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Quelle école voulons-nous ?

AVANT-PROPOS

Ce texte a été élaboré en tant que texte de contribution au débat lors du 8ème congrès académique de Sud éducation académie de Grenoble. Il a permis d’aborder le lien entre la pédagogie, la lutte, la résistance à une école qui formate autant qu’elle ne forme . Ce texte partage avec Q2C l’ambition de rassembler les forces vives qui pensent que la lutte et la pédagogie ont trop longtemps été séparés, voir opposés, et doivent plutôt être conjugués. Mais curieusement il rejette la lutte pédagogique aux lendemains de la victoire de la lutte sociale. Pour Q2C la lutte se mène sur les deux fronts dès maintenant.

[/Le collectif d’animation de Q2C/]

QUELLE ECOLE NOUS VOULONS ?

La réforme des rythmes scolaires a amené bon nombre d’entre nous à être interpellé sur notre égoïsme socioprofessionnel (nous n’aurions pas l’intérêt des élèves comme centre de préoccupations…), à être interpellé sur notre opposition systématique à toute réforme (mais alors, faites des propositions, quelle école vous voulez ?), à être interpellé sur l’indispensabilité de pratiques pédagogiques alternatives voire innovantes pour des militants SUD.

Il est grand temps de claquer le beignet aux injoncteurs de tous poils qui tentent de nous culpabiliser à la seule fin de masquer leur propre aliénation. Se faire reprocher de ne pas prendre en compte l’intérêt des jeunes par ceux là même qui accompagnent la régression sociale en se rendant aux raisons de l’économie et oublient que les élèves sont autant de futurs exploités, de futures victimes, tient de la farce grotesque.

En regardant tout ce que les usagers des hôpitaux ont gagné grâce à des dirigeants syndicaux responsables qui ont accepté de ne pas « prendre les patients en otages », on a une petite idée de ce qui attend une école qui ne défendrait pas prioritairement ses travailleurs.

Quant à l’école que nous voulons, avec pédagogie alternative ou pas….

En isolant les jeunes humains, la première fonction de la pédagogie, de l’école, est de faire de l’enfance une classe sociale. Une classe soumise, dominée.
L’école installe une relation de pouvoir imprescriptible entre celui qui sait et celui qui ne sait pas. Aucune réussite scolaire, si brillante soit-elle, n’effacera jamais ce traumatisme.
L’école installe la soumission comme une fatalité indépassable, à peine soulagée du constat de la moindre intelligence de certains, renforçant ainsi l’idée même de hiérarchie sociale. Pire même, en lui conférant une valeur morale.
Ce rapport de domination conduit tout naturellement à un effet pygmalion inverse et condamne les élèves à l’apprentissage de l’oisiveté et la niaiserie.
L’acte pédagogique, même alternatif, en tant que média instrumenté entre l’homme et l’expérience, entre l’apprenant et le savoir, réduit ainsi la connaissance à un contenu évaluable, normatif et réducteur. Il transforme alors l’élève en une créature soumise à une hiérarchie dominée par des « experts » et s’impose ainsi comme premier maillon du contrôle social total.

Il nous faudrait alors proposer une « école » sans pédagogie, ouverte, mieux même, une école diluée dans la vraie vie, en prise avec le travail, les groupes, les familles… qui sont autant de lieux de transmission de savoirs indispensables, riches et diversifiés. Mais il s’agit là du travail débarrassé de l’idéologie sacrificielle qui en fait une valeur. Il s’agit là de la vraie vie débarrassée des relations de pouvoir et de soumission. Il s’agit là de l’école d’une autre société. que nous appelons de nos vœux.
Mais, aujourd’hui, pouvons nous réellement revendiquer une école qui n’isolerait pas les enfants des influences du monde le l’entreprise, du productivisme, de la société économique… alors même que cette étanchéité, que nous voulons protectrice et facilitatrice d’apprentissage, est justement ce qui installe l’enfance dans une classe sociale dominée.
Paradoxalement mais naturellement d’ailleurs, c’est cet enfermement protecteur qui ne laisse comme seul horizon indépassable, que l’emploi et l’idéologie de la compétence, de la performance.

On voit bien là tout le paradoxe de l’impossible choix. Il ne nous est pas possible dans notre société de proposer une école qui soit un outil de transformation sociale alors même que toute proposition d’école ou de pédagogie, même alternative, ne ferait que valider sa fonction de contrôle social.

