Par Pierre-Emmanuel Weck – Zone Photographique Temporaire
C’était la première fois, en 1995, que je me rendais sur un camp de Roms.
J’avais de vagues représentations de cette communauté, de sa culture, quelques idées reçues, de l’empathie et une légère méfiance.
Le matin, j’avais été faire un défilé de mode et comme, là aussi, c’était mon premier défilé dans un univers que je ne connaissais absolument pas, j’y étais allé avec une cravate ! Dans les deux cas, j’étais donc déguisé et complètement en décalage…
Heureusement les enfants trouvèrent une utilisation à cette cravate, elle leur servait de laisse pour me trimballer dans les allées entre les caravanes afin de me faire faire des portraits à tous les habitants du bidonville.
C’est comme ça que je suis devenu photographe public comme il y a des écrivains publics.
Je revenais chaque semaine pour distribuer les tirages papier, en faisant bien attention de ne les donner qu’aux personnes concernées. Sinon les clichés étaient retrouvés déchirés sur le sol ou revendus aux portraiturés par un intermédiaire qui avait dit être de la famille… Des pratiques pas pire qu’ailleurs, juste liées à la débrouille de la misère.
J’ai aussi croisé la photographe Diane Grimonet qui s’y est fait voler son Leica… tandis que je laissais ma voiture ouverte avec mon Rolleiflex en évidence sans qu’il ne se passe rien.
Je me souviens aussi que la mairie communiste de Saint-Ouen avait embauché des vigiles pour empêcher les parents d’inscrire leurs enfants dans les écoles de la ville. « Prolétaires de tous les pays… » enfin pas tous, et surtout pas les sous-prolétaires…
Le matin, les femmes et les enfants partaient mendier dans Paris. Le soir quand tout le monde revenait, la musique enveloppait les caravanes.
Je l’ai ai tous perdu de vu après l’expulsion du campement suite à l’invasion de rats qui remontaient des sous-sols la nuit pour attaquer les enfants. Déplacer la misère un peu plus loin…
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