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L’Education morale et civique et l’oubli de la question sociale

Lorsque l’on lit l’article premier de la constitution française, il est mentionné que la France est une République sociale. Néanmoins, dans les programme d’EMC chargés de porter les valeurs de la République, une réelle référence aux valeurs “sociales” de la République a disparu.

Les valeurs de la République et l’article premier de la constitution de 1958

L’article premier de la constitution dispose: “La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales”.

Il est possible de reconnaître dans cet article plusieurs des valeurs de la République qui sont portées dans le programme d’éducation morale et civique: la laïcité, la tolérance religieuse, l’anti-racisme, l’égalité homme/femme, la démocratie.

La question “sociale” et son oubli

Néanmoins l’article premier de la constitution affirme que la France est une République démocratique et sociale. Que signifie cette affirmation “sociale” ?

Sans remonter nécessairement à l’histoire de l’expression “République sociale” depuis le XIXe siècle, cela fait au moins référence aux droits sociaux qui sont inscrits dans le préambule de la constitution de 1946 et qui ont valeur constitutionnelle.

Ces droits sociaux s’inscrivent dans la continuité du programme du Conseil national de la Résistance (CNR): “Les jours heureux”.

Quels sont ces droits ? Droit au travail, droit de se syndiquer et de faire grève, le droit à des services public, à une sécurité sociale….

Lorsqu’on le regarde le programme d’EMC, il faut attendre le cycle 4 pour que les droits sociaux soient évoqués et l’on ne peut être que surpris par le contenu qui leur est donné:

A “Connaître les principaux droits sociaux”, ce qui est énoncé, c’est: – L’engagement politique, syndical, associatif, humanitaire : ses motivations, ses modalités, ses problèmes.”
Ainsi, l’engagement syndical est évoqué, mais parmi d’autres: politique, associatif ou humanitaire…Mais les droits sociaux tels qu’ils apparaissent dans le préambule de la constitution de 1946 ne sont jamais explicitement déclinés.

Certains syntagmes pourraient les évoquer, comme “solidarité collective”, mais de manière tellement vague que l’enseignant n’est pas explicitement incité à les interpréter dans ce sens. Mettre en valeur les droits sociaux constitutionnels devient dès lors une volonté militante de l’enseignant, mais pas un contenu explicite du programme.

Dans le programme de lycée, là encore on ne lit guère de référence aux droits sociaux. La seule référence la plus approchante porte sur l’impôt: “Payer l’impôt : organisation de débats portant sur l’impôt et la citoyenneté, l’impôt et la solidarité, l’impôt et l’égalité, l’impôt et l’éthique”.

Mais si l’impôt est une prérogative du pouvoir de l’Etat, cet impôt peut être dévolu à entretenir l’armée, la police ou encore la justice. C’est à dire ce que l’on appelle l’appareil répressif de l’Etat et non pas spécifiquement à financer des services publics sociaux.

Une lecture symptomale du programme d’Education morale et civique

Une lecture de l’histoire de la citoyenneté en France se caractérise par la conquête progressive de l’égalité des droits civils, politiques et la conquête de droits sociaux.

Il est tout de même symptomatique que dans un programme d’Education morale et civique rédigé sous un gouvernement de “gauche”, les droits sociaux ont disparu ou sont redéfinis,

Lorsqu’on lit le programme d’Education morale et civique, on peut constater qu’il y est fait une part belle à la lutte contre les discriminations racistes et à l’égalité homme/femme. Il ne s’agit pas de nier ou de relativiser l’importance de ces causes.

Mais, elles ne suffisent à justifier l’oubli de la question sociale.

Il est tout à fait symptomatique que l’on veuille construire une culture et des valeurs communes en oblitérant la question sociale. Comme s’il était possible de construire du commun en s’appuyant uniquement sur des valeurs et en omettant la justice sociale.

Mais à vrai dire, il n’y a guère de raison de s’étonner de cet oubli. En effet, comment prôner la justice sociale devant des élèves alors que l’on sait que l’école est le lieu central de la reproduction des inégalités sociales.

De même, comment valoriser les droits sociaux, alors que les gouvernements successifs depuis les années 1980 ont accepté le tournant néo-libéral de l’économie et que le Président François Hollande se revendique d’une sociale-démocratie qui ressemble bien plus à un social-libéralisme qu’au socialisme.

Annexe: Préambule de la constitution de 1946

1. Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. Il réaffirme solennellement les droits et libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.

2. Il proclame, en outre, comme particulièrement nécessaires à notre temps, les principes politiques, économiques et sociaux ci-après :

3. La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme.

4. Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République.

5. Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances.

6. Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix.

7. Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent.

8. Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises.

9. Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité.

10. La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement.

11. Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence.

12. La Nation proclame la solidarité et l’égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales.

13. La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’Etat.

14. La République française, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit public international. Elle n’entreprendra aucune guerre dans des vues de conquête et n’emploiera jamais ses forces contre la liberté d’aucun peuple.

15. Sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l’organisation et à la défense de la paix.

16. La France forme avec les peuples d’outre-mer une Union fondée sur l’égalité des droits et des devoirs, sans distinction de race ni de religion.

17. L’Union française est composée de nations et de peuples qui mettent en commun ou coordonnent leurs ressources et leurs efforts pour développer leurs civilisations respectives, accroître leur bien-être et assurer leur sécurité.

18. Fidèle à sa mission traditionnelle, la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge à la liberté de s’administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires ; écartant tout système de colonisation fondé sur l’arbitraire, elle garantit à tous l’égal accès aux fonctions publiques et l’exercice individuel ou collectif des droits et libertés proclamés ou confirmés ci-dessus.

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