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La pédagogie critique en formation des enseignants

Dans différents pays, la pédagogie critique est considérée comme une orientation de la formation des enseignants. Ci-dessous on lira des traductions d’extraits de textes d’enseignants-formateurs de différents pays présentant leurs conceptions des modalités que recouvrent une pédagogie critique dans la formation des enseignants. En effet la pédagogie critique appliquée à la formation des enseignants est utilisée dans de nombreux pays de langue anglaise, espagnole ou portugaise que ce soit en Europe, en Amérique latine ou du Nord, en Afrique ou encore en Australie par exemple. Elle vise à aider les enseignants à développer auprès de leurs élèves un enseignement critique orienté vers la justice sociale et la lutte contre les inégalités.

Extrait de Pascual Baños, Carmina La pedagogía crítica en la formación del profesorado de educación física, sobre todo una pedagogía ética Revista Interuniversitaria de Formación del Profesorado, núm. 43, abril, 2002 (España) :

a) Utilisation des journaux, de groupes de discussion, de réflexion-action… comme moyens pour développer la réflexion des étudiant-e-s.

b) Négocier avec les étudiants certaines des éléments du programme : contenus, méthode, devoirs et évaluations pour démocratiser les relations dans la classe.

c) Utiliser le dialogue comme un processus de débat cohérent, fondamental et systématique, non pas seulement comme une technique pour parvenir à construire des connaissances, mais également comme un moyen d’ autorisation et d’encapacitation des étudiants, de transformation des relations sociales entre les membres de la classe et pour être plus conscients des relations dans la société.

d) Créer une ambiance de liberté et de confiance pour que les étudiants participent au moment de manifester et d’argumenter leur opinions, d’apporter des idées…

e) Éliminer les relations autoritaires et impositives entre les étudiants et soi pour faciliter la participation

f) Mettre en lien la connaissance avec les aspects contextuels (sociaux, culturels, politiques et économiques) tant macro, comme meso- et microcontextuels.

g) Établir des connexions entre les éléments et les thèmes traités afin d’éviter la fragmentation et l’atomisation des connaissances qui empêchent une véritable connaissance d’un thème.

h) Mettre l’étudiant devant des perspectives et des orientations diverses avec l’objectif de développer la pensée critique sur et à travers des problèmes didactiques.

i) Informer et expliquer aux étudiants le « pourquoi » et le « pour quoi » des thématiques du programme, les thèmes sélectionnés, la méthode à utiliser et les tâches à réaliser.

j) Au début de chaque thème du programme informer les étudiants au sujet des objectifs que l’on prétend atteindre durant le déroulement du thème, dit d’une autre manière, informer les futurs enseignants de ce que l’on attend d’eux. Non seulement, ils ont le droit de le savoir, mais également c’est une bonne chose qu’ils le sachent pour mieux comprendre le processus que l’on suit.

k) Organiser des activités de lectures d’articles, de chapitres de livres… sur chacun des thèmes afin qu’ils puissent avoir un accès directe aux sources et puissent construire leurs propres idées sans le filtre du formateur.

l) Sélectionner soigneusement les supports curriculaires qui peuvent le mieux représenter la réalité et la construction multidirectionnelle de la connaissance, en particulier les documents qui montrent une sensibilité particulière à l’erradication des discriminations et autres injustices sociales.

m) Organiser des activités collaboratives pour développer la coopération « entre les futurs professeurs » pour contrecarrer l’individualisme exacerbé actuel […] Il faut s’attacher à réfléchir à quelles sont les procédures et les stratégies qui facilitent le travail collaboratif.

n) Réfléchir et évaluer sa pratique de formateur pour améliorer la qualité de son enseignement et chercher à réaliser un développement professionnel avec une visée éthique.

o) Éviter de présenter les connaissances de manière manichéenne et dogmatique, en mettant en relief la complexité de l’objet.

