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Paroles de stage : C’est quoi la subversion ?

Un extrait du n° de la revue N’Autre école prolongement du stage de Créteil des 30 et 31 janvier ; “Subvertir la pédagogie”

C’est quoi la subversion ?

« Subvertir », c’est « renverser », dit le dictionnaire. Mais ce que j’ai compris au cours du stage des 30-31 janvier, moi (prof de base, non militante) qui n’y connais à peu près rien, c’est ceci : la subversion est plutôt dans le déplacement que dans le renversement. Déplacement des perspectives, des attentes, des discours, des responsabilités, ou tout simplement des activités demandées aux élèves.

Remi Hess, invité pour la conférence inaugurale, a donné d’emblée le ton et l’exemple, en montrant toute la portée subversive d’une activité aussi anodine en apparence que la pratique du journal. Tenir le journal non seulement de ses pratiques pédagogiques, réussies ou non, mais aussi de ses relations avec les collègues, avec la hiérarchie, avec les élèves, c’est déplacer la vie réelle et professionnelle sur l’espace du papier et l’aborder ainsi par un angle nouveau. Faire circuler ensuite, comme il le fait (ce qui demande un certain courage, avouons-le), ce journal auprès de ses collègues ou de ses proches, c’est inévitablement faire bouger le public concerné… et soi-même.

À plus grande échelle, c’est toute l’école qui se déplace régulièrement et systématiquement depuis quelques années, mais pas forcément du côté que l’on voudrait : la puissance néolibérale semble l’attirer comme un aimant, a montré Charlotte Nordmann dans sa conférence. Subversion, certes, mais inquiétante cette fois – pour quiconque croit en l’éducation comme institution à part, absolument inaliénable. Contre ce glissement vers une logique économique, l’ensemble des ateliers ont en quelque sorte rappelé la nécessité de ramener l’école vers une logique purement politique. Il ne s’agit pas de former de futurs salariés, il s’agit de former de futurs citoyens.

Pour cela, tirons à nouveau à nous la couverture de la pédagogie ! Déplaçons les responsabilités, par exemple : l’école autogérée, libérée des évaluations notées et de la discipline contraignante, ça fonctionne. Déplaçons les clichés, les préjugés, les non-dits de la domination masculine – et blanche, et hétérosexuelle – qui nous automatisent le cerveau malgré nous. Et plus modestement, on peut commencer par déplacer le moment des cours dans notre pratique de classe : les cours à la maison, les exercices en classe – c’est la classe inversée. Pour ce projet, une ou deux années devraient suffire à le mettre en place. Pour les deux précédents, prévoir une vie.

Oui, il y a du boulot : déplacer un mastodonte de la taille de l’école, ça ne se fait pas tout seul. Mais justement : nous ne nous sommes pas sentis seuls les 30-31 janvier derniers. Nous étions très nombreux. □

Valérie Sourisseau, professeur de lettres, Lycée Mozart, Le Blanc-Mesnil (93)

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