Menu Fermer

Pourquoi ?

L’édito de la revue l’Émancipation syndicale et pédagogique N°5, janvier 2014

“Pourquoi ?”, peut-on parfois entendre de collègues de travail prenant conscience de la politique réelle de ce gouvernement. Car la question mérite d’être posée. Dans cette année 2013 plusieurs mesures importantes dirigées contre le salariat et l’école publique ont été décidées ou mises en place : Accord national interprofessionnel sur l’emploi, nouveau recul social sur les retraites, décret sur les “rythmes scolaires”, projet sur les métiers de l’éducation, hausse de la TVA… et encore nous n’énumérerons pas les domaines dans lesquels ce gouvernement prolonge les orientations de l’UMP, depuis la politique de Valls jusqu’aux traités européens en passant par l’austérité budgétaire. Alors pourquoi ? Parce que le capitalisme français, mis en difficulté dans le cadre de la concurrence internationale exacerbée, doit à tout prix baisser le “coût du travail”. Et logiquement, comme ses agressions rencontrent des résistances, répression et discours sécuritaires ou diviseurs ne sont jamais loin. Et le gouvernement, ne voulant pas affronter le capital, n’a plus qu’à en appliquer la politique.

“Pourquoi ?” peuvent aussi se demander les militantEs en constatant que le mouvement syndical n’a pu contrer aucune de ces attaques. En effet, son incapacité à impulser les luttes nécessaires, voire même dans certains cas à simplement caractériser les mesures gouvernementales pour ce qu’elles sont, est évidente. Là encore, il n’y a pas de mystère : quand le syndicalisme renonce à porter une perspective d’émancipation du salariat articulant ses revendications avec la recherche d’une autre société, quand il s’accommode de l’ordre social existant – autrement dit du capitalisme – et ne vise au fond qu’à l’aménager. Comment peut-il s’opposer réellement au pouvoir garant de ce même ordre social ? Comment dans ce cas développer les luttes sur des revendications de rupture, en exigeant le retrait pur et simple des projets néfastes et en leur opposant des revendications qui n’ont pas à se borner à des aménagements à la marge ?

“Pourquoi ?”, enfin, pouvons-nous nous demander, pourquoi continuer à porter une alternative syndicale minoritaire, pour laquelle les dynamiques de mobilisation importent plus que les boutiques syndicales mêmes autoproclamées “radicales” ? Tout simplement parce que les syndicats doivent avant tout être au service des luttes fondées sur l’auto-organisation des personnels : comment penser une société gérée par les travailleurs et les travailleuses sans commencer par leur permettre de gérer leurs propres luttes ici et maintenant ?

Car il n’y a pas de raccourci. La conscience collective de la nécessité de la rupture avec le capitalisme se forge dans l’action sur les revendications et pas dans les “journées d’action” ponctuant un “dialogue social” organisé par le pouvoir.

Et aussi parce qu’il ne suffit pas pour le syndicalisme de rester dans une posture défensive : resituer ses luttes dans un cadre général visant à une autre école dans une autre société, est aussi une priorité. Car tel est finalement l’enjeu, qui a peu varié depuis que les premierEs militantEs de la CGT l’ont défini : “L’action de chaque jour se suffit rarement à elle-même, elle a besoin de souvenirs qui la soutiennent et d’espérances qui l’exaltent, en d’autres termes, d’une tradition quelquefois légendaire, d’un idéal, peut-être inaccessible” (1).

Quentin Dauphiné, 28/12/2013 □

(1) La Bataille syndicaliste, 28 mai 1911.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *