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Nous démolissons en construisant

« Nous démolissons en construisant » Helena Radlinska.

On oppose souvent ceux qui seraient réalistes, qui s’adapteraient à tout ce qui est inacceptable dans le cours de l’économie, de la politique et du monde du travail, à ceux, qui, négatifs, s’enfermeraient dans la critique stérile, s’isoleraient , et en quelque sorte créeraient eux mêmes leur propre échec.

C’est ainsi qu’au nom d’un réalisme douteux, on décourage toute protestation, on fonde le fatalisme, le découragement et la tentation des fuites individuelles. Et ceux qui ne font que valider l’ordre des choses, surfer sur les bonnes vagues, vérifier ce qui avait été prédit et préparé, se donnent ainsi l’apparence flatteuse de ceux qui « font », « entreprennent », prennent des « risques », « travaillent » …

A l’inverse, nombreux sont ceux aussi, qui , par refus de se compromettre, d’accepter d’agir dans une situation donnée au motif qu’on est contre, sont la proie d’une étrange logique du pire; celle qui tente les minorités impuissantes,. On se met à espérer le loup contre lequel on a tant crié, car « au moins on verra ce qu’on verra ».

Sous prétexte de refuser, rejeter et abolir ce que l’on désapprouve dans la réalité, on s’enivre de déclarations musclées, de manifestes et d’appels , qui ne révèlent que l’impuissance de ceux qui ont perdu pied depuis un moment.

Chacune de ces deux tendances contribue encore plus à enraciner les violences et injustices qu’il est pourtant de bon ton, de dénoncer.

A ces deux impasses, la Pédagogie Sociale propose une ouverture déjà esquissée depuis la création du concept par Helena Radlinska en 1910: « Construire en démolissant, démolir en construisant ».

Nous construisons en démolissant. Car il y a tant de choses à construire. Ce que nous mettons en oeuvre, hors les murs, sont de véritables créations sociales. Il s’agit de redonner du sens au travail commun (en dehors de toute idée de marché), à éduquer en commun (en dehors de toute référence à des structures fermées), à agir et ne plus être usagers, à s’enraciner et vivre son environnement pour ne plus être « habitant ». Ce que nous mettons en oeuvre contribue à détruire l’ordre ancien, mais immédiatement crée, ouvre et propose d’autres horizons. Si nous quittons l’école c’est pour faire de la vie et de la ville une école; si nous désinstitutionnalisons, c’est pour mieux instituer. Si nous critiquons les formations professionnelles éducatives et sociales c’est pour promouvoir des formations qui seraient – enfin – de véritables TRANSformations.

Nous démolissons en construisant. Car il y a tant de choses à détruire, abolir ; tant de choses qui ne se réparent pas, ne se réforment pas, ne se discutent pas, et ne se marchandent pas davantage. Nous ne pouvons plus valider des institutions qui excluent, qui produisent de la précarité, qui fabriquent de l’inégalité, de la distinction, de la hiérarchie. Nous ne pouvons pas réformer des structures qui séparent les âges, les groupes, les destins. Nous ne pouvons pas valider la recherche des gagnants, le tri des meilleurs et la dévalorisation de ceux qui produisent le lien social.

Nous ne construirons rien de solide sur de mauvaises fondations.

[fuchia]« Évoquer l’écologie, c’est comme parler du suffrage universel et du repos du dimanche : dans un premier temps, tous les bourgeois et tous les partisans de l’ordre vous disent que vous voulez leur ruine, le triomphe de l’anarchie et de l’obscurantisme.

[fuchia]Puis, dans un deuxième temps, quand la force des choses et la pression populaire deviennent irrésistibles, on vous accorde ce qu’on vous refusait hier et, fondamentalement, rien ne change. C’est pourquoi il faut d’emblée poser la question franchement : que voulons-nous ? Un capitalisme qui s’accommode des contraintes écologiques ou une révolution économique, sociale et culturelle qui abolit les contraintes du capitalisme et par là même, instaure un nouveau rapport des hommes à la collectivité, à leur environnement et à la nature ? Il vaut mieux tenter de définir, dès le départ, pour quoi on lutte et pas seulement contre quoi. » [/fuchia][/fuchia]

André Gorz

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