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Notre mode de gouvernance (IV et fin): Transmission versus Communication

Pour lire l’introduction et la partie I Notre mode de gouvernance : Appropriation
Pour lire la partie II Notre mode de gouvernance : Clarté versus Transparence
Pour lire la partie III Notre mode de gouvernance : Directivité versus dirigisme

Communiquer c’est mettre en commun quelque chose qui vient de nous. C’est entreprendre de « rendre commun » ce qui nous préoccupe, ce qui nous motive, ou nos propres intérêts. C’est pour cela que toute communication est toujours peu ou prou une sorte d’invasion.

Communiquer c’est envahir la pensée d’autrui, ou en tout cas l’occuper ou l’orienter. Il est étrange que l’on nous présente toujours cette communication comme une chance, un droit, une richesse , ou un don: tout ce qu’elle n’est pas . L’information est nécessaire, la communication sert, quant à elle, bien d’autres objectifs.

Tout a été fait pour que la communication devienne une injonction de tous les moments et pour tous, autant que nous sommes. Si nous ne réussissons, pas, nous dit-on, ce serait parce que nous communiquerions mal ou que nous ne saurions pas communiquer.

D’une certaine manière , nous avons été petit à petit conditionnés à apporter plus de valeur à la communication, plutôt qu’aux faits réels. « Que peut la réalité , s’interrogeait Alain Badiou, face à sa représentation? »; on pourrait dire à sa communication.

Aujourd’hui, les actes et la réalité importent moins que l’image qu’on en donne; que le contrôle des moyens de leur communication.

A Robinson, nous nous heurtons tous les jours aux ravages du contrôle de l’actualité locale, par ceux qui en font profession et en exercent le pouvoir; comment peuvent-ils à créer l’illusion qu’une action aussi développée , renouvelée, ancienne et constante que celle que nous menons, semaine après semaine, depuis tant d’années, existerait à peine , serait secondaire ou sans intérêt? C’est simple, ils y parviennent (très localement, heureusement), en bâtissant soigneusement un mur de silence, et en usant leur monopole de tous les moyens de communication locaux, tout et n’importe quoi pour faire rideau de fumée.

Car telle est la fonction de la communication: elle sert couramment bien davantage à occulter, qu’à révéler. Comme le prestidigitateur qui exhibe sa main droite, tandis que sa main gauche réalise le trucage, la lumière de l’information sert essentiellement à produire de l’ombre. Pour une chose, mise à jour, communiquée, toutes les autres sont cachées.

Transmettre, c’est bien autre chose. Si communiquer, c’est s’approprier une part de la pensée des autres, transmettre , au contraire relève de l’inconditionnalité du don.

Transmettre, c’est lâcher , donner de soi plutôt que conquérir autrui; transmettre c’est renoncer à contrôler ce qui sera fait de ce qui a été transmis.

La Pédagogie sociale est une pédagogie de la transmission dans une société qui peine de plus en plus en plus à transmettre. Quel monde, quelle économie transmettons nous à nos enfants? Comment comprendre qu’il n’est plus possible de leur transmettre un avenir alors que c’était la norme jusqu’à la fin du siècle dernier? Pourquoi les biens des classes moyennes et des pauvres, s’épuisent dorénavant pour financer la vieillesse des anciens, et ne se transmettent plus aux jeunes?

Comment comprendre cette non-transmission des cultures , des histoires, des expériences?

Par ses pratiques inconditionnelles (gratuité, libre initiative, inconditionnalité de l’accueil) la Pédagogie Sociale se prête naturellement à toutes les transmissions horizontales, comme verticales.

Il n’est donc pas étonnant que nous en fassions également un mode de gouvernance; entre nous , en interne et dans nos réseaux, nous organisons le plus de transmissions possibles. Nous mettons en place des chantiers pour transmettre nos expériences, des KroniKs pour transmettre notre vécu, des articles, des écrits , pour transmettre nos théories, des stages et des formations, pour transmettre nos pratiques.

Nous ne nous contentons pas d’informer , il s’agit de cultiver, de porter des fruits. De même que le travail qui, s’opère dans nos jardins, notre verger, notre rucher n’est pas là pour être communiqué, mais pour produire des fruits, du miel et des légumes; de même le travail qui s’opère dans nos ateliers, nos soirées, conviviales, nos chantiers, nos locaux , nos réseaux sont là pour essaimer et donner le jour à bien d’autres expériences.

[fuchia]« Nos Etats semblent devoir se complaire dans un mode de gouvernement resserré où la participation des populations à la chose publique est cantonnée à l’élection de ceux qui vont se comporter comme leurs maîtres pendant leur mandat.

Le pouvoir des citoyens se limitant à la possibilité de changer périodiquement de maître. Mais comme ils ne contrôlent pas la métamorphose de ces derniers, qui ont choisi de se reproduire par scissiparité, il leur faut bien faire avec des copies conformes se succédant aux mêmes postes de responsabilité, appliquant le même « logiciel », comme ils disent avec fierté. » M Barthélémy[/fuchia]

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