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Réfléchissons ensemble

Après la victoire du Front populaire, de grands espoirs pour l’Éducation naissent. Le mouvement Freinet doit être au premier rang pour demander des réalisations concrètes. Freinet lance un appel à réflexion collective pour une autre école, non seulement aux adhérents, mais aussi aux organisations de l’enseignement, aux revues pédagogiques, aux journaux amis et aux syndicats.

Les préconisations pour cette réflexion résonnent encore en 2016 : fournitures gratuites ; ouvertures de classes et recrutement de jeunes enseignants ; aides budgétaires suffisantes pour l’achat de matériel ; modifications des programmes pour les plus jeunes (notre cycle 2) pour coller plus aux besoins des enfants dans leur milieu, sans leçons imposées, pour les plus grands (correspondant aux cycles 3 et 4) un « minimum strict exigible » (on dit « socle commun » aujourd’hui) ; latitude dans les méthodes pédagogiques éprouvées ; participation des enfants à la vie scolaire ; étude du milieu (sorties, visites…) ; soutien des pédagogies nouvelles ; écoles expérimentales d’éducation nouvelle ; un nouvel examen final qui ne contrôle pas seul les acquisitions ou sa suppression, un carnet de scolarité pris en compte (Brevet des collèges et livret de compétences aujourd’hui) ; organisation des lieux éducatifs hors école…

Questionnaire de fin d’année

Célestin Freinet, mai 1936

Sans prétendre que l’avènement au Parlement d’une forte majorité Front Populaire doive tout bouleverser, nous pouvons reconnaître et affirmer que le puissant mouvement de masse dont les élections sont le témoin autorise les plus grands espoirs.
De la défensive où les éducateurs se cantonnaient depuis longtemps, il est possible maintenant de passer aux réalisations offensives, et notre groupe doit, dans ce domaine, encore une fois, être à l’avant-garde.
Les masses sentent que les vieilles mécaniques administratives doivent changer, que des initiatives hardies doivent prendre corps pour nous sortir de l’impasse. Notre premier devoir est de montrer que l’éducation des enfants ne saurait suivre les chemins périmés de la routine et de l’asservissement, que des méthodes aujourd’hui éprouvées peuvent être introduites dans l’enseignement public. Il nous faudra étudier très soigneusement les plus urgentes et demander alors aux pouvoirs publics les améliorations raisonnables que nous préconiserons.
Mais la besogne essentiellement pratique est surtout de libérer l’éducateur des vieux cadres qui jugulent sa bonne volonté et ses initiatives. Ces cadres sont essentiellement les programmes et les examens, plus spécialement le CEPE. Il nous faut, par une étude approfondie, préparer et mettre au point des propositions pratiques dont nous demanderons ensuite l’adoption.
Il y a, d’une part, ce travail de documentation et de préparation qui doit être avant tout une œuvre coopérative des techniciens compétents et intéressés : les instituteurs en l’occurrence. Par la collaboration de plusieurs centaines de nos camarades, nous sommes en mesure de mettre sur pied des propositions répondant effectivement aux besoins de la masse des éducateurs. Il ne sera pas inutile d’ailleurs de saisir de notre initiative nos sections du Front de l’Enfance qui sont susceptibles de nous aider en maintes circonstances.

Nous demandons instamment à tous nos camarades de répondre au questionnaire suivant qui remplacera, cette année, de façon originale, on le voit, le questionnaire habituel concernant nos techniques.
Il ne s’agit pas de répondre simplement par des oui ou par des non aux quelques questions que nous posons et qui ne sont que des indications nullement restrictives pour le plan possible de notre travail. C’est un véritable rapport que nous vous demandons, dans lequel chacun de vous apportera le meilleur de sa compétence et de sa documentation, sans craindre de traiter à fonds les points que nous avons pu oublier dans notre questionnaire.
Bien que nous comptions avant tout sur la collaboration bien souvent éprouvée de tous les adhérents de notre groupe, nous élargirons le plus possible notre enquête. Nous allons soumettre notre questionnaire aux diverses organisations de l’enseignement, nous le communiquerons aux revues pédagogiques et aux journaux amis. Nous vous demandons de le soumettre si possible à l’étude de vos syndicats ou de vos filiales.
Ce n’est que si les documents qui nous parviennent sont issus d’une base importante et compétente que nous pourrons ensuite, alors, soumettre nos conclusions au gouvernement.
Les résultats de notre vaste enquête paraîtront à la rentrée d’octobre, dans un numéro spécial de l’Éducateur Prolétarien.
Nos amis voient certainement toute l’importance pédagogique de cet effort et l’excellente propagande qu’il constitue pour nos techniques. Nous comptons encore une fois sur vous tous.

