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La compétition pour les riches, la coopération pour les pauvres ?

C’est le titre du texte de présentation du nouveau numéro des Cahiers pédagogiques (Mieux apprendre avec la coopération) que nous reproduisons ici :

La question est insolente, insupportable presque. Au point qu’on ose à peine la formuler… Et que sitôt formulée, on la regrette. Stéphanie Fontdecaba et Sylvain Connac, qui ont coordonné le dossier du numéro 505 « Mieux apprendre avec la coopération », ont pourtant accepté d’y répondre. Sans ambages.

Au sortir du dossier sur la coopération, et forts l’un et l’autre de vos recherches et expériences personnelles et professionnelles, diriez-vous que la compétition est l’affaire des riches et la coopération celle des pauvres ?

Sylvain Connac : Bien sûr que oui ! Tout du moins en éducation. Pour preuve, les travaux conduits par l’équipe de Jean-Yves Rochex, ceux de Bernard Lahire. L’article de Jacques Georges sur le site montre bien, lui, dans quel cadre est née la coopération : « S’il y a des formes de coopération très tôt, par exemple dans les fruitières du Jura dès le XIIIe siècle, le mouvement coopératif – le mot coopération avec cette acception apparait en 1826 – est plutôt à relier à la révolution industrielle et à la condition qu’elle ménage aux ouvriers : «  Vivre, pour l’ouvrier, c’est ne pas mourir  », dit un observateur en 1835. Aux canuts insurgés, en 1831, un ministre avait répondu : «  Il faut que les ouvriers sachent bien qu’il n’y a de remèdes pour eux que la patience et la résignation.  » Le mouvement ouvrier sous ses diverses formes, socialisme utopique, socialisme politique, syndicalisme, coopération, est le refus de cette résignation à l’inadmissible. »

Stéphanie Fondecaba : Cela laisse en effet entendre que la coopération vient bien plus naturellement dans la galère, dont on sort peu à peu et grâce aux autres, que dans le confort. Est-ce que c’est une affaire de riches ou de pauvres, je n’en suis pas sûre. Par contre, je peux dire qu’en classe, la compétition se trouve partout ! Dans trop de classes, règnent la concurrence, les moqueries et les douces violences. C’est pas beau à voir et ce n’est pas réservé aux riches !

Est-ce que la coopération mène à tous les coups à la réussite ? A dépasser même les inégalités scolaires ?

Sylvain Connac : Rien de magique ou d’automatique non. L’enjeu principal pour la lutte contre les inégalités est de faire dépasser le plaisir d’agir à plusieurs dans la coopération pour aller vers les apprentissages. Ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas.
C’est la raison pour laquelle la pédagogie a toute sa place avec la coopération, justement pour autoriser chaque élève à progresser, qu’importent ses aptitudes scolaires.

En somme, si l’on souhaite faire de la coopération un outil pour lutter efficacement contre le fléau des inégalités scolaires, on ne peut pas faire l’impasse de deux précautions pédagogiques : la formation de tous les élèves aux gestes coopératifs (Les textes de Joëlle Armand** et Bruce Demaugé-Bost** l’illustrent particulièrement bien.) et la valorisation des talents, pas seulement ceux en maths et en français. Plus largement, pas seulement ceux traditionnellement mis en valeur par l’école et ses programmes. Lire notamment à ce sujet les articles de Gilles Baldassari** et de Michel Calmet**.

Stéphanie Fontdecaba : Pour moi, la coopération, c’est surtout indispensable dans l’adversité, qui est un lit pour les inégalités sociales et scolaires ensuite. Ensemble, on est plus fort que seul. Mais en tant qu’enseignant même, j’ai besoin au quotidien de réseaux proches ou à distance sur qui m’appuyer pour trouver ce qui conviendra face, par exemple me concernant, à ces classes multi-âges atypiques. Mais pour les élèves, c’est pareil : tous ensemble pour avancer !

Est-ce qu’il faut alors faire disparaître la compétition ?

Sylvain Connac : Non, parce que la coopération gagne à favoriser la compétition entre les élèves, si celle-ci s’oppose au culte de la première place, niant ainsi les efforts de tous les seconds. Elle prend alors forme d’émulation, son principe étant surtout d’apprendre à dépasser ses propres limites en s’appuyant sur les performances de ses pairs.
Il ne reste alors plus qu’à toutes les bonnes volontés de se regrouper !

**auteurs dans le dossier « Mieux apprendre par la coopération »

Voir en ligne : Commander “Mieux apprendre avec la coopération”

1 Comment

  1. Anonyme

    La compétition pour les riches, la coopération pour les pauvres ?
    Je suis f’accord avec tout ce qui est dit. Cependant, n’oublions pas le principe de réalité des classes lamdba. Je n’ai pas lu les travaux de JY Rochex, pas plus ceux de Bernard Lahire.
    Sur l’idée que vous émettez :

    “En somme, si l’on souhaite faire de la coopération un outil pour lutter efficacement contre le fléau des inégalités scolaires, on ne peut pas faire l’impasse de deux précautions pédagogiques : la formation de tous les élèves aux gestes coopératifs (Les textes de Joëlle Armand** et Bruce Demaugé-Bost** l’illustrent particulièrement bien.) et la valorisation des talents, pas seulement ceux en maths et en français. Plus largement, pas seulement ceux traditionnellement mis en valeur par l’école et ses programmes”;

    il me semble que ces idées sont largement plus “faciles” à faire passer dans certaines conditions d’apprentissage qui sont loin d’être le cas général, à savoir: classes multi-âge, classes rurales (multi-niveaux ou unique), classes situées dans des quartiers pas forcément favorisés où une dynamique d’équipe d’école a été mise en place à long terme avec une équipe stable…Ceci pour dire qu’il me semble que la coopération est beaucoup plus difficile à mettre en place dans bien d’autres classes où se côtoient des enfants sont issus de milieux très différents. Donc de fait, des classes dans lesquelles les attentes des parents sont très différentes. Finalement, le plus difficile n’est-il pas de faire accepter, d’expliquer (àcertains parents qui eux-m^mes sont dans la compétition) selon laquelle la coopération est un plus pour les apprentissages.
    Je n’ai mes élèves que deux ans et il faut sans arrêt expliquer, argumenter notre façon de faire “coopérative”. Ca coince souvent, ca fait son chemin, ca donne un autre regard sur l’école, qu’on peut avancer en collaborant dans la classe, dans des projets communs qui font avncer chacun à son rytme, à son niveau. Biensûr aussi qu’il faut valoriser les talents qui peuvent être “autres” que scolaires. Là aussi “IL FAUT EXPLIQUER” et ce n’est parfois pas si simple.
    Même si d’aucuns préféreraient ne voir qu’une tête et la même chose pour tous en même temps.
    Marc

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