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La dysphasie chez l’enfant, A.N.A.E. N° 131

Dossier coordonné par Christelle Mailart (Université de Liège)

En écrivant l’introduction de ce dossier consacré aux troubles sévères de développement du langage souvent appelés troubles spécifiques du langage ou dysphasies en langue française, je réalise que j’ai principalement donné la parole aux orthophonistes, ou, plutôt, aux orthophonistes, logopédistes et logopèdes puisque ce numéro rassemble des contributions venant de France, du Canada, de Suisse ou de Belgique. Le lecteur indulgent y verra là l’envie de mettre en avant la – trop rare – recherche en orthophonie développée en francophonie.

Mais, qu’on ne s’y trompe pas, ces troubles requièrent une approche multidisciplinaire tant au niveau clinique qu’au niveau de la recherche. Les données actuelles soulignent d’ailleurs que les difficultés de ces enfants sont également à rechercher en dehors du langage, dans des mécanismes cognitifs plus généraux. Ainsi, Lise Desmottes fera le point sur les difficultés d’apprentissage procédural en s’intéressant aussi bien à l’apprentissage initial qu’à la consolidation des apprentissages. Les cliniciens rapportent depuis longtemps des difficultés séquentielles chez des enfants dysphasiques, difficultés qui les empêchent de gérer des séquences d’éléments (par exemple les phonèmes), d’événements ou de gestes. Il a pourtant fallu attendre 2005 et la proposition théorique d’Ullman et Pierpont suggérant l’existence d’un déficit de la mémoire procédurale pour assister à un développement important de la recherche dans ce domaine et voir se confirmer, empiriquement, certaines observations cliniques.

Au-delà des difficultés séquentielles, un autre constat interpelle quasi quotidiennement les cliniciens : les difficultés qu’ont ces enfants à généraliser une connaissance ou à transférer un apprentissage en dehors de son contexte d’acquisition, voire en dehors du cabinet, de la classe où cela a été travaillé. Cette thématique sera par conséquent largement abordée dans ce numéro. Sandrine Leroy y présente une étude longitudinale ciblée sur la généralisation des acquisitions morphosyntaxiques. Elle démontre les difficultés de généralisation des enfants dysphasiques dans ce contexte et identifie néanmoins des conditions plus favorables à la généralisation. Anne Bragard et Jacinthe Dupré Savoy traitent à leur tour cette question en ciblant plus particulièrement le manque du mot chez l’enfant. Elles présentent un dispositif clinique astucieux : un canevas visuel aidant les enfants et les adolescents à s’auto-indicer.

Deux autres interrogations cliniques trouvent une place de choix dans ce dossier : l’impact du bilinguisme sur les troubles du langage et les conséquences des troubles du langage oral sur l’acquisition du langage écrit. Pour répondre à la première question, Gabrielle Veillette et Andrea A.N. MacLeod proposent une revue de la littérature ciblée sur les habiletés morphosyntaxiques qui les conduit à nuancer la vision souvent négative du rôle du bilinguisme dans les troubles du langage. Lucie Macchi, Séverine Casalis et Marie-Anne Schelstraete s’attaquent, quant à elles, à la deuxième question en proposant une étude fouillée des capacités de lecture à voix haute des enfants dysphasiques. Elles confirment la présence de profils retardés en langage écrit chez une majorité de ces enfants – bien qu’environ 10% d’entre eux ne présentent aucun retard d’apprentissage en langage écrit – et analysent qualitativement les profils rencontrés.

Enfin, après les nombreux voyages « aller » (clinique/recherche) illustrés ci-dessus, il semblait important d’offrir au lecteur quelques voyages « retour » (recherche/clinique) en proposant quelques réflexions plus méthodologiques, ancrées dans des pratiques basées sur les preuves (Evidence-based Practice), autour des activités cliniques importantes que sont l’évaluation et l’intervention. Ainsi, Anne-Lise Leclercq et Emilie Veys réalisent une analyse fine des tests standardisés utilisés lors du diagnostic de dysphasie et développent des recommandations concrètes concernant les outils d’évaluation dans ce domaine. De la même façon, avec mes collègues, Lise Desmottes, Gaïd Prigent et Sandrine Leroy, nous avons tenté d’analyser les « ingrédients actifs » pertinents, c’est-à-dire les principes sous-jacents aux rééducations langagières dont l’efficacité a été démontrée. Nous avons particulièrement ciblé deux mécanismes : la répétition et la variabilité pour leur importance dans les récentes théories langagières.

Christelle Maillart

Université de Liège, Belgique

http://www.anae-revue.com/la-documentation-scientifique-tous-les-n-disponibles/

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