A) REVENDICATIONS D’ORDRE ADMINISTRATIF :
– Organisation du service des fournitures gratuites à tous les enfants ;
– Prolongation de la scolarité jusqu’à 14 ans ;
– Décharge des classes par l’ouverture de classes nouvelles et remploi de jeunes éducateurs ;
– Amélioration permanente des locaux scolaires ;
– Octroi de subventions nationales et départementales du tiers pour tout matériel collectif d’enseignement : cinéma, radio scolaire, phono et disques d’enseignement, Imprimerie à l’École, Fichier Scolaire, Bibliothèques scolaires et Bibliothèques de Travail ;
– Dispense des formalités légales de déclaration et de dépôt pour les journaux scolaires édités dans les écoles sous le contrôle de l’Inspecteur primaire, avec gratuité de la circulation en France ;
– Divers.

B) REVENDICATIONS PLUS SPÉCIALEMENT PÉDAGOGIQUES :
– Modifications aux programmes et au Plan d’études. En Belgique, le nouveau plan d’études stipule que, jusqu’à 8-9 ans, le souci d’acquisition doit céder le pas au souci d’éducation. Il y aurait lieu, pour ces degrés, de modifier les programmes, en stipulant que l’enseignement doit, avant tout, répondre aux besoins des enfants dans leur milieu sans obligations extérieures ni leçons imposées.
Pour les degrés suivants, le programme devrait préciser un minimum strict d’acquisition exigible, – (nous demandons à nos adhérents d’établir ce programme minimum pour le CM et le CS) – et laisser aux éducateurs la plus grande latitude dans les méthodes employées pour parvenir à cette acquisition sans nuire aux nécessités éducatives.
– L’établissement de ce programme minimum permettra la participation active de l’école à la vie sociale :
a) Classes promenades (en préciser le nombre souhaitable et le règlement) ;
b) Visite d’usines, d’exploitations diverses (une fois par semaine par exemple)
c) Organisation effective des branches secondaires qui, dans la pratique, sont totalement négligées : éducation physique, travaux manuels et chants.
– Participation des enfants organisés en coopératives scolaires à la vie officielle de l’école. 5Préciser comment pourrait se faire cette participation).
– Vœu en faveur des méthodes nouvelles dans l’enseignement.
– Organisation des écoles expérimentales d’éducation nouvelle.
c) Les examens, et plus spécialement le certificat d’étude :
Si vous vous rendez compte des dangers de la course aux acquisitions, il sera nécessaire d’éviter que le CEPE contrôle cette seule acquisition.
Quelles propositions feriez-vous pour l’organisation d’un nouveau CEPE (ou pour sa suppression pure et simple) ?
– Établissement d’un carnet de scolarité dont l’examen entrerait en ligne de compte pour l’obtention du CEPE. Dans quelle mesure ?
– L’examen lui-même doit-il subsister et faut-il en demander la suppression ?
– Si on le laisse subsister, dans quel sens l’améliorer :
a) âge ;
b) épreuves : comment les amender, épreuves écrites et épreuves orales. Dans quelle mesure pourrait-on employer les tests ?
– Autres examens.
D) L’organisation post-scolaires :
– Réorganisation des cours d’adultes.
– Patronages.
– Organisation d’enfants.
– Cinéma et théâtre d’enfants.
– Journaux d’enfants.
– Bibliothèques, etc.

Si possible, présenter les rapports, au recto seulement des feuilles, sous la forme suivante :
Discussion ;
Exposé des motifs ;
Propositions pratiques qui pourraient être éventuellement traduites en articles de loi.
Il est bien entendu que le questionnaire ci-dessus n’est qu’indicatif et que nous ne voudrions en rien limiter tant soit peu votre initiative. Nous sollicitons au contraire l’examen approfondi de toutes questions susceptibles d’entre dans le cadre de notre rapport.
Faire les envois avant la fin juillet à Célestin Freinet, Vence (Alpes-Maritimes).

D’autres textes :
Célestin Freinet : 2016 un cinquantenaire populaire
Freinet et le Front populaire

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