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Jusqu’où les laisserons-nous aller ?

En octobre 2007, sous Sarkozy, l’ex-vice-président du MEDEF Denis Kessler déclarait crument dans la revue Challenges : « Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la Résistance. Un compromis entre gaullistes et communistes. Il est grand temps de le réformer, et le gouvernement s’y emploie. Les annonces successives des différentes réformes par le gouvernement peuvent donner une impression de patchwork, tant elles paraissent variées, d’importance inégale, et de portées diverses : statut de la fonction publique, régimes spéciaux de retraite, refonte de la Sécurité sociale, paritarisme…
À y regarder de plus près, on constate qu’il y a une profonde unité à ce programme ambitieux. La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance !
»

Le projet de réforme des retraites actuel s’inscrit dans la même logique. Ce dont il s’agit, c’est de défaire un système fondé sur la solidarité intergénérationnelle pour le remplacer par un système plus conforme aux visées libérales et fondé sur la financiarisation des pensions.

Le système de retraite actuel est un système par répartition. Le salarié n’avance pas d’argent quand il est en activité pour en percevoir l’âge de la retraite venu. Pendant sa période de travail, le salarié perçoit un salaire (salaire direct). En plus de celui-ci, le patron qui convoque la force de travail verse, sous la forme des cotisations sociales (que les patrons appellent des « charges »), un salaire indirect qui est immédiatement reversé à celles et ceux qui sont retraité-es. En ce sens on peut parler d’un salaire « socialisé », qui constitue une part de la protection sociale.

Avec le système à points voulu par Delevoye et Macron, la valeur du point serait variable en fonction de l’état de l’économie du pays, puisque la réforme limiterait le total des versements consacrés aux retraites à 14 % du PIB. Nous passerions d’un système où chacun-e peut prévoir ce qu’il ou elle aura comme pension à sa date de départ, à un système où notre durée de cotisation nous octroierait un nombre de points certes défini, mais des points dont le montant pourrait varier. Pire, la retraite deviendrait donc pour toutes et tous variable d’une année à l’autre pour un même parcours professionnel.

Par ailleurs, la prise en compte de l’ensemble de la carrière et non plus des meilleures années pour calculer le montant de nos pensions entrainerait un recul pour toutes et tous, et particulièrement pour celles et ceux qui ont des carrières discontinues, des périodes d’emploi précaire et/ou de chômage.

Les réformes de 1992, 2003, 2010 ont toutes provoqué une diminution des pensions et un recul de l’âge du départ en retraite. Cela ne suffit pas à ceux qui entendent pousser les futur-e-s retraité-e-s à capitaliser auprès des fonds de pension s’ils veulent avoir une retraite décente : un système dans lequel des cotisations perçues sont immédiatement reversées sans passer par la case « profit financier » a toujours semblé une aberration pour le libéralisme.

Ce sont là les enjeux de la grève appelée par quasiment toutes les organisations syndicales pour le jeudi 5 décembre. Il est évident cependant que, face à cette volonté de « défaire méthodiquement » notre protection sociale, c’est ce que nous ferons au-delà du 5 qui sera déterminant : seule une grève prolongée permettra de faire reculer les forces libérales à l’œuvre.

Jusqu’où les laisserons-nous aller ?

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