales ne semble pas totalement étrangère à ce regain de polémique à Paris. Il est vrai qu’une solution simple existe : voir les élus de la capitale décider que Paris se substituera à la cinquantaine de départements refusant d’accueillir les MIE et qu’elle prenne en charge tous les jeunes se déclarant mineurs jusqu’à ce qu’ils atteignent 21 ans, tout en triplant son budget. Ce serait le meilleur des mondes, mais sommes-nous réellement au pays de Candide ? »
Sur sa page Facebook, Pierre Henry se montre plus offensif : « il ne faut pas manipuler les jeunes et se servir de ces problèmes à des fins politiques… » alors que c’est lui-même, dans ses échanges avec un élu socialiste, qui y voit la main d’opposants au PS de Paris :
« L’ASE a proposé à six jeunes déclarés majeurs de sortir du dispositif mineurs (16-18ans) tout en recherchant des solutions alternatives . Un groupe d’une dizaine de personnes adultes dont quelques militants du parti de gauche, s’affichant comme tel, ont entraîné les jeunes dans des actions assez limites manifestant par exemple dans les locaux de l’ASE en traitant les responsables de nazis. Évidemment France terre d’asile est visée par cette action dans la mesure ou nous travaillons de concert avec le département de Paris et depuis longtemps et en toute indépendance. Nos équipes gèrent notamment un centre de mise à l’abri collectif de 50 places (et non une M.E.S) avec beaucoup de difficultés compte tenu de la lenteur de la justice à se prononcer sur les situations des jeunes [on a connaissance par ailleurs du rôle de FTDA dans la fourniture aux procureurs des papiers qu’ils jugent suspicieux ; là, Pierre Henry déplore carrément que les procédures d’expulsion ne se fassent pas assez rapidement][…]. La vraie divergence avec ce groupe […] est que nous considérons qu’un dispositif mineurs doit accueillir des mineurs (moins de 18 ans) et qu’il est étonnant de préférer cibler le département de Paris et France terre d’asile plutôt que de porter l’action sur une vraie répartition régionale ».

Bref, c’est toujours de la faute d’untel ou tel autre, et il faut donner plus de sous à FTDA pour le salaire et la carrière de Pierre Henry. Il faut aussi continuer de diluer les responsabilités de tous ces organismes dans le magma bureaucratique toujours plus inefficace, pendant que des jeunes se retrouvent à la rue, aux prises avec les pires situations.

Dans un premier temps, exigeons l’arrêt des expertises osseuses et la prise en charge inconditionnelle des mineurs isolés quelque soit leur origine, jusqu’à au moins 21 ans (c’est-à-dire un hébergement et une scolarité).

[1] L’ASE se trouve rue de Reuilly, et non, boulevard de Belleville. Au 127, boulevard de Belleville se trouve en fait la PAOMIE (Permanence d’accueil et d’orientation pour les MIE), gérée de façon scandaleuse par « France Terre d’asile » (FTDA) pour le compte de l’ASE. L’accueil des MIE sur Paris est donc centralisé à la PAOMIE, qui les redirige ensuite vers le SEMNA (Secteur éducatif Mineurs non-ccompagnés). Youpi ! bienvenue dans les méandres kafkaïens de l’administration aux mineurs coupés de leur famille…

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