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Quand les élèves de 68 parlaient de notation

Très intéressant billet sur le blog de Jean-Michel Zakhartchouk

J’ai pu voir circuler une bien intéressante vidéo des archives de l’INA où l’on voit des lycéens parler de la notation, au moment où Edgar Faure à la rentrée 68 tentait d’instaurer une nouvelle manière d’évaluer avec les cinq niveaux ABCDE.

Quelques points qui m’ont frappé au visionnement :

– on n’imaginerait pas aujourd’hui un reportage où on n’interrogerait que des garçons, et bien sûr on ne les verrait pas fumer abondamment pendant l’interview !

– on trouve certes une critique du système de notation, qui serait surtout une manière de sélectionner avec le bac (rappelons qu’à l’époque il n’y a pas plus de bacheliers qu’aujourd’hui d’élèves en classes prépas et qu’en 68, 1 jeune sur cinq obtenait le bac, le fameux bac « dévalué » de post-mai), la nouvelle forme d’évaluation apparait comme une tromperie car pour ces lycéens elle ne changera rien. On est aussi une époque où on clame volontiers que c’est tout le système mai 68qu’il faut changer.

– le jeune homme qui s’exprime dans ce reportage, critique une école qui n’intéresse pas les jeunes et est coupée du monde, mais n’évoque comme changements possibles que la fin de la coupure sciences/lettres (qui aurait été une revendication de mai 68- ?-) et surtout l’apparition de nouvelles matières, pour l’essentiel autour de la vie politique (il n’est pas question de « citoyenneté », mais bien de « politique », le mot n’est nullement honnie dans une période où « tout est politique »)

– le plus décalé par rapport à aujourd’hui est sans doute la critique de l’arbitraire de la notation en ce sens qu’elle dépendrait des opinions politiques du correcteur, qui serait susceptible de sanctionner le lycéen engagé. On ne sait pas très bien si d’après lui, cela va ou non au-delà de l’expression d’opinions divergentes dans une copie (de philo, d’histoire ?) ou si ça influe sur toute correction. C’était signe quand même d’un grand manque de confiance dans le corps enseignant !

On a donc envie de jouer au jeu des ressemblances et différences. Il n’est pas sûr que la critique qui est faite de la notation soit la même que celle que feraient des lycéens aujourd’hui ; en tout cas, la question sociale n’apparait pas : pourquoi est-ce une certaine catégorie sociale qui a les plus mauvaises notes et échoue ? que reflète la note en termes d’inégalités ? Nos étudiants probablement d’extrême-gauche n’évoquent pas cela dans le reportage. Mais répétons-le, à l’époque, la sélection s’était déjà largement faite avant et l’angoisse du débouché économique était peu présente.

J’ai vécu cette époque. Je me suis exprimé en des termes assez proches de ces jeunes quand j’étais en terminale et attiré par une gauche radicale (voir ce journal que j’ai conservé et qui est un témoignage pas inintéressant, je crois….)Ce qu’on retrouve quand même c’est ce besoin d’expression d’un certain nombre de jeunes, leur sentiment d’être insuffisamment écoutés, ou l’envie de pouvoir participer à des discussions, certes beaucoup moins politiques aujourd’hui, mais sur des « grands problèmes de notre temps ». On a retrouvé cela dans la grande consultation de 1998 et c’est encore présent aujourd’hui, sous d’autres formes donc. Notons aussi que des jeunes qui s’expriment aujourd’hui, après la grande phase de massification, s’expriment au moins aussi bien que ceux du film, avec même parfois plus de clarté et d’amplitude. Sur ce point, vraiment, le niveau n’a pas baissé, quoi qu’on dise !

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