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Les chroniques de Véronique Decker (2) : Le bord du monde

Ce soir, à la sortie de l’école, un élève m’attendait. Il habite au 115 et tous les deux ou trois jours, on le change d’hôtel. Comme il n’est qu’en CE2, souvent il attend pour que je lui explique comment faire pour y aller. Et souvent, je ne parviens pas à expliquer, alors je fais monter tout le monde dans ma voiture et je les emmène. Massy, Cergy, Champs sur Marne, Sarcelles, Gonesse, il a déjà fait le tour de toute l’île-de-France. Cette fois, il fallait aller à Mery sur Oise. Et pour aller de Bobigny à Mery sur Oise, la voiture c’est tout de même plus simple. L’hôtel se trouve très loin de la gare, dans une zone industrielle plantée au milieu des champs.

«Les enfants demandent « T’es 115 ? ». Mon élève répond : « Oui ». C’est une nouvelle nationalité… Les autres enfants ne vont plus à l’école. Trop loin.»

Lorsque nous arrivons, il est 17 heures Sur le parking, il y a des enfants. Des enfants noirs, des enfants blancs, qui tous parlent le français. Toutes les chambres de l’hôtel sont « 115 ». Les enfants demandent « T’es 115 ? ». Mon élève répond : « Oui ». C’est une nouvelle nationalité… Les autres enfants ne vont plus à l’école. Trop loin. Trop de changements. Entre la zone industrielle, les champs, la décharge, c’est le bord de notre monde. Là où il n’y a plus d’enfance, plus d’école. Juste une « mise à l’abri ». Je me demande si c’est eux qui sont abrités, ou si c’est nous qui nous abritons de cette misère.
Véronique DECKER

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