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L’évaluation chiffrée? Un outil ultra libéral “parfait”…

Un petit billet du blog Profencampagne, qui propose un extrait de l’ouvrage Changer l’école, de la critique aux pratiques, collection N’Autre école, Libertalia, 2014.

Peut toujours mieux faire !

La notation de 0 à 20, des compositions, est (…) officialisée en France en 1890. Si la République s’inspire des systèmes de classement antérieurs, elle entend les optimiser selon une idéologie qui lui est propre. Alors que le classement des Jésuites ne valait que pour un lieu et un moment, la note prétend à une valeur universelle: “Ce que la note va progressivement signifier, c’est moins le rang de l’élève dans sa classe que sa place sur une échelle universelle: l’échelle d’appréciation. Comme la monnaie pour le produit, la note apprécie le travail de l’élève, c’est à dire qu’elle lui donne son prix. (…) Ce que dit la note, ce n’est pas seulement le rang que l’on mesure (“5e sur 25”), mais la valeur du “travail” ou de la “conduite” que l’on évalue. Peu importe, à la limite, que Jules soit 3e ou 15e sur 25. Si la note est une bonne note, c’est que son travail est un bon travail” (Maulini)

Le système permet de dépasser le traditionnel enseignement individuel des petites écoles au profit d’autres méthodes jugées économiquement plus rentables. Avec l’enseignement simultané le maître s’adresse directement à l’ensemble des élèves regroupés de façon homogène. La méthode permet d’augmenter significativement les effectifs. Mais pour avoir des “classes”, il faut… classer: d’où l’apparition de concepts nouveaux, tels ceux de “moyenne” ou de “redoublement”.

Le versant obscur

Il existe une seconde piste pour étudier l’histoire de la notation. C’est celle qui, marchant sur les traces de Michel Foucault, s’interroge sur l’évolution du système de “contrôle”, dans toute l’acception du terme. On connait la formule “surveiller et punir” qui marque le passage à notre époque moderne. Progressivement – mais il faudra quand même, en France, attendre 1835 et surtout 1918 – le châtiment physique, comme méthode pédagogique, disparaît. Il avait été concurrencé puis supplanté par “divers procédés d’examen, punitions morales ou psychologiques, surveillance disciplinaire récompensant les bons, flétrissant les mauvais élèves, leur portant des marques visibles, les classant”*. “L’examen combine les techniques de la hiérarchie qui surveille et celles de la sanction qui normalise. Il est un regard normalisateur, une surveillance qui permet de qualifier, de classer et de punir. Il établit sur les individus une visibilité à travers laquelle on les différencie et on les sanctionne. C’est pourquoi, dans tous les dispositifs de discipline, l’examen est hautement ritualisé.”** La note, comme “punition-signe”, va se substituer à la “punition-expiation” (qui, visant le corps, faisait expier dans et par la douleur) et s’articuler avec la “punition-exercice” qui vise à dresser le corps (typologie des punitions selon Preirat, Eduquer et punir. Généalogie du discours psychologique, Presses Universitaires de Nancy, 1994)

* Pierre-Philippe Bugnard, “La note, invention des temps modernes”, Revue des hautes études pédagogiques et institutions assimilées en Suisse Romande et du Tessin, No 1, 2004, pp 89-95

** Michel Foucault, Surveiller et punir, Gallimard 1975, p 187

Extrait de Changer l’Ecole, De la critique aux pratiques, Ed Libertalia

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