Extrait de Zelia Joli, « A Pedagogia Crítica Freireana e a Formação de Professores », Professora da Unicap e do Programa de Mestrado em Ensino de Ciências da UFRPE e Membro da Diretoria do Centro Paulo Freire – Estudos e Pesquisas (Brasil).

La recherche-intervention critique collaborative : […]

– stimuler les étudiants à développer l’impatience qui caractérise l’appétit pour la recherche et l’invention

– démontrer que la démocratie et la liberté ne sont pas la négation de hautes attentes académiques

– encourager les étudiants à proposer des problèmes et à répondre à des questions.

– présenter les thématiques non « comme une lecture théorique et des faits à mémoriser, mais comme des problèmes proposés au sein de l’expérience et du langage des élèves, pour qu’ils travaillent ». Le fait de problématiser, de mettre les contenus sous forme dialogique fait que la matière est insérée dans la vie et la pensée des étudiants qui ne mémorisent pas des informations académiques sur la biologie, l’économie, mais affrontent, avant tout, des problèmes de leur vie et de la société à travers les passages spécifiques offerts par une discipline académique. En bref, favoriser le fait que les élèves deviennent les examinateurs critiques de leur propre expérience, en questionnant et en interprétant leur vie et l’éducation au lieu de seulement les traverser.

– Conduire la classe dans un processus d’apprentissage démocratique qui stimule le développement de la pensée critique : « A travers un dialogue problématisateur, les étudiants ont l’opportunité de réfléchir sur leur propre vie, en cherchant à découvrir des significations et des valeurs. Ils ne cesseront plus de réfléchir sur ces thèmes. Leurs propres expériences incluent alors une dimension auto-réflexive dû à la problématisation provenant de leur quotidien ». (McLaren et Leonard).

Extrait de Graham Crookes and Al Lehner,Reflections on an ESL critical pedagogy teacher education course (University of Hawaii) :

L’une des premières présentation approfondie, [de la pédagogie critique appliquée à la formation des enseignants l’a été par Crawford en 1978], fournit une base pour indiquer ce qui pourrait être attendu de la pédagogie critique dans notre région, en partant de vingt principes, dont dix sont particulièrement importants :

a) Le but de l’éducation est de développer la pensée critique en présentant [aux étudiants] les situations comme des problèmes afin qu’ils puissent les percevoir, y réfléchir et agir sur elles.

b) Le contenu du programme doit découler de la situation de vie des apprenants exprimés à partir des thèmes qui y sont présents

c) Le dialogue constitue le cœur de la situation d’éducation

d) L’organisation du programme d’enseignement reconnaît la classe sociale comme une réalité qui doit être prise en compte

e) Les apprenants produisent leur propre matériel d’apprentissage

f) La tâche de planification consiste d’abord à repérer les thèmes génératifs et la seconde à organiser l’enseignement en fonction de ces thèmes génératifs.

g) L’enseignant participe au processus en tant qu’apprenant au même titre que les autres apprenants.

h) L’enseignant contribue par ses idées, son expérience, ses opinions et ses perceptions au processus dialogique.

i) La fonction de l’enseignant est un problème qui est interrogé.

j) Les élèves possèdent le droit et le pouvoir de prise de décision.

Extrait de Paula Andrea Echeverri Sucerquia Sebastián Pérez Restrepo, « Making Sense of Critical Pedagogy in L2 Education Through a Collaborative Study Group », Profesionnal Development,  vol.16 no.2 Bogotá July/Dec. 2014 (Bogota, Colombia) :

La pédagogie critique :

– Rejette la notion d’enseignants comme fournisseurs de contenus au sens de la vision instrumentaliste et techniciste de l’enseignement

– Privilégie le contexte local et la capacité des enseignants à imaginer de nouvelles possibilités et à produire de nouvelles connaissances situées localement.

– Entraîne les enseignants à développer une clarté conceptuelle, politique et idéologique nécessaire pour comprendre et transformer leur pratique.

– Met l’accent sur la théorie qui permet aux enseignants de développer la conscience de soi, la lecture critique du monde et à problématiser leur pratique.

