A l’heure où chacun d’entre nous est invité à s’épancher sur les soi-disant nouveaux programmes de l’éducation nationale. Que ferons-nous collectivement ? Que ferons-nous chacun dans notre coin ?
La même question récurrente se pose à chaque fois que nous sommes sollicités de cette façon.
Quelle sera notre ligne de raisonnement ?
A l’heure où l’ont voir fleurir nombre de positionnements sur ces fameux programmes, qu’allons-nous en faire de manière concrète
lors des concertations qui s’annoncent? Comment en effet croire
encore une fois que notre parole puisse être entendue à travers
des centaines de milliers de profs?
Devons-nous boycotter cette mascarade, entrer encore une fois dans
un jeu de dupes ?
Il est clair que chacun devra agir en fonction de son contexte local, de son équipe (quand il y en a !!)… Dans la ligne des sempiternels tableaux à double entrée de notre chère institution allons-nous
supporter une analyse des programmes 2008 ?
Autant de questions qui m’amènent à exposer ici ma position personnelle. Celle-ci a un double
avantage : d’une part elle nous économise du temps (et nous en avons toujours fort besoin !) pour aller à l’essentiel ; d’autre part elle économise de l’énergie aux « pauvres lecteurs » à venir.
Après cinq années de mise en œuvre, quels sont selon vous les principales qualités et principaux défauts de ces programmes ?
Les programmes 2008 : aucune qualité à relever sur ces programmes absconds et voués aux poubelles – recyclables espérons-le – de notre ancien ministère. Le tableau sera donc vite rempli du côté des points positifs à conserver.
Les programmes 2008 : aucune difficulté à les appliquer, je ne les ai pas appliqués ! Les programmes 2008 : défauts en pagaille !
– affaiblissement de la dimension culturelle renvoyée dans les tréfonds de l’accessoire, du non fondamental!
– conception mécaniste de l’apprentissage (mémorisation systématique, accumulation de règles et notions, construction d’automatismes, …) en incohérence totale avec toutes les recherches actuelles sur le processus enseignement
– apprentissage insistant sur la prédominance de la compréhension, du sens, du raisonnement.
– approche programmatique organisée autour de savoirs à ingurgiter par année et encore plus saucissonnés par disciplines …faisant fi des connaissances actuelles sur l’enjeu des savoirs dans leur globalité et les rythmes d’apprentissages liés à la notion de cycle.
– suppression de l’instruction civique et morale pour remettre en son coeur l’éducation à la citoyenneté.
– suppression de l’aide personnalisée hors temps scolaire
-suppression des stages de remise à niveau
Liste non exhaustive bien sûr… …
Quelles sont les parties des programmes dont l’application vous a semblé difficile ?
Programmes 2008 : aucune, en raison de programmes non appliqués.
Nature des difficultés des programmes 2008 : les mêmes que sur le tableau précédent.
Quels sont les éléments que vous souhaitez voir conservés ?
Eléments à conserver : aucun
Quelles sont vos suggestions pour les prochains programmes ?
Des programmes centrés sur les réels enjeux liés à la complexité du savoir aujourd’hui : savoirs
transversaux à travers toutes ses dimensions, mises en lien et cohérence des disciplines, …
Des programmes qui instaurent le désir d’apprendre et engagent les jeunes à penser par eux-mêmes
en engageant au même titre savoirs, attitudes et comportements
Des programmes ancrés sur des repères continus et cohérents tout au long du cursus scolaire d’un
jeune à l’école, de la maternelle au lycée : repérages par cycles, cohérence et continuité à travers les
Des programmes qui, à partir d’objectifs nationaux, autorisent et responsabilisent les enseignants à
cheminer avec leurs élèves autour des savoirs fondamentaux dans leurs diverses dimensions
Des programmes qui se centrent sur la compréhension par les jeunes des savoirs en question :
différenciation, raisonnement, expérimentation, tâtonnement expérimental, coopération, …
Des programmes qui prennent en compte l’hétérogénéité des jeunes et engagent les enseignants à
mettre en œuvre des situations pédagogiques pertinentes.
Des programmes qui mettent l’évaluation au cœur des apprentissages des élèves en reconnaissant le
droit à l’erreur et le principe d’éducabilité.
âges, …
culturelles.
Par voie de conséquence :
Interdire strictement le redoublement pour une réelle mise en place des cycles
Interdire strictement les devoirs à la maison pour redonner goût au savoir, à l’apprentissage.
Mettre en place de réelles évaluations formatives et formatrices qui donnent des repères aux élèves
sur les réussites et les points restant à approfondir. Par voie de conséquence, interdire les
évaluations nationales chiffrées ainsi que les notes.
Engager une diversité d’outils pour les élèves et les enseignants en privilégiant des outils culturels,
non programmatiques, fichiers de travail individualisé, …
Engager des horaires souples et adaptables entre les savoirs permettant des liens entre ceux-ci, des
projets transversaux.
Engager des horaires de travail individualisé, de travail personnel pour les élèves sur le temps de
classes afin qu’ils aient l’occasion de rechercher, expérimenter, coopérer, s’exprimer, travailler leurs
projets et leurs besoins, … tout en s’organisant et en se responsabilisant.
Engager des horaires de débat réglé, conseil, atelier philo pour permettre aux élèves d’entrer dans
les réelles problématiques de citoyenneté et de savoir.
Engager une formation, initiale et continue, des enseignants ancrée sur la création, la construction
de situations pédagogiques mettant en œuvre les objectifs des programmes. La formation initiée par
les mouvements d’éducation populaire devient alors incontournable.
Les formations et les
formateurs liés à ces mouvements pédagogiques sont au cœur de ce dispositif.
En bref, des programmes pour former des jeunes et des adultes capables de penser, de raisonner, de
coopérer, de faire œuvre de discernement, c’est-à-dire des citoyens éclairés et émancipés.
François Le Ménahèze, enseignant, directeur d’école