Par contre, il nous est assez facile de définir l’école que nous ne voulons pas : l’école du pouvoir bourgeois, l’école de la soumission, l’école au service de l’entreprise, de l’économie. L’école de l’aliénation. L’école normative. L’école qui ne respecte pas ses travailleurs.

Par le combat syndical, par la lutte sociale, par le sabotage, par le refus de négocier, de cogérer et de se laisser «acheter », par la grève générale, nous avancerons vers la transformation sociale, préalable à toute proposition.

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Changeons de société, ENSUITE nous proposerons une autre école.
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8 Comments

  1. Questions de classe(s)

    QUELLE ECOLE NOUS VOULONS ?
    Voilà un débat qui questionne et qui ne date pas d’hier, sans qu’une réponse définitive ne soit à ce jour tranchée au sein du mouvement syndical dans l’éducation (et au-delà).

    Tout en respectant cette position et ne voulant pas entrer dans la polémique, quelques remarques sur ce texte, qui n’ont pas toutes la même valeur

    – On peut comprendre que le militant, accaparé par de nombreuses tâches légitimes, fasse le choix de ne pas s’engager dans son travail quotidien et le vive comme un gagne pain et se consacre aux luttes sociales. Il axe ses efforts pour se désaliéner en dehors de son travail et, bien qu’il en soit conscient, reste aliéné dans celui-ci. Ce qui coince un peu pour nous travailleurs de l’éducation, c’est qu’on ne construit pas des voitures ou des chaussures mais que nous avons des enfants avec nous et que ceux-ci ne sont pas simplement des objets.

    – On peut aussi, comme le conclut le texte, mettre en avant des luttes prioritaires et des luttes secondaires et penser que, tout étant dans tout, changer la société changera le reste. C’est souvent un argument mis en avant sur les questions transversales et on peut décliner la formule sur tout un tas de plan : changeons de société, ensuite nous proposerons d’autres rapports hommes/femmes, ensuite nous supprimerons le nucléaire, les armées, etc. Dans cette démarche, on ne peut de toute façon pas se passer de “pédagogie” (dans ou hors de l’école, dans le syndicat, les AG, etc.) car la société ne se change pas toute seule mais avec les individus aliénés, éduqués ou rééduqués, et que l’éducation officielle joue un gros rôle dans ce travail de domestication. Souvenons-nous que Jules Ferry, avec son école, voulait “clore l’ère des révolution” après la Commune de Paris et qu’il y ait parvenu ! Abandonner ce terrain, c’est leur laisser le champ libre. On peut difficilement analyser l’école comme un lieu de reproduction sociale et de tri et s’en satisfaire. D’autant que, toutes choses égales par ailleurs, l’action quotidienne n’est pas non plus neutre socialement…

    – Curieusement, cette position d’attendre la révolution pour changer l’école ne fut pas la position historique des syndicalistes révolutionnaires dans l’enseignement. Paradoxalement, ce fut plutôt celle des syndicats réformistes qui attendaient que les réformes viennent de l’extérieur et qui se contenter d’attendre le changement dans leur classe… Les premiers syndicalistes décidèrent de “ne pas attendre la révolution, mais de la commencer dans leur classe” (formule de Freinet). D’abord parce que cette réappropriation de leur travail, au nom d’un idéal collectif d’émancipation de la classe ouvrière par elle-même est constitutive des principes fondateurs du syndicalisme révolutionnaire qui voulait des travailleurs conscients, dans les luttes mais aussi dans leur travail pour se désaliéner. C’est ainsi que des militants, comme Albert Thierry, s’engagèrent dans la voie d’une “pédagogie d’action directe” au service du “refus de parvenir”.

    – Peut-être y a-t-il un moyen de surmonter ces contradictions en s’accordant sur la définition du mot “pédagogie”. S’il s’agit de dénoncer les mascarades pédagogiques, les “innovations” et autres bricolages, alors oui, condamnons ces pédagogies. Mais le choix ne sera jamais entre une école avec pédagogie ou une école sans pédagogie. On pense bien entendu à la formule “je ne fais pas de politique” bien connue à droite. “Je ne fais pas de pédagogie” est-elle une formule plus progressiste ? La pédagogie est la mise en oeuvre pratique d’un projet politique et social. Aujourd’hui la “pédagogie” officielle est au service des patrons et du pouvoir, l’histoire nous a montré qu’il existe d’autres pédagogies au service de projets émancipateurs (au service de et pas en remplacement de…)

    Voilà, j’espère que l’échange pourra se poursuivre pour avancer dans les ambiguïtés de ce système éducatif et dépasser nos raccourcis pour marcher ensemble, syndicalement et pédagogiquement, sur nos deux jambes !