Extrait de Oly Olmos de Montanez, La pédagogia critica y la interdisciplinariedad en la formacion del docente venezolano, Sapiens, Revista Universitaria de Investigacion, Año 1, junio 2008 (Venezuela) :

a) Relation théorie et pratique : la production de connaissance s’appuie sur la relation dialectique entre la théorie et la pratique, où les deux s’interrogent et s’enrichissent, au moyen de pratiques pédagogiques réflexives-critiques afin de transformer la réalité. La recherche-action émancipatrice, concertée entre enseignants, étudiants et communautés, est un instrument entre la théorie et la pratique. Ainsi, la praxis est constituée par l’action et la réflexion de l’enseignant et des étudiants. Cela requiert une théorie et suppose une relation entre la théorie et la pratique. En accord avec Freire, connaître constitue un processus dialectique entre l’action et la réflexion générant de nouvelles actions.

b) La rationalité critique dialectique : on se réfère à l’action autonome et responsable qu’atteint l’enseignant à partir de l’auto-réflexion pour se libérer des dogmes et ainsi pouvoir comprendre, interpréter et signifier sa pratique pédagogique, au moyen de décisions informées par des connaissances et des savoirs produits par la pensée dialectique, le consentement, l’intuition, la critique, la construction sociale du curriculum (cela implique des concepts, différentes visions du monde). L’enseignant arrive à comprendre que le curriculum construit avec une rationalité critique et émancipatrice et dialectique, par des sujets qui participent à l’enseignement et à l’apprentissage « suppose une relation réciproque entre auto-réflexion et action ». Ainsi, la rationalité critique dialectique promeut la formation politique de l’être et du faire de l’enseignant, comme l’a dit Aristote, l’homme est un « animal politique », et en accord avec Freire, comme êtres historiques et cela est un acte politique. Ajouté à cela, l’éducation possède un caractère politique qui l’oriente vers la transformation sociale et le développement des peuples dans toutes ses dimensions. A partir de cette rationalité, l’enseignant assume l’enseignement comme une pratique sociale, politique et idéologique pour former des citoyens démocratiques et contribuer à la construction et à la transformation d’une société démocratique.

c) Contextualisation : La pédagogie critique favorise la production de connaissances de l’éducateur en étroite relation avec son contexte, et les autres contextes, avec un regard sur l’analyse des situations dans leurs contradictions et leurs affinités. Le contexte se réfère à des éléments socio-historiques, économiques, culturels, géographiques, politiques, dans lesquels interagit le sujet et à partir desquels il interprète la réalité avec une pensée réflexive et critique. L’enseignant doit considérer les relations du contexte et son influence dans le processus de formation de l’être humain, favorisant les relations entre le sujet et la réalité, dans la recherche de la compréhension de ces relations de transformation de la réalité pour l’améliorer.

d) La recherche-action délibérative et collaborative : la pédagogie critique forme l’enseignant dans l’enseignement élémentaire par une recherche-action délibérative, collaborative et autonome, menée à terme avec ses collègues et ses élèves, au plus près de sa pratique quotidienne, avec le but de l’améliorer en s’appuyant sur la construction et la reconstruction de la théorie pédagogique qui la sous-tend, à partir de la réflexion critique. De cette manière, on fait du curriculum une tâche collective et intégratrice de connaissances.

e) La finalité éthique : le but de la pratique pédagogique consiste à faire le bien moral à travers l’action. Cela n’est pas extérieur, ni ne peut être préalable à la pratique même, et est toujours soumis à révision. C’est que les enseignants doivent réviser et discuter, de manière collaborative et constante, la tradition (croyances, concepts et pensés..) au travers de laquelle ils atteignent la connaissance pratique afin d’orienter le moyen de réaliser les fins éthiques de la pratique pédagogique. Cela est possible parce que la Pédagogie critique est une science pratique avec des fins éthiques, ce qui implique de considérer la relation entre raison et moralité au moment de la réflexion et de l’action pratique.

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