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Les élèves perdants

Comment instruire les élèves qui ne comprennent plus rien à l’école et que l’école ne comprend plus ? Au lieu de leur fournir un enseignement à leur portée, on les maintient dans des classes où ils ne progressent pas malgré les quelques palliatifs ou gadgets que l’Éducation nationale expérimente à longueur de réformes.
Cette forme de marasme offre un double avantage objectif au système. D’une part, les parents de ses élèves ne constituent pas un rapport de force contre l’école puisque leurs enfants montent de classe en classe comme les autres. D’autre part, des élèves en difficulté, maintenus dans la masse (même si parfois un redoublement les frappe), coûtent moins cher que s’ils bénéficiaient d’une scolarité avec un soutien pertinent.
Dans ce qu’on appelle l’opinion, une préoccupation égalitaire qualifiée de républicaine, redoute les pédagogies personnalisées, spécifiquement ajustées à chaque enfant qui ne réussit pas à l’école avec les méthodes tout-venant. Les oppositions sont au moins de deux ordres. D’un côté, il y a les partisans de la sévérité considérant que la meilleure des socialisations pour un jeune c’est d’être traité comme tout le monde et qu’en conséquence, sauf cas médical lourd, il doit en baver pour réussir à l’école.
D’un autre côté, on trouve les anti-profs viscéraux qui estiment que tout diagnostic sur l’échec scolaire par les enseignants pourrait se transformer en bannissement de nombreux élèves (faibles, contre performants, indésirables…) dans des dispositifs (voies de garage, classes dépotoirs). Quelques anti-profs prêtent même aux enseignants des arrières pensées, puisque le retrait de certains élèves des classes lambda serait susceptible d’améliorer les conditions de travail des profs.
La commande est simple : il faut nier l’échec et ne pas chercher à le connaître avec précision. Il y a un rejet des cursus spécifiques pour le traiter, à l’exception de procédés ressemblant à des cours particuliers. Les pédagogues innovants sont donc sommés de dispenser un enseignement conventionnel aux jeunes en échec, tout en leur proposant une pédagogie individualisée qui ne les différencie surtout pas de leurs camarades de la masse.
En attendant ce mouton à cinq pattes, à partir du collège il existe une kyrielle de dispositifs consistant à diriger les mauvais élèves (parfois à problème) vers la préparation rapide d’un métier avec en perspective une admission quasi compassionnelle en centre d’apprentissage ou Lycée dans une voie professionnelle peu renommée puisque celles qui le sont ne recrutent pas les perdants.

Gilles D’Autan

4 Comments

  1. Béranger

    Les élèves perdants
    Ces élèves ‘perdants’ semblent effectivement bien emmerder tout le monde et en plus ils sont majoritairement issus des classes populaires !.. car évidemment Dieu n’a fait naître que des ‘cons ‘ chez les pauvres ! ! J’espère que cet édito sera revu en reconnaissant que ces élèves perdants disposent d’une richesse de parcours qui est susceptible d’apporter beaucoup au nouveau monde que nous espérons.. cette autre école qu’il nous faut pour le construire doit parler promotion collective, entraide, solidarité..

  2. Galiana

    Les élèves perdants
    Bien vu !
    Mais dans un système où tout est dirigé par un tableur Excel, dans un système où le politiquement correct et les économies sont la règle, en quelle position arrive l’intérêt de l’individu élève ? Le système est fait pour traiter une masse et des flux. Si on y ajoute que le prof n’est plus un concepteur mais un exécutant parmi les moins bien payés de l’OCDE…. on arrive a un blocage où le maillon le plus faible trinque. Et devinez quel est ce maillon ?

  3. Muriel Pujol

    Les élèves perdants
    N’oublions pas non plus les élèves précoces qui sont souvent en difficulté aussi! Personnellement, je pense que le collège unique est une catastrophe. Tant pour les bons que pour les plus fragiles… Adaptons le cursus à TOUS ces élèves. Au lieu de diversifier et de nous éreinter au sein de chaque classe, repensons des groupes de niveau… Mon fils en 2nde PRO pour la première fois à la rentrée de janvier m’a dit: “Je suis content de retourner en cours; c’est la 1ère fois que ça m’arrive!”. Et ma fille avec un an d’avance s’ennuyait… Ce n’est pas la faute des profs; dans le cas de mes enfants, ils ont été super! Pourquoi nier l’évidence?

  4. Viviane Micaud

    Les élèves perdants
    Actuellement, il y a trois problèmes :
    – les programmes et les modes de contrôles imposés par le “Système Education Nationale” ne sont pas adaptés à la diversité des élèves,
    – les moyens pour accompagner les jeunes qui n’ont pas acquis la lecture et l’expression ne sont pas au niveau des enjeux;
    – la réflexion sur la “pédagogie à appliquer” n’est pas sereine. C’est un terrain d’enjeux de pouvoir et où les plus nuisibles sont ceux qui s’appellent “progressistes”. En effet, souvent ils utilisent des violences morales pour imposer des “méthodes magiques simplistes”, alors qu’il s’agit évidemment d’une façon de faire inadaptée. Il y a encore des points de crispation.
    Il y a des “éléments de langage évidemment faux” qui sont imposés par des cadres supérieurs et qui bloquent la réflexion. Pendant longtemps les travaux de recherche qui n’étaient pas en alignement avec les “doctrines voulues pour se mettre en avant par les pontes de la rue de Grenelles” n’étaient pas pris en compte. Ce qui a stérilisé la réflexion.

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