    Grégory Chambat

    • anne querrien

      QUELLE ECOLE NOUS VOULONS ?
      Je partage l’opinion de Célestin Freinet cité par Gregory Chambat: il ne faut pas attendre la révolution mais commencer à la faire dans sa classe. Cela veut dire quoi: faire la révolution? C’est agir avec le projet que tous les êtres humains deviennent égaux, et faire en sorte que ce devenir prenne dans le réel ici et maintenant. Faire la révolution dans la classe c’est l’organiser de telle manière que professeur et élèves soient pris dans ce devenir égaux, l’agissent ensemble, en partageant les savoirs propres que peuvent avoir les uns et les autres. Cela n’a rien de facile, mais cela peut donner des idées sur les relations entre militants dans les organisations, cela peut créer un nouveau paysage de vie, à condition d’être prudent. Car cette égalité pratiquée donne une puissance qui peut souffler de ne plus tenir compte des limites, comme l’a expérimenté Célestin Freinet à ses dépens. Une histoire qui peut ne pas être lue comme une histoire de limites, mais comme l’exclusion des autres, dans le cas de Freinet les clients des antiquaires, de ce devenir égal réalisé dans la classe. L’égalité est difficile à construire quand elle se heurte au stéréotype de la division en classes par exemple.

  2. itteruz

    QUELLE ECOLE NOUS VOULONS ?
    je suis plutôt en accord avec l’esprit des commentaires de Grégory et d’Anne, sauf qu’étrangement ils répondent à côté de la critique portée par Sud educ GRRR. Ils ne répondent en fait qu’à la dernière phrase “changeons de société d’abord, ensuite nous changerons l’école”. Alors j’entends bien que Freinet a dit qu’il fallait faire la révolution sans attendre, là où on est (dans sa classe en ce qui le concerne). Freinet par ailleurs militait politiquement (en tout cas pendant longtemps – jusqu’à ce que sa “place” de pédagogue expert ne l’aliène ?). Quel que soit le boulot qu’on a, quelle que soit la passion qu’on a, on ne peut être “révolutionnaire” que si on lie sa pratique à des pratiques collectives en dehors de son petit milieu. Où sont les pédagogues dans les luttes sociales ? Où sont Vitruve, où sont le LAP (pardon Pascal, je cherche les autres) ?

    Grégory, nous parlons d’un système scolaire d’état. La question n’est pas la même que celle de la hiérarchisation entre la lutte des classes et les luttes transversales, qui sont autonomes. Il n’y a pas de classe ou d’établissement autonome dans le cadre étatique, il n’y a à la limite que des TAZ (et c’est bien, mais c’est provisoire et limité). Les syndicalistes révolutionnaires prônaient une éducation autonome, à tout âge, via les Bourses du Travail entre autres, non ? Quelle possibilité d’éducation autonome aujourd’hui ? Bonaventure (qui avait tout mon soutien) a foiré. Quelques tentatives très isolées existent en bretagne où sur le plateau de Millevaches (où paît la vache des mille-plateaux =). L’école d’état ne peut être comparé au quartier, dans lequel on développe des luttes transversales autonomes (rapports hommes-femmes, sexualités, refus du travail, échanges non-financiers…). L’école, c’est comme l’hôpital, la banque, la prison, le commissariat… on peut être cool, ouvert, pédagogue, innovant…. ça ne remet pas en question le système. Alors, les enfants n’étant pas des objets (ni les taulards, ni les patients…), faut-il être le plus cool possible ? A priori je dis oui, et je pense que c’est ce que je suis. Mais : cela permet-il l’émancipation ? Peut-on s’émanciper à l’intérieur du système, ou ne peut-on s’émanciper que contre le système ?

    Et par ailleurs, ,de quelle émancipation parle-t-on ? Au temps de Freinet et des autres, l’école dite primaire était l’école du peuple (les autres allaient dans le secondaire dès 7 ans). Construire des outils pour l’émancipation des élèves, c’était donc à la fois espérer l’émancipation individuelle et l’émancipation collective, en tant que classe sociale. Albert Thierry avait défini le “refus de parvenir”, qui n’empêchait pas de développer ses compétences, mais qui impliquait de toujours les mettre au service de sa classe. Qu’on regrette ou non ce bon vieux temps, il a changé. Les pédagogues d’aujourd’hui qui parlent d’émancipation ne peuvent plus parler que d’émancipation individuelle, car il n’y a plus dans les écoles de “classe unique” (vous me suivez ?), il y a “mixité” (plus ou moins, mais là où il n’y a pas mixité il y a ghetto – qui fait de la pédago dans un ghetto aujourd’hui ? Mons-en-Bareuil certes, c’est tout, non ?). Je pense que l’école ne peut plus être un lieu d’émancipation collective, et que donc ça rend caduque toute velléité pédagogique.

    Donc oui il ne reste que les luttes sociales, globale et transversales.

    Dernier point, pour en revenir au point soulevé par le texte de Sud GRRR et auquel vous évitez étrangement de répondre : dans cette société comme dans une société future et formidable, est-il sain que des individus soient experts en éducation (notamment des enfants), au point d’y consacrer tout leur temps, leur passion et leur énergie ? Oublions pour l’instant la société future et répondons pour aujourd’hui. Allez je pose un élément sur la table : je dis que le problème n’est pas tant que ces travailleurs-ses soient aliéné-e-s à leur tâche, le risque est qu’ainsi ils ne puissent qu’aliéner leurs élèves en instaurant un rapport maître/élève, fut-ce le maître un maître-camarade. La question pédagogique serait alors celle des rapports entre élèves, et celle des rapports entre les élèves et les adultes non experts en pédagogie (les parents, les travailleurs-ses, la vie dehors, quoi ?). En gros, la seule chose dont la pédagogie devrait absolument se passer ne serait-ce pas les pédagogues ?

    allez bises =)
    olivier “itteruz”

    • Marc

      QUELLE ECOLE NOUS VOULONS ?
      Bonjpur
      Si je suis d’accord avec vous sur beaucoup de points, votre dernier pont de vue “En gros, la seule chose dont la pédagogie devrait absolument se passer ne serait-ce pas les pédagogues ?” pose question.
      J’ai essayé de réfléchir à la question que vous posez. Si on élargit votre point de vue, à la société toute entière, et quelque soit le domaine, pourrait-on se passer de profs de musique, d’entraîneurs, d’animateurs sportifs, d’animateurs de théâtre, de profs d’arts…. Et j’en passe… Toutes ces personnes ne sont-ils pas des pédagogues? Qui serait prêt dans notre socièré actuelle de consommation où finalement tout se monnaie… à se passer de tous ces gens qui vivent souvent avec des contrats précaires? Ne serait-ce pas plutôt de lieux “éduacatifs” intergénérationnels dont notre société a besoin? Des personnes comme Laurent Ott et “la pédagogie sociiale” qu’il préconise, comme Bernard Collot et “sa pédagogie de la structure et de la communication” vont dans le sens que vous évoquez. De là, à généraliser ces pratiques, il faudrait un grand changement de mentalités…
      Bien coopérativement
      Marc

  3. Questions de classe(s)

    Quelle école voulons-nous ?
    Pour répondre au message d’Olivier, je voudrais reprendre quelques unes de ses remarques

    je suis plutôt en accord avec l’esprit des commentaires de Grégory et d’Anne, sauf qu’étrangement ils répondent à côté de la critique portée par Sud educ GRRR. Ils ne répondent en fait qu’à la dernière phrase « changeons de société d’abord, ensuite nous changerons l’école ».

    Oui, c’est vrai. Mais pour deux raisons :
    1 – je partage un certain nombre des réflexions du texte dans lesquelles je me retrouve mais justement je n’arrive pas à la même conclusion qui me semble du coup un peu déconnectée du reste
    2 – je crois que c’est bien cette posture finale qui pose problème

    Alors j’entends bien que Freinet a dit qu’il fallait faire la révolution sans attendre, là où on est (dans sa classe en ce qui le concerne). Freinet par ailleurs militait politiquement (en tout cas pendant longtemps – jusqu’à ce que sa « place » de pédagogue expert ne l’aliène ?). Quel que soit le boulot qu’on a, quelle que soit la passion qu’on a, on ne peut être « révolutionnaire » que si on lie sa pratique à des pratiques collectives en dehors de son petit milieu.

    Tout à fait d’accord, c’est bien cette cohérence entre projet politique et pratiques quotidiennes qui me font dire que la conclusion devrait être “faisons la révolution, dans la société et dans nos école !”

    Où sont les pédagogues dans les luttes sociales ? Où sont Vitruve, où sont le LAP (pardon Pascal, je cherche les autres) ?

    D’abord je pense que de nombreux pédagogues se retrouvent dans les luttes, ensuite, on pourrait retourner la question, que font les militants révolutionnaires dans leur classe ?

    […] Les syndicalistes révolutionnaires prônaient une éducation autonome, à tout âge, via les Bourses du Travail entre autres, non ? Quelle possibilité d’éducation autonome aujourd’hui ? Bonaventure (qui avait tout mon soutien) a foiré. Quelques tentatives très isolées existent en bretagne où sur le plateau de Millevaches (où paît la vache des mille-plateaux =). L’école d’état ne peut être comparé au quartier, dans lequel on développe des luttes transversales autonomes (rapports hommes-femmes, sexualités, refus du travail, échanges non-financiers…).

    Si le syndicalistes de la CGT du début du siècle ont caressé l’idée de développer leurs propres structures éducatives, c’est déjà qu’ils pensaient que ce n’était pas un combat annexe mais fondamental (“Instruire pour révolter” disait Pelloutier). Faute de moyens, mais aussi du fait de l’action des instituteurs et institutrices ralliés à la CGT ils ont transformé ce projet en pensant que, puisque les enfants de la classe ouvrière était dans l’école publique c’est là que devait se passer leur combat.

    L’école, c’est comme l’hôpital, la banque, la prison, le commissariat… on peut être cool, ouvert, pédagogue, innovant…. ça ne remet pas en question le système. Alors, les enfants n’étant pas des objets (ni les taulards, ni les patients…), faut-il être le plus cool possible ? A priori je dis oui, et je pense que c’est ce que je suis. Mais : cela permet-il l’émancipation ? Peut-on s’émanciper à l’intérieur du système, ou ne peut-on s’émanciper que contre le système ?

    Là, je ne te suis plus trop (bon, l’école et le commissariat, c’est quand même pas la même chose ni la même fonction…). Ensuite, les luttes se déroulent aussi à l’hopital (cf par ex Act Up), dans les prisons, etc. Il ne s’agit pas non plus d’être “cool” mais de créer et de pratiquer des outils porteurs d’émancipation (savoir s’organiser, prendre la parole, travailler collectivement, etc.) on ne s’émancipe pas dans le système, on s’émancipe en le combattant, mais nous y sommes tous…

    Et par ailleurs, ,de quelle émancipation parle-t-on ? Au temps de Freinet et des autres, l’école dite primaire était l’école du peuple (les autres allaient dans le secondaire dès 7 ans). Construire des outils pour l’émancipation des élèves, c’était donc à la fois espérer l’émancipation individuelle et l’émancipation collective, en tant que classe sociale. Albert Thierry avait défini le « refus de parvenir », qui n’empêchait pas de développer ses compétences, mais qui impliquait de toujours les mettre au service de sa classe. Qu’on regrette ou non ce bon vieux temps, il a changé. Les pédagogues d’aujourd’hui qui parlent d’émancipation ne peuvent plus parler que d’émancipation individuelle, car il n’y a plus dans les écoles de « classe unique » (vous me suivez ?), il y a « mixité » (plus ou moins, mais là où il n’y a pas mixité il y a ghetto – qui fait de la pédago dans un ghetto aujourd’hui ? Mons-en-Bareuil certes, c’est tout, non ?). Je pense que l’école ne peut plus être un lieu d’émancipation collective, et que donc ça rend caduque toute velléité pédagogique.

    Les pédagogues d’aujourd’hui parlent d’émancipation individuelle, mais rien n’empêche de lutter aussi pour une émancipation collective. Nous sommes nombreux à enseigner dans les établissements auxquels tu sembles faire référence, moi, c’est à Mantes. Que l’école ne soit pas le lieu “de” l’émancipation collective, c’est certain, mais ces lieux sont à construire, partout où nous sommes, et donc aussi à l’école

    Donc oui il ne reste que les luttes sociales, globale et transversales.

    Là encore, j’ai du mal à voir le lien, c’est, il me semble, un raccourci, peut-être pour la démonstration, mais qui ne tient pas compte de notre réalité quotidienne…

    Dernier point, pour en revenir au point soulevé par le texte de Sud GRRR et auquel vous évitez étrangement de répondre : dans cette société comme dans une société future et formidable, est-il sain que des individus soient experts en éducation (notamment des enfants), au point d’y consacrer tout leur temps, leur passion et leur énergie ? Oublions pour l’instant la société future et répondons pour aujourd’hui. Allez je pose un élément sur la table : je dis que le problème n’est pas tant que ces travailleurs-ses soient aliéné-e-s à leur tâche, le risque est qu’ainsi ils ne puissent qu’aliéner leurs élèves en instaurant un rapport maître/élève, fut-ce le maître un maître-camarade. La question pédagogique serait alors celle des rapports entre élèves, et celle des rapports entre les élèves et les adultes non experts en pédagogie (les parents, les travailleurs-ses, la vie dehors, quoi ?). En gros, la seule chose dont la pédagogie devrait absolument se passer ne serait-ce pas les pédagogues ?

    Bon, mais faut-il pour autant, attendant le grand soir, se faire les promoteurs ou les spectateurs de l’éducation qui est actuellement délivrée ? On reste les bras croisés, reproduisant les mêmes méthodes entre deux manifs ou deux journées de grève ? Il faut qu’on arrive à sortir de ces oppositions tranchées, sans nuances, c’est dans la confrontation de nos points de vue, dans l’intégration réciproque des analyses de suns et des autres qu’on pourra avancer, comme sur ce site.

    Voilà, comme il se trouve que j’ai planté ma première réponse, celle-ci reste incomplète et j’ai oublié plein de choses en chemin… Mais j’attends la suite !

    allez bises =)
    Oui, aussi
    olivier « itteruz »

    Grégory Chambat

  4. Adrien Mascarille

    Quelle école voulons-nous ?
    Je reviens, tardivement, car la discussion est peut-être dépassée, sur les quelques textes proposés à la lecture publique à partir des débats du syndicat Sud Education.
    On ne peut que rester admiratif devant la constance, la patience et le courage des membres du site Q2C : tenter de réconcilier tant de positions opposées des pédagogues et syndicalistes est, à l’évidence, une bien lourde tache. Utile ? Là est sans doute la vraie question.
    Il y a d’abord une vraie sidération de voir les pédagogues croire encore intéressant de faire la révolution dans sa classe. Quand Monsieur Freinet parlait de cela, il y a fort à parier qu’il parlait d’école (et de ses classes uniques de l’époque). Les syndicalistes n’ont évidemment pas tort de moquer ou de retoquer une telle erreur d’appréciation et d’envergure. Le monde a changé, est-il rappelé. Il faudrait évidemment changer de dimension et œuvrer dans une direction plus collective. Les écoles existent, que les pédagogues prétendus révolutionnaires s’en emparent.

    On est ensuite admiratif des militants révolutionnaires et de leur miroir, beau miroir, débarrassés de l’aliénation et convaincus d’avoir réalisés leur propre émancipation grâce aux luttes.
    Est-on en droit alors d’interroger le bilan des fameuses luttes, pas de la manif-prozac, pas de la petite grève anti-dépressive qui transforme le quotidien, pas de l’APPEL Solennel à la grève générale qui n’a jamais lieu, pas des révolutions qui ont toutes foiré, non, quel bilan réel des luttes, quelles avancées ? Inventaire !

    Il y a un instant révélateur, dans le texte qui fait source et qui pourtant, au vu du titre si accrocheur, aurait pu nous laisser espérer des pistes, c’est le passage sur la définition de « l’école que nous ne voulons pas ».
    La définition qu’en donnent ces révolutionnaires n’est pas à la hauteur. Leur prose se termine en tract et c’est tout de suite les grands mots raccoleurs : bourgeois, pouvoir, soumission, entreprise, aliénation, etc.
    Rien d’autre que : facilités, fadeurs et banalités, lieux communs d’une théorie critique erratique. On comprend mieux qu’il faille se réfugier dans le rêve et dans les luttes pour une société future, émancipatrice et désaliénante.

    Adrien Mascarille

  5. Anonyme

    Quelle école voulons-nous ?
    Célestin Freinet :
    « Oui, changeons la société, mais luttons aussi pour changer l’école, car il s’agit de LUTTER SUR DEUX FRONTS à la fois, sur le front politique et sur le front culturel…
    Nous ne comprendrions pas que des camarades fassent de la pédagogie nouvelle, sans se soucier des parties décisives qui se jouent à la porte de l’école, mais nous ne comprenons pas davantage les éducateurs qui se passionnent activement pour l’action militante et restent dans leur classe de paisibles conservateurs